Les racistes sont les meilleurs amis d’Israël, au Parlement européen
On s’attend à ce que les partis d’extrême droite aient une présence considérable au sein du Parlement européen, après les élections de ce week-end. Le lobby pro-israélien sera très heureux d’un tel résultat. Ses principaux amis sont des fanatiques.
David Cronin, 4 juin 2024
Tout cela ressort très clairement d’un rapport récent de la Coalition européenne pour Israël (ECI).
Après avoir analysé les registres des votes, l’ECI a conclu que les représentants de Vox en Espagne étaient les plus régulièrement pro-israéliens parmi tous les membres du Parlement européen.
Vox défend le genre de politique dont Donald Trump est devenu le synonyme aux EU. En octobre dernier, Vox avait proposé une interdiction d’entrée en Espagne aux
« immigrants de pays à culture islamique si leur intégration correcte et pacifique ne pouvait être garantie ».
Alors que la plupart des personnes qui contestent les élections au Parlement européen se sont concentrées dernièrement sur la campagne dans leurs propres pays, Vox a envoyé deux de ses candidats en visite chez Benjamin Netanyahou, le Premier ministre israélien.
Le voyage a eu lieu peu après que Karim Khan, le procureur principal de la Cour pénale internationale, avait annoncé qu’il allait demander un mandat d’arrêt contre Netanyahou.
Vox fait partie du groupement politique des Conservateurs et Réformistes européens (ECR). Il est perçu comme le bloc le plus solidement pro-israélien au Parlement européen, suivi par le Groupe Identité et Démocratie, une alliance d’extrême droite qui inclut le Rassemblement national (anciennement Front national) français, le Vlaams Belang belge et le Parti de la Liberté, en Autriche.
La Coalition européenne pour Israël n’a aucun scrupule à travailler avec des extrémistes.
Elle avait sélectionné Jörg Meuthen comme principal supporter d’Israël au parlement sortant.
Meuthen a été codirigeant de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) qui n’a jamais cessé de minimiser les crimes nazis. Après plusieurs années de loyaux services, Meuthen avait quitté le parti en 2022.
À l’époque, il s’était plaint des « connotations totalitaires » de l’AfD. Plus récemment, il a prétendu que le parti ne prenait pas suffisamment la défense d’Israël.
L’impunité a été perdue
Du fait que la Coalition européenne pour Israël tente en permanence d’influencer les députés, elle mérite bien plus d’attention qu’elle n’en reçoit.
D’orientation chrétienne sioniste, elle recourt à des références bibliques quand elle cherche à défendre la soumission des Palestiniens par Israël.
Tomas Sandell, son directeur, a prétendu en avril que
« l’avenir ne sera pas gagné par des arguments sortis des tribunaux internationaux, quelle que soit leur importance, mais par ce que disent les gens, autrement dit ceux qui ont l’histoire la plus convaincante à raconter ».
Il a dépeint l’establishment israélien comme une « renaissance » qui a marqué
« le début d’un processus de décolonisation quand il a été prouvé que le peuple juif était en fait le peuple autochtone, en Palestine ».
Cette allégation en dit on ne peut plus long sur la vision du monde fondamentalement raciste de l’ECI. Les Palestiniens peuvent être chassés de chez eux et même se faire massacrer en masse, puisque l’ECI pense que la Bible a préordonné de telles horreurs.
Bien que cette allégation selon laquelle la Bible devrait avoir la primauté sur les lois internationales n’est pas reprise par un grand nombre de députés ou fonctionnaires de l’UE, ces gens sont néanmoins disposés à coopérer avec l’ECI et d’autres acteurs du lobby pro-israélien.
L’ECI a déclaré un budget total de plus de 450 000 dollars pour 2022. Près de la moitié de cette somme est venue de l‘Esther Foundation, selon l’entrée de l’ECI dans le « registre de transparence » de l’Union européenne.
Tomas Sandell m’a dit par téléphone que l’Esther Foundation avait son siège en Suisse.
« C’est une fondation privée, qui manifestement chrétienne »,
a-t-il dit.
« Et elle voit un intérêt tout particulier dans le combat contre l’antisémitisme. »
L’ECI accuse les opposants de gauche d’Israël d’antisémitisme.
J’ai demandé à Sandell s’il considérait que la critique à l’égard du sionisme, l’idéologie d’État d’Israël, équivalait à de l’hostilité envers les juifs en se basant sur leur religion ou leur ethnicité.
« Le nouvel antisémitisme est exactement tel que vous le décrivez »,
a-t-il dit.
Selon Sandell,
« nous ne voyons pas de distinction » entre l’antisémitisme et défendre la cause disant qu’Israël est « illégitime » en tant qu’État juif.
Son choix de termes est instructif. C’est dans les années 1970 qu’Israël a inventé le concept du « nouvel antisémitisme » afin de tenter de prétendre que ses opposants étaient motivés par la haine des juifs.
En outre, il est correct et approprié de prétendre qu’Israël est illégitime en tant qu’État juif. Le fait de donner à un peuple d’une certaine religion ou d’une certaine race plus de droits qu’à tous les autres devrait être perçu comme anachronique et odieux.
Le lobby pro-israélien pourrait recevoir de l’aide, suite aux résultats des élections de cette semaine. Il serait toutefois insensé de se montrer complaisant.
En demandant un mandat d’arrêt pour Netanyahou, le procureur de la CPI a fait en sorte qu’Israël a finalement perdu son impunité. Qu’importe le nombre d’extrémistes qu’il courtise, le lobby ne rétablira pas cette impunité.
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David Cronin est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Europe Israël : Une alliance contre-nature (Ed. La Guillotine – 2013) et Europe’s Alliance With Israel: Aiding the Occupation (Pluto Press, 2011 – L’Alliance de l’Europe avec Israël contribue à l’occupation). Il a participé à la rédaction du rapport “The israeli lobby and the European Union”.
Son dernier livre est : Balfour’s Shadow: A Century of British Support for Zionism and Israel (Pluto Press – Londres 2017).
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Publié le 4 juin 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine