Des soldats belgo-israéliens sont poursuivis en justice – Deux interviews de Jan Fermon
Des soldats belgo-israéliens qui ont combattu dans le camp israélien à Gaza seront poursuivis par le Mouvement du 30 mars. Ce mouvement soutient ainsi les Belgo-Palestiniens qui sont victimes du génocide. « La Belgique porte une responsabilité spéciale dans la lutte contre l’impunité », déclare l’avocat Jan Fermon, qui défendra les victimes.
Youna Mulock Houwer, 14 juin 2024
Le Mouvement du 30 mars (30/3) est né de l’urgence de la situation en Palestine et tire son nom des manifestations palestiniennes du 30 mars 1976.
« Pour nous, 30/3 symbolise le droit des peuples autochtones à leur terre et à la souveraineté, en résistance à la domination coloniale et aux effets dévastateurs d’une globalisation incontrôlée »,
peut-on lire sur son site internet.
Et, une fois de plus, ils ont l’intention de défendre ce droit. Après avoir déposé plainte en France et aux Pays-Bas, ce mouvement va traîner en justice cinq individus belgo-israéliens qui ont combattu dans les rangs de l’armée israélienne à Gaza.
L’organisation soutient des Belgo-Palestiniens qui sont victimes du génocide toujours en cours. Ces victimes seront représentées par l’avocat belge Jan Fermon qui, précédemment, avaient déjà défendu des victimes du génocide rwandais.
Dans une interview, Jan Fermon parle de ces poursuites à l’encontre des soldats belgo-israéliens qui ont combattu à Gaza.
La Belgique est responsable
« Je pense que la Belgique et, naturellement, d’autres pays européens portent une responsabilité particulière dans la lutte contre l’impunité. Je peux apporter mes contributions en Belgique. »
« D’une part, il y a les gens de Gaza, des Palestiniens qui habitent dans notre pays, et certains d’entre eux ont reçu la nationalité belge ou ont un statut de réfugié. Cela signifie que la Belgique leur a promis sa protection. Aujourd’hui, ils sont lourdement touchés par cette guerre, entre autres par la perte de membres de leurs familles, et ils sont les victimes de ce qui, selon moi, constitue des crimes de guerre évidents, des crimes contre l’humanité et des actes de génocide. »
« D’autre part, il y a aussi des gens de nationalité belge qui combattent au sein de l’armée israélienne et qui participent donc à l’organisation responsable de ces crimes. »
« Nous pensons que, sur ce plan, la Belgique a une responsabilité juridique, à savoir la responsabilité qui incombe à chaque État de poursuivre des crimes de guerre, comme cela est établi dans les Conventions de Genève, et de poursuivre les actes de génocide, comme le stipule la Convention sur le Génocide. »
« Ce que nous demandons en ce moment, c’est que les autorités belges ouvrent une enquête. »
Une interaction de plusieurs éléments
« Quand on se penche sur d’autres situations, on voit souvent en fin de compte, qu’il y a eu un processus plus ou moins approprié en vue d’aller à l’encontre de l’impunité. Dans tous ces cas, il y a eu une interaction entre la justice internationale, la justice nationale dans certains pays où la chose était possible, et les appareils judiciaires nationaux de pays qui n’étaient pas directement concernés par la situation, mais qui avaient néanmoins un lien avec elle d’une façon ou d’une autre. »
« Quand on examine le cas du Rwanda, on voit que le processus de responsabilisation y a plus ou moins bien fonctionné, et ce, grâce à l’interaction de plusieurs éléments. Le Tribunal international sur le Rwanda, à Arusha, a joué un rôle important, de même que les procès internes au Rwanda où ont été lancées des procédures judiciaires classiques. De plus, une sorte de processus de redressement a eu lieu. »
« En outre, en Belgique, en France et en Allemagne, des procès ont été intentés contre les participants au génocide qui étaient venus en Europe et s’y étaient établis. Ceci montre que la lutte contre l’impunité peut donner des résultats acceptables. Bien que ce ne soit jamais absolu ou complet, il est quand même possible d’atteindre des résultats notables. »
« Au vu de ce qui se passe aujourd’hui à Gaza, toutes ces différentes composantes doivent être mobilisées dans la mesure du possible. Naturellement, les tribunaux israéliens ne constituent guère une option. Cela signifie qu’une interaction sera nécessaire entre la justice internationale, comme la Cour pénale internationale (CPI) qui, il est vrai, a des capacités très limitées, et la justice nationale de pays qui sont concernés d’une façon ou d’une autre. Cela peut se faire, par exemple, via la présence de victimes et/ou de perpétrateurs potentiels sur leur territoire, ou via des personnes qui ont cette nationalité. Il est donc nécessaire d’également mobiliser ces moyens pour lancer un procès contre l’impunité. »
« Pour toutes ces raisons, nous pensons que la Belgique doit se pencher sur cette situation par le biais d’une enquête judiciaire dirigée par une juge d’instruction. C’est ce que nous voulons tenter de déclencher avec notre plainte. Ici, au nom des victimes de ces trois sortes de crimes internationaux, nous allons introduire une plainte auprès des juges d’instruction belges et discuter des éléments qui montrent bien que des Belges pourraient être impliqués dans ces faits. »
« Outre cette responsabilité juridique de la Belgique, il y a également une responsabilité morale, puisque des Belges sont impliqués et qu’il est possible qu’ils participent à des crimes. Il est donc inacceptable que l’on détourne le regard de cette affaire. »
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Publié le 14 juin 2024 sur De Wereld Morgen
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine
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Trouvez ici, sur le même sujet, l’interview de Jan Fermon réalisée par TéléPalestine :