Nael al-Najjar a été relâché en enfer après 20 de prison en Israël

Nael al-Najjar, 47 ans, devait être libéré de sa prison en Israël le 17 octobre 2023, qu’il avait appelé le « jour de la liberté ».

 

Depuis 2003, Nael al-Najjar, 47 ans, a passé 20 ans en prison en Israël et il devait être libéré le 17 octobre 2023. Israël a toutefois retardé sa libération jusqu'en juillet 2024.

Depuis 2003, Nael al-Najjar, 47 ans, a passé 20 ans en prison en Israël et il devait être libéré le 17 octobre 2023. Israël a toutefois retardé sa libération jusqu’en juillet 2024. (Photo : Fedaa al-Qedra / The Electronic Intifada)

 

Fedaa al-Qedra, 22 août 2024

Il était en prison pour 20 ans, depuis 2003, et il avait un tas de choses en vue quand il est rentré chez lui, au camp de réfugiés de Jabaliya, dans le nord de Gaza.

« Mes proches étaient tout excités de pouvoir m’accueillir et me fêter »,

dit-il.

Pour lui-même, il envisageait une

« vie libre de soucis et heureuse, en bénéficiant de tous les sentiments d’amour et de liberté parmi ma famille et mes êtres chers ».

Une fois libéré de prison, il croyait qu’il allait finalement

« oublier toutes les années que j’ai passées en captivité, lorsque j’ai pris mon premier bol d’air à l’extérieur ».

Il avait également une fiancée, sa cousine Hanady, qu’il aimait tendrement.

« Elle m’avait attendu pendant 13 ans depuis l’annonce de nos fiançailles »,

dit Nael,

« et elle attendait le jour où nous nous rencontrerions. »

« Elle m’avait dit qu’elle voulait que nous célébrions notre mariage le jour même où je serais libéré de prison. »

Hanady décorait déjà la maison qu’ils allaient partager. Elle lui avait expliqué

« tous les détails et le soin qu’elle avait mis à choisir les meubles de la maison. Elle m’avait dit qu’elle m’avait acheté un couple d’inséparables (oiseaux) et qu’elle l’avait installé dans notre maison ».

Une maison, un mariage, l’étreinte de son père, pouvoir s’asseoir sous les vignes près de la maison familiale. C’était ce à quoi Nael rêvait en prison.

Pourtant, le 7 octobre, c’est-à-dire 10 jours avant sa libération anticipée, il disait qu’

« il se sentait très effrayé pour sa famille et qu’il communiquait avec eux afin de contrôler comment ça allait ».

« Je suivais les horribles nouvelles et scènes qui se passaient à Gaza »,

dit-il,

« et j’étais de plus en plus ennuyé quant au sort de ma famille. »

 

« Où que tu ailles, ton sort t’attend »

Nael al-Najjar a expliqué qu’après le 7 octobre, les autorités carcérales israéliennes ont adopté un comportement plus punitif encore à l’égard des prisonniers, accroissant par exemple les négligences médicales, la malnutrition et les tortures.

La date de sa libération était venue, puis était passée et il était toujours en prison.

« Je craignais qu’ils n’oublient la date de ma libération »,

dit-il.

Alors qu’il était toujours en prison, il avait reçu un appel de son père sur un téléphone entré en fraude. Nael lui avait dit de descendre vers le sud pour sa sécurité, mais son père avait refusé.

« Il m’a dit qu’il ne pouvait pas quitter la maison et que nous, les Palestiniens, ne devions pas capituler devant la politique de déplacement et que nous devions rester bien fermes. »

Son père lui avait dit :

« Où que tu ailles, ton sort t’attend. »

Il avait également parlé à sa fiancée, Hanady.

« Elle m’a dit qu’elle avait peur et qu’elle avait l’impression qu’elle allait mourir, puisque les bombardements ne faisaient aucune différence entre personne. »

Quelques heures après cet appel, le 1er novembre 2023, il avait reçu des nouvelles d’autres prisonniers : tout le monde dans sa famille avait été tué par une frappe israélienne.

Dix personnes de sa famille, dont son père, sa fiancée, sa tante et ses cousins, avaient perdu la vie.

Il s’était retrouvé en état de choc sans comprendre ce qu’il s’était passé.

« Cette scène n’avait jamais figuré dans mes plans ni dans mes pires cauchemars »,

dit-il.

 

Les pires sept mois de son existence

Au cours des sept mois suivants, également passé en prison, il avait perdu près de 40 kilos.

« Ç’a été les sept mois les plus difficiles »

de tout le temps passé en prison, dit-il.

Finalement, le 1er juillet, un officier l’a retrouvé et lui a dit qu’il allait être libéré.

« Ils m’ont emmené en compagnie d’un groupe de prisonniers vers la porte de Kissufim »,

dit-il.

« Je n’ai pas reconnu l’endroit. J’ai demandé à l’officier où nous étions. Il m’a dit que je devais prendre ce chemin qui menait à Deir al-Balah. »

Il a pris la direction de Deir al-Balah, en courant.

« J’avais peur qu’un des soldats ne m’attrape et ne me ramène en captivité, ou que nous ne soyons exécutés alors que nous nous étions mis en route. »

Finalement, il avait contacté son frère pour lui faire savoir qu’il venait d’être remis en liberté. Il s’était rendu à Nuseirat, dans le centre de la bande de Gaza, où les membres survivants de sa famille s’étaient rendus après l’attaque contre leur maison.

« Je ne pouvais croire que j’étais hors des murs de la prison »,

dit-il.

« Alors que j’errais dans la rue, j’ai vu la tragédie. »

L’ampleur des destructions à Gaza en juillet était au-delà de tout ce qu’il pouvait comprendre et il lui était particulièrement pénible de voir tous ces campements de personnes déplacées.

« Je me replie souvent sur moi-même et je pleure à propos de tout »,

dit-il.

« Je pleure mes êtres chers, ma maison, ma famille, ma patrie. Nous avons payé de nos vies et de notre liberté pour voir une Palestine libre. »

Actuellement, il est toujours déplacé à Nuseirat, où il vit parmi des proches.

« Il n’est pas facile pour quelqu’un de tout perdre alors qu’il vit ses premiers moments de liberté. »

 

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Fedaa al-Qedra est journaliste et elle vit à Gaza.

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Publié le 22 août 2024 sur The Electronic Intifadah
Traduction : Jean-Marie Flémal,  Charleroi pour la Palestine

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