Israël massacre tant et plus dans le nord de Gaza
Israël a continué de massacrer des Palestiniens dans le nord de la bande de Gaza alors que le siège complet de la région se poursuit pour la quatrième semaine.
Nora Barrows-Friedman, 31 octobre 2024
Voilà ce qui se passe dans le nord de Gaza, a tweeté mardi le journaliste Anas al-Sharif :
Après un massacre cette semaine à Beit Lahiya, le journaliste Hossam Shabat, un collègue d’Anas, a tweeté ceci :
« Pas de cimetières, pas d’hôpitaux, pas de médecins, pas de défense civile, pas d’ambulances. Les vivants sont sous les décombres et personne ne peut leur porter secours. La situation dans le nord de Gaza gagne en horreur à chaque minute. »
Au moins 109 Palestiniens ont été tués par la frappe aérienne qui a complètement détruit un immeuble de cinq étages abritant des familles déplacées à Beit Lahiya.
Le bureau des médias gouvernementaux de Gaza a fait savoir que
« l’armée d’occupation savait que cet immeuble résidentiel hébergeait des dizaines de civils déplacés et que la majorité d’entre eux étaient des enfants et des femmes qui avaient été déplacés de leurs quartiers résidentiels civils ».
« Ce nouveau crime vient en conjonction avec le plan d’occupation ‘israélien’ qui vise à anéantir le système de santé du gouvernorat du nord de la bande de Gaza, à détruire les quatre hôpitaux et à les mettre hors service, ainsi qu’en conjonction avec le blocage par l’occupation de toute entrée de traitements, médicaments et fournitures médicales »,
a ajouté le bureau des médias.
Les gens fouillaient les décombres à mains nues pour essayer de dégager des survivants.
Une autre frappe aérienne à Beit Lahiya a tué au moins 10 personnes un peu plus tard dans la journée de mardi. Selon des journalistes, un grand nombre des personnes réfugiées à Beit Lahiya avaient été déplacées de la ville de Jabaliya toute proche qui, ces dernières semaines, a été soumise à un siège très lourd et à des attaques particulièrement brutales.
Très tôt, mardi matin, les forces israéliennes ont incendié l’école al-Fakhoura des Nations unies, dans le camp de Jabaliya situé dans le nord de la bande de Gaza.
Jeudi dernier 24 octobre, le corps de la défense civile de Gaza a rapporté que l’armée israélienne avait perpétré un « important massacre » dans le camp de Jabaliya, en détruisant au moins 10 immeubles résidentiels.
Selon les agences d’information locales, environ 150 personnes ont été tuées ou blessées lors de l’attaque.
Le journaliste Anas al-Sharif a dit qu’en raison de la destruction complète des services médicaux dans le nord de Gaza,
« toute personne blessée est vouée à une mort certaine. Le camp de Jabaliya est en train d’être exterminé sur les têtes de ses habitants. »
Le lendemain, des journalistes ont fait savoir que l’armée israélienne avait pris d’assaut l’hôpital de Kamal Adwan et qu’elle avait kidnappé le personnel médical et les patients.
Les soldats ont mis à sac tout l’hôpital, détruisant des équipements et des biens personnels au moment même où ils assiégeaient le bâtiment.
L’organisation de défense des droits humains Euro-Med Human Rights Monitor (Euro-Med) a déclaré que
« outre le fait qu’elles avaient séparé les hommes des femmes et des enfants, les forces d’occupation s’étaient lancées dans des interrogatoires, des actes de violence et des agressions sur toute personne de plus de 13 ans, ainsi que sur le personnel médical ».
L’armée israélienne, a ajouté Euro-Med,
« a bombardé la station à oxygène de l’hôpital, menaçant les vies des 15 patients de l’unité des soins intensifs, dont des enfants. Il y avait également eu des informations, avant cela, disant que plusieurs enfants étaient déjà morts suite à la coupure de l’oxygène. La communication est complètement coupée, à l’intérieur de l’hôpital, face au danger qui pèse sur la vie de chacun. L’hôpital a été pris d’assaut quelques heures à peine après l’arrivée d’une délégation internationale apportant une quantité réduite de médicaments et de carburant ».
Le même jour, le petit garçon du directeur de l’hôpital, Hussam Abu Safiya, a été tué par un obus de char à l’intérieur même de l’hôpital.
Cette vidéo montre le Dr Abu Safiya et ses collègues dans la cour de l’hôpital, alors qu’ils procèdent aux rites des funérailles du garçon, Ibrahim.
Le Dr Abu Safiya a déclaré qu’après le retrait de l’armée israélienne de l’hôpital, plus d’une trentaine de ses collègues avaient été capturés ou arrêtés, le laissant seul avec un collègue pour s’occuper de près de 150 patients, dont certains nécessitent des opérations d’urgence qu’il ne peut effectuer.
S’adressant à Al Jazeera, le Dr Abu Safiya a déclaré samedi que
« nous avons tout perdu, dans cet hôpital, même nos enfants. Tout ce que nous avons construit, ils l’ont détruit par le feu. Ils ont brûlé nos cœurs. Ils ont tué mon fils. Mon fils a été tué parce que nous diffusons un message humanitaire. Nos enfants se font tuer. J’ai enterré mon fils derrière le mur de l’hôpital ».
Mardi, le Dr Abu Safiya s’est adressé de nouveau à Al Jazeera, à la suite du siège mené par Israël contre l’hôpital.
« L’hôpital Kamal Adwan et tout son voisinage sont une zone de guerre. L’hôpital a été laissé sans ressources. Pas de fournitures médicales, pas de personnel médical non plus »,
a-t-il dit.
« Nous demandons au monde entier qu’on nous ouvre immédiatement et sans retard un passage humanitaire sûr. Nous avons besoin qu’on autorise l’entrée de tout un personnel médical spécialisé dans toutes les disciplines majeures »,
a déclaré le médecin.
« J’ai accueilli un enfant blessé qui a besoin d’urgence d’une opération chirurgicale à l’abdomen, afin de faire cesser ses hémorragies internes avant qu’il ne perde la vie. Bien des enfants ont les os qui ressortent de leur corps, ce qui nécessite de la chirurgie orthopédique d’urgence. Un grand nombre d’entre eux souffrent de lésions au cerveau et cela requiert des procédures délicates. »
Le 24 octobre, l’école al-Shuhada du camp de Nuseirat a été touchée et on rapporte qu’elle a été ravagée par un incendie. Dix-sept Palestiniens ont été tués, dont 13 enfants, et plus de 50 autres ont été blessés.
Le 26 octobre, Israël a perpétré un massacre à Beit Lahiya. Le journaliste Anas al-Sharif a fait savoir que des dizaines de personnes avaient été tuées et blessées dans le bombardement de cinq maisons par Israël.
Israël a également attaqué des familles qui s’étaient réfugiées ces quelques derniers jours au camp de Nuseirat et à Deir al-Balah, dans le centre de la bande de Gaza, ainsi qu’à Gaza même, qui se trouve juste au sud de Beit Lahiya.
Lundi, les agences d’information locales ont rapporté que trois Palestiniens, dont un enfant, avaient été tués par des bombes israéliennes dans les camps de réfugiés d’al-Bureij et de Maghazi, dans le centre de la bande de Gaza. Selon des reporters locaux, l’enfant tué à Maghazi l’a été par un drone israélien.
Israël a attaqué Deir al-Balah et Khan Younis très tôt, mercredi matin, bombardant des tentes qui hébergeaient des personnes déplacées.
La défense civile forcée d’interrompre ses opérations dans le nord
Les expulsions massives forcées de Palestiniens par Israël, les attaques contre les hôpitaux et les travailleurs médicaux ainsi que l’amplitude des destructions dans le nord de Gaza constituent
« une campagne impitoyable et impardonnable contre une population qui n’a aucun autre choix »,
estimait cette semaine le coordinateur des urgences de Médecins sans frontières.
La semaine dernière, le corps de la défense civile palestinienne a annoncé qu’il était forcé d’arrêter complètement ses opérations dans le nord de Gaza du fait qu’Israël se livrait à des massacres incessants et ciblaient les véhicules destinés à combattre les incendies ou à rechercher et secourir des personnes.
Selon la défense civile, au moment du siège total des trois hôpitaux de la région nord, cinq de ses membres ont été arrêtés par les soldats israéliens et emmenés vers une destination inconnue.
Les chars israéliens, a-t-il ajouté, ont criblé d’obus et détruit le seul véhicule qui restait pour combattre les incendies. Et trois de ses membres à Beit Lahiya ont été la cible d’un drone israélien.
À la suite de l’invasion et la destruction frénétique de l’hôpital Kamal Adwan en début de semaine, le ministère palestinien de la santé à Gaza a déclaré :
« Nous ne comprenons pas comment le monde se permet d’assister immobile et sans rien faire à ce génocide on ne peut plus haineux, à cette opération de destruction systématique et généralisée du système de la santé et à ces assassinats et arrestations de patients et de membres du personnel médical. »
Les Nations unies ont dit cette semaine que
« les enfants à Gaza meurent non seulement des bombes, des balles et des obus, mais aussi parce que ceux qui survivent sont empêchés de quitter Gaza pour recevoir des soins vitaux. Selon l’UNICEF, seuls 127 enfants dans un état critique ont été autorisés à quitter l’enclave depuis mai ».
Joyce Msuya, la sous-secrétaire générale intérimaire pour les affaires humanitaires et coordinatrice des secours pour les Nations unies, a déclaré durant le week-end que
« ce que les forces israéliennes font dans le nord de Gaza assiégé ne doit pas pouvoir continuer ».
Elle a déclaré :
« Les hôpitaux ont été touchés et des travailleurs de la santé ont été arrêtés. Des abris ont été vidés et incendiés. Des secouristes de première ligne ont été empêchés de sauver des gens sous les décombres. Des familles ont été séparées et des hommes et des garçons sont emmenés par camions entiers. On rapporte que des centaines de Palestiniens ont été abattus. Des dizaines de milliers ont été forcés de fuir à nouveau. »
« Toute la population du Nord de Gaza risque de mourir »,
a dit Joyce Msuya.
De semblables déclarations ont été faites par Volker Turk, le responsable des droits humains aux Nations unies, qui a dit que
« les jours les plus sombres du conflit de Gaza se déroulent pour l’instant ».
Le Bureau des droits humains de l’ONU a déclaré qu’il était « horrifié » par les attaques contre Beit Lahiya et il a réclamé
« une enquête rapide, transparente et détaillée sur les circonstances de cette frappe et sur les responsabilités qu’elle implique ».
Entre-temps, le porte-parole du département d’État américain, Matthew Miller, a qualifié le massacre de Beit Lahiya d’« horrible incident dont le cause l’est tout autant » mais il a naturellement insisté sur le fait que Washington avait contacté les hauts responsables israéliens et leur avait
« fait entendre clairement que nous voulons savoir exactement ce qui s’est passé, comment vous pouvez obtenir un résultat qui produit, selon les rapports, des dizaines d’enfants morts, et nous ne connaissons toujours pas la réponse à cette question ».
Cinq journalistes tués
Israël a tué cinq journalistes de plus, cette semaine, à Gaza, portant le nombre de travailleurs des médias tués depuis octobre 2023 à plus de 180, selon le bureau des médias gouvernementaux.
Saed Radwan de la chaîne de TV locale Al-Aqsa, Hamza Abu Salmiya, de l’Agence d’information Sanad, et Haneen Baroud, qui travaillait pour la fondation Al-Quds, ont été tués par des frappes israéliennes.
Au cours d’attaques séparées, Nadia Imad al-Sayed, une professionnelle des médias, productrice et présentatrice de radio et d’autres organes médiatiques, et Abdul Rahman Samir Al-Tanani, qui travaillait pour les stations de radio Zaman et Sawt al-Shaab ont été tués également, a déclaré le bureau des médias gouvernementaux.
Israël interdit l’UNRWA
Cette semaine, le parlement israélien a adopté des projets de lois visant à interdire l’UNRWA, l’agence des Nations unies pour les réfugiés de Palestine. Il s’agit de la dernière de toute une série de mesures destinées à affaiblir et à détruire l’agence au cours de l’année écoulée.
L’UNRWA, qui soutient les réfugiés de Palestine à Gaza et en Cisjordanie occupée, dont Jérusalem-Est, ainsi qu’au Liban et en Syrie, fournit de l’enseignement, des soins de santé, des services sociaux et des secours d’urgence aux personnes qui ont été expulsées de leurs terres et villages d’origine en Palestine historique au cours des 76 années écoulées bien comptées.
Philippe Lazzarini, le directeur de l’agence, a vertement réprimandé la démarche du gouvernement israélien consistant à interdire l’UNRWA et il a déclaré qu’elle créait un dangereux précédent en ce sens qu’elle s’opposait à la charte de l’ONU et qu’elle violait les obligations d’Israël vis-à-vis des lois internationales.
Bien sûr, depuis la création de l’agence en 1949, c’est-à-dire un an après la Nakba, il y a toujours eu une alternative très simple pour l’UNRWA, et ce serait de forcer Israël à mettre un terme à son projet colonial et à permettre aux millions de réfugiés palestiniens de rentrer dans leurs foyers.
Israël frappe un site libanais faisant partie du patrimoine mondial
Se tournant vers le nord, Israël a continué d’intensifier ses bombardements de civils un peu partout au Liban, ces derniers jours.
Les Nations unies rapportent que les récentes frappes contre les gouvernorats de Baalbek-Hermel et de la Bekkaa, dans l’est du Liban, ont tué au moins 60 personnes et en ont blessé des dizaines d’autres, selon les autorités locales.
Le ministère libanais de la santé a déclaré qu’au moins 2 700 personnes avaient été tuées et près de 13 000 blessées dans des attaques israéliennes depuis octobre 2023.
Le ministère a fait savoir qu’au moins 77 personnes avaient été tuées dans la seule journée de mardi lors de frappes aériennes dans maints endroits du pays.
Dans l’ancienne ville de Tyr (ou Sour), un site classé par l’UNESCO comme faisant partie du patrimoine mondial, Israël a mené une série de bombardements contre des bâtiments.
Euro-Med affirme qu’Israël a accru son utilisation de bombes au phosphore blanc (interdites internationalement) au Liban.
« Israël intensifie ses crimes contre les civils et les objets protégés du Liban en ayant recours à des armes internationalement prohibées et des bombes hautement destructrices et ce, pour la quatrième semaine d’affilée depuis le début de son offensive à grande échelle »,
explique l’organisation de défense des droits.
La semaine dernière, Israël a tué plusieurs journalistes dans le sud du Liban au cours de ce que les médias ont qualifié d’attaque ciblée.
Ghassan Najjar, un cameraman de la chaîne libanaise Al Mayadeen, l’ingénieur de diffusion de la chaîne, Mohammed Reda, et le cameraman d’Al Manar, Wissam Qassem, ont tous trois été tués par une frappe aérienne.
Les assassinats ont eu lieu exactement un jour après le bombardement du bureau d’Al Mayadeen à Beyrouth.
Selon le média d’information, Al Mayadeen avait évacué ses locaux dès le début de l’agression contre le Liban. Tout au long de l’an dernier, des journalistes d’Al Mayadeen ont été menacés, agressés et assassinés.
Exprimer son défi et sa résilience
Finalement, comme nous le faisons chaque fois, nous avons voulu partager des vidéos de personnes qui continuent d’exprimer leur défi et leur résilience face à la campagne de destruction israélienne en pleine expansion.
L’artiste et créateur de contenu Jaber Thabet télécharge des photos et des vidéos d’enfants palestiniens, de chiens et de chats qu’ils adorent et de sa famille. Voici une vidéo qu’il a prise d’une activité de chorale enfantine dans un abri du camp de Nuseirat, dans le centre de la bande de Gaza.
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Le texte qui suit récapitule les informations traitées au cours du livestream du 30 octobre. Vous pouvez visionner la totalité de l’émission ici. (en anglais)
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Publié le 31 octobre 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine