Un Ramadan parmi les décombres

Le Ramadan à Gaza ne ressemble à aucun autre que nous avons vécu auparavant.

Un Ramadan parmi les décombres : Les abords d'al-Shifa, le plus grand hôpital de Gaza, après un massacre israélien.

Les abords d’al-Shifa, le plus grand hôpital de Gaza, après un massacre israélien. (Photo : Omar Ishaq / DPA via ZUMA Press)

Sahar Qeshta, 3 avril 2024

Nous n’avons pas le traditionnel sahur (repas léger pris juste avant l’aube en période de Ramadan, NdT) pour nous préparer à la journée à venir.

Il n’y a pas de fêtes, ici.

Aucune invitation n’est adressée à qui que ce soit pour qu’il ou elle nous rende visite.

Nous pouvons à peine nous nourrir, encore moins nourrir des invités – même s’ils sont membres de nos propres familles étendues.

Il est impossible de se procurer des douceurs et du jus, après l’iftar.

Le sucre est un luxe hors de portée.

La seule chose que nous ayons à boire, c’est de l’eau polluée.

Naguère le poulet et la viande rouge étaient incontournables. Ils ont été remplacés par des conserves d’aliments transformés.

Les fruits n’existent pour ainsi dire plus.

Mon fils est atteint de thalassémie. Il a donc besoin d’une alimentation riche en fer.

La nourriture dont il a besoin n’est pas disponible et il commence à présenter des signes d’anémie.

Ce Ramadan est le premier au cours duquel mon fils jeûne. Quand le soleil se couche, il mange une humble boîte de haricots.

Il est devenu très mince. Je ne puis me résoudre à lui dire que j’insiste pour qu’il jeûne parce que nous n’avons pratiquement rien à manger.

L’absence de ceux qui nous sont chers
Le soir, nous nous rassemblons pour les prières de tarawih au milieu des décombres des mosquées qui ont été détruites ou endommagées.

Tellement de personnes sont absentes à nos tables. Tout le monde a perdu au moins un être cher, dans cette guerre.

Avec les déplacements massifs, les gens doivent partager leurs repas dans les tentes. Notre environnement direct nous rappelle en permanence la dévastation qu’Israël nous a infligée.

Depuis près de six mois, nous sommes privés d’électricité. Nous devons prendre nos repas de l’iftar à la lueur diffuse des lampes de nos téléphones cellulaires.

Il n’y a pas de séries spéciales à regarder à la TV, en ce Ramadan. Il n’y a rien pour nous distraire de la réalité.

Nos connexions internet font défaut, nous laissant coupés du monde extérieur.

Nous nous couchons tôt, pour chercher un refuge contre tous les bruits qui nous hantent durant les heures de la nuit. On peut toujours entendre les drones qui nous survolent.

Dans notre épuisement, nous aspirons à ce que le sommeil nous gagne, afin de nous offrir un répit à la douleur qui étreint nos cœurs.

Les années précédentes, nous donnions aux nécessiteux, lors du Ramadan, pour faire en sorte qu’ils puissent rompre leur jeûne grâce à des repas copieux et nourrissants. Aujourd’hui, nous faisons partie de ceux qui doivent compter sur les dons et les paquets d’aide.

La transformation a été profonde.

Tout ceci a été dicté par le fait nous sommes né dans un pays en proie à des troubles. Quelque chose qui échappe à notre contrôle.

Israël poursuit ses atrocités, durant ce mois sacré.

Le plus grand hôpital de Gaza – al-Shifa – a été la scène d’un massacre parmi les pires de l’histoire de la Palestine.

Des maisons sont toujours détruites par les bombes.

Des gens sont toujours piégés sous les décombres.

Ces horreurs se produisent à un moment prévu pour la réflexion et l’édification spirituelle.

Nous souhaitons que le monde nous perçoive non pas comme des statistiques et des gros titres, mais comme des êtres humains méritant la justice.

Le génocide doit cesser.

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Sahar Qeshta écrit régulièrement pour The Electronic Intifada et elle vit à Gaza.

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Publié le 3 avril 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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