Les experts de l’ONU insistent sur l’urgente nécessité d’agir contre les désignations de « terrorisme »

Une douzaine d’experts des droits humains de l’ONU invitent les gouvernements à reprendre et accroître le financement des principales organisations palestiniennes désignées par Israël comme « terroristes » en octobre dernier

« Un impact incalculable »

Les experts de l’ONU ont invité ces gouvernements à

« annoncer qu’ils allaient continuer de soutenir financièrement et politiquement ces organisations et les communautés et groupes dont elles servent les intérêts ».

Les experts font remarquer que l’Union européenne a suspendu le financement de deux de ces organisations et que d’autres sponsors ont reporté leurs contributions pendant tout le temps qu’ils enquêteront sur les allégations israéliennes.

« C’est ce qui a sapé le travail de ces organisations palestiniennes et a eu un impact incalculable sur la communauté qu’elles soutiennent »,

ont déclaré les experts.

En suspendant ou retardant leur soutien, les sponsors des organisations palestiniennes présument que ces dernières sont coupables en dépit du caractère vague des allégations dont Israël dit qu’elles s’appuient sur des « preuves secrètes ».

L’Association du barreau américain – qui se décrit comme « la plus grande association mondiale d’avocats et de professionnels juridiques » – a soulevé des inquiétudes à propos de l’impartialité des actions israéliennes à l’encontre des organisations.

Dans une lettre adressée au Premier ministre israélien Naftali Bennett la semaine dernière, le président de cette association se demandait si « un examen impartial et administratif » des désignations de terrorisme était possible, étant donné que les organisations ciblées ne sont pas en mesure d’accéder aux preuves que l’on aurait contre elles .

Les « preuves secrètes » constituent un outil essentiel dans les tactiques de l’arsenal répressif qu’Israël utilise conte les Palestiniens vivant sous son régime d’occupation, d’apartheid et de colonialisme de peuplement.

Israël détient pour une durée indéfinie des centaines de Palestiniens sans accusation ni procès et ce, quand il le veut, dans le cadre des ordonnances d’arrestation administrative émises par ses tribunaux militaires sur base de « preuves secrètes ».

Un ballon d’essai

C’est également sur ces « preuves secrètes » que s’est appuyé Israël pour arrêter et emprisonner Mohammed El Halabi, un travailleur humanitaire de Gaza, durant près de six ans.

Cette semaine, Human Rights Watch a demandé à Israël de relâcher immédiatement El Halabi, responsable du bureau gazaoui de World Vision, une organisation caritative internationale.

Arrêté en 2016, El Halabi semble parti pour un procès interminable, puisque son cas a déjà été soumis 170 fois à un tribunal.

L’affaire montée de toutes pièces contre El Halabi peut être considérée comme un ballon d’essai par lequel Israël cherche à consolider son contrôle en criminalisant les travailleurs humanitaires et les organisations des droits humains et de services sociaux.

Le but d’Israël est d’isoler plus encore les Palestiniens, d’utiliser le spectre du terrorisme afin d’effrayer les sponsors et partisans internationaux.

L’absence de pressions internationales autour d’El Halabi, salué comme un héros humanitaire par l’ONU en 2014, a encouragé Israël à réprimer les organisations palestiniennes de premier plan et bien considérées qui lui mettent des bâtons dans les roues dans ses tentatives d’annexion effective de la Cisjordanie.

Un audit externe commandité par le gouvernement australien – qui avait fourni des fonds importants au budget de World Vision à Gaza avant l’arrestation d’El Halabi (après son arrestation, les activités de World Vision dans l’enclave avaient été suspendues) – n’a découvert aucune preuve pour étayer les allégations israéliennes selon lesquelles le travailleur humanitaire aurait détourné de ces fonds pour les reverser à des organisations armées.

Des pressions en vue d’obtenir des aveux

Israël prolonge la détention d’El Halabi afin d’exercer sur lui des pressions en vue de lui faire accepter un arrangement qui le verrait condamné à la peine qu’il a déjà purgée et qui prévoirait sa libération à condition de plaider coupable dans le cadre d’une accusation plus légère.

El Halabi, qui insiste sur son innocence, refuse de reconnaître sa culpabilité dans des délits qu’il prétend ne pas avoir commis.

Le travailleur humanitaire attend pour l’instant un verdict à son procès, qui s’est terminé en juillet de l’an dernier.

Cette semaine, des diplomates de l’Union européenne ont rendu visite à la famille d’El Halaby à Gaza, et ont fait remarquer qu’il « était en prison en Israël depuis près de six ans sans qu’un verdict ait été prononcé ».

L’UE a déclaré que les lois internationales requéraient « un procès équitable et impartial dans une fourchette de temps raisonnable » et a reconnu que « cela n’a manifestement pas été respecté dans le cas de Mohammed ».

Ce que l’UE n’a pas reconnu, toutefois, c’est que le soutien inconditionnel que Bruxelles accorde à Israël contribue à mettre ce dernier en confiance quand il foule aux pieds les droits de tous les Palestiniens avec une totale impunité.

« Les poursuites outrageusement longues à l’encontre d’El Halabi combinent nombre de marques de fabrique du système judiciaire truqué d’Israël à l’encontre des Palestiniens, y compris les mauvais traitements, les preuves secrètes et la détention prolongée avant le procès en vue d’extorquer des négociations de peine »,

explique Omar Shakir, le directeur du programme Israël-Palestine de Human Rights Watch.

« Cette affaire montre bien pourquoi d’autres pays devraient se montrer très réticents quand Israël lance des allégations contre le personnel des organisations de la société civile qui aident les Palestiniens »,

a-t-il ajouté.

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Publié le 28 avril 2022 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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