La Belgique laisse tomber l’accusation de terrorisme dans l’affaire impliquant une firme d’armement israélienne
La Belgique a discrètement déclassé un dossier concernant une usine d’armement appartenant à la première entreprise d’armes d’Israël.
David Cronin, 5 septembre 2024
Dans le courant de ce mois, un procès aura lieu à propos d’un incident qui s’est déroulé au site de l’entreprise OIP à Audenarde, près de Gand, en Flandre-Orientale. OIP est une filiale du géant israélien de l’armement, Elbit Systems.
En août 2022, deux véhicules militaires garés sur le parking d’OIP ont été détruits, a-t-on dit, en étant pris pour cibles par des cocktails Molotov. Sur place, on a retrouvé le slogan « Fermez Elbit ! »
Peu après, le procureur fédéral de Belgique a déclaré qu’un homme arrêté à propos de l’incident avait été accusé d’incendie criminel à motivation terroriste.
Alors que l’homme est toujours repris sur une liste de surveillance établie par l’Organe de coordination pour l’analyse des menaces (OCAM), les accusations dont il faisait l’objet ont été modifiées.
L’homme n’est plus accusé d’avoir agi avec des intentions terroristes. Au lieu de cela, il doit désormais faire face à une accusation d’incendie criminel de véhicules militaires et à une autre accusation de tentative d’incendie criminel du site d’OIP.
L’incident a eu lieu de nuit, alors que le bâtiment était inoccupé, et personne n’a été blessé au cours de l’opération.
À la suite de son arrestation, l’homme a passé plus de deux mois en détention.
Une première audience du tribunal à propos de l’incident est prévue pour le 25 septembre et sera suivie d’une seconde audience au début du moins prochain.
Cette seconde audience abordera une plainte de l’armée belge, qui est la propriétaire des véhicules détruits sur le site d’OIP. L’armée cherche des compensations à hauteur de plus de 2 millions d’euros.
Parmi les services fournis par OIP figure la modernisation des véhicules de combat.
Les efforts de l’armée belge en vue d’obtenir des compensations soulèvent de sérieuses questions sur la raison pour laquelle elle faisait appel, pour ce genre de service, à une filiale d’une entreprise israélienne.
OIP fait partie d’une société israélienne d’armement qui a tiré directement profit des crimes perpétrés contre le peuple palestinien. N’empêche que les connexions entre OIP et Elbit ont tout d’un tabou, en Belgique.
Petra De Sutter, une vice-Première ministre du pays, est originaire d’Audenarde, où est installé OIP. Bien qu’elle se soit exprimée contre le génocide de Gaza, elle s’est abstenue de tout commentaire – en public, du moins – concernant le fait que sa propre ville héberge une entreprise d’armes israélienne.
Un marchand d’armes joue à la victime
Freddy Versluys, le patron d’OIP, a beaucoup joué à la victime, ces derniers temps.
En décembre dernier, quand des activistes ont aspergé l’usine d’Audenarde de peinture à la bombe, Versluys les a accusés de vandalisme.
À maintes reprises, il a insisté sur le fait que quelques décennies s’étaient écoulées depuis que les autorités belges lui avaient accordé des licences d’exportation vers Israël. Les rapports officiels sur les exportations d’armes publiés par le gouvernement en Flandre – la partie néerlandophone de la Belgique – jettent le doute sur ses affirmations et leur véracité.
Les rapports ne citent pas nommément les fabricants d’armes ni les composantes de ces dernières qui sont acheminées vers Israël. Mais la description de ces exportations présente une grande ressemblance avec la façon dont OIP décrit ses produits.
Il conviendrait de ne pas oublier qu’Elbit est propriétaire d’OIP depuis plus de 20 ans. En acquérant la firme, Elbit a pris pied en Europe où, au fil du temps, il a développé ses opérations.
En annonçant ses résultats du dernier trimestre, Elbit a déclaré qu’il avait accru le soutien à Israël lors de l’actuelle guerre contre Gaza. La firme a ajouté que, simultanément, elle poursuivait ses
« activités sur le marché international, entre autres via ses filiales locales ».
OIP est l’une de ces filiales – même si Freddy Versluys tente de prendre ses distances vis-à-vis d’Israël.
La Belgique est divisée par une frontière linguistique. Une chose, toutefois, unit ses autorités néerlandophones et francophones, c’est que toutes deux se sont accommodées des crimes d’Israël contre l’humanité.
Via des recherches méticuleuses, des militants anti-guerre ont révélé que plus de 70 tonnes de munitions destinées à Israël sont passées par l’aéroport de Liège, en Wallonie (la partie sud de la Belgique) depuis le début des bombardements génocidaires sur Gaza, en octobre dernier. Les révélations ont provoqué un tel malaise que le gouvernement wallon a supprimé une échappatoire qui permettait aux avions transportant des armes de faire escale à Liège, pourvu que les armes restent à bord.
La suppression de cette échappatoire ne marque pas la fin de l’affaire. Puisque Liège sert de hub à la compagnie israélienne Challenge Airlines, il serait naïf de croire que toutes les activités de l’aéroport sont du coup devenues innocentes.
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David Cronin est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Europe Israël : Une alliance contre-nature (Ed. La Guillotine – 2013) et Europe’s Alliance With Israel: Aiding the Occupation (Pluto Press, 2011 – L’Alliance de l’Europe avec Israël contribue à l’occupation). Il a participé à la rédaction du rapport “The israeli lobby and the European Union”.
Son dernier livre est : Balfour’s Shadow: A Century of British Support for Zionism and Israel (Pluto Press – Londres 2017).
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Publié le 5 septembre 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine