404e jour du génocide à Gaza : « Si la Palestine gagne, nous gagnons tous »
L’horrible génocide d’Israël à l’encontre du peuple palestinien à Gaza a désormais franchi le cap des 400 jours et sa fin n’est toujours pas en vue. L’article ci-dessous reprend des discussions et commente le livestream du site The Electronic Intifada au 404e jour du génocide.
Maureen Clare Murphy, 16 novembre 2024
Selon Craig Mokhiber, spécialiste du droit international et ancien haut fonctionnaire de l’ONU, Israël et ses alliés sont en train d’élaborer un schéma inquiétant pour l’avenir de l’humanité.
« en repoussant au bulldozer les limites de comportement acceptable de l’État ».
Et d’ajouter :
« Si la torture systématique, les exécutions sommaires, les massacres, les exécutions d’enfants, de médecins, de journalistes, de travailleurs humanitaires et de tous les civils sont acceptables, si le droit international n’est plus en vigueur, si l’apartheid et le génocide sont désormais admis, nous sommes tous dans le pétrin. »
Mokhiber est revenu cette semaine dans le livestream de The Electronic Intifada pour discuter de ce qui se joue pour toute l’humanité au moment où le système international des droits humains est mis à rude épreuve en Palestine. On peut visionner la totalité de l’émission dans la vidéo mentionnée en haut de cette page.
Après la Seconde Guerre mondiale, il y a eu un effort en vue de créer un système de maintien du « règne de la loi au niveau international » et de « conférer une place centrale aux droits humains des peuples », a expliqué Craig Mokhiber.
Il a reconnu que, depuis leur fondation en 1945, les Nations unies « sont une structure faible, incomplète et incohérente ». Mais elles « se sont révélées très importantes pour la décolonisation dans les années 1960 et 1970 » et pour la fin de l’apartheid en Afrique du Sud, dit-il.
Cet héritage et la lettre du droit international
« courent désormais un risque, et les lignes de front se trouvent en Palestine (…) et toutes les forces du colonialisme, du racisme et de la guerre sont alignées en Occident »,
a expliqué Craig Mokhiber.
En parallèle avec les combats sur le terrain à Gaza et au Liban se livre « un combat épique » pour « un ordre international dans lequel les droits humains ont vraiment un sens, de même que le règne de la loi et l’égalité souveraine »,
a-t-il ajouté.
Si Israël devait échapper à ses crimes et si l’impunité prévaut, « dans ce cas, cela devient chacun pour soi ». Les conflits mondiaux du futur « feront que la Seconde Guerre mondiale ne ressemblera plus qu’à une discussion entre deux voisins à propos d’une clôture ».
Les forces de l’impunité
Maintenant, dans l’immédiat, il semblerait pour beaucoup que ce sont les forces de l’impunité qui l’emportent.
Toutefois, la Cour pénale internationale (CPI) doit toujours émettre des mandats d’arrêt contre Benjamin Netanyahou et Yoav Gallant, le Premier ministre d’Israël et son ancien ministre de la défense, six mois après que ces mandats ont été requis par Karim Khan, le procureur principal du tribunal.
Dans d’autres affaires, la cour a émis des mandats en nettement moins de temps. Mais une pression immense est amenée à peser sur la CPI, à propos de son enquête sur la Palestine, enquête à laquelle Israël et ses alliés – dont nombre d’importants bailleurs de fonds de la cour – s’opposent avec véhémence.
Ces dernières semaines, la magistrate roumaine Iulia Motoc, la juge présidente de la chambre préliminaire qui examine la demande de mandat d’arrêt, a quitté le panel pour des raisons de santé qui n’ont pas été spécifiées. Elle a été remplacée par Beti Hohler, une juge venue de Slovénie, et c’est Nicolas Guillou, un juge français, qui préside désormais la chambre préliminaire.
Craig Mokhiber a déclaré lors du livestream de The Electronic Intifada que c’était « un changement de personnel très significatif » pour ce panel de trois juges qui doit envisager d’émettre des mandats d’arrêt contre de hauts responsables israéliens tout en subissant les menaces publiques des EU contre le tribunal.
Sans aucun doute, il « y a eu des interférences massives, tant en coulisse que publiquement », pour faire dérailler les poursuites à l’encontre des responsables israéliens.
Le remaniement dans la chambre préliminaire donne du temps à Israël pour « de plus amples machinations en coulisse ». Et il pourrait s’agir de plus que cela encore.
Craig Mokhiber a expliqué qu’en 2015, avant qu’elle rallie la CPI, Hohler avait déclaré qu’« Israël en général a un système juridique qui fonctionne bien et qui est dirigé par une Cour suprême respectée ». Elle pourrait de ce fait éprouver de la sympathie pour le rejet par Israël de la juridiction de la cour en fonction du principe de complémentarité, même si les mécanismes israéliens d’auto-enquête sont discrédités depuis longtemps par les organisations de défense des droits humains et qu’il n’y a aucune chance de voir Israël poursuivre Netanyahou ou Gallant devant ses tribunaux.
Entre-temps, « tout le profil de Guillou est celui d’un avocat du contre-terrorisme », a déclaré Craig Mokhiber, et il est venu au tribunal avec cette expérience plutôt qu’avec un contexte en droits humains. Le juge français a plaidé pour que les tribunaux internationaux poursuivent le terrorisme non étatique.
Cela inquiète les défenseurs des droits humains « parce qu’il n’existe pas de définition du terrorisme, en droit international », a dit Craig Mokhiber. « C’est, par définition, une distinction politique et cela a joué un rôle très corrosif dans les protections qui sont accordées par le biais des lois internationales. »
Pendant ce temps, Karim Khan, le procureur principal, est confronté à des appels à démissionner temporairement en raison d’allégations d’inconduite sexuelle, lesquelles, selon Craig Mokhiber, ont d’abord fait surface sur un compte de réseau social anonyme disposant d’un petit nombre d’abonnés et ont ensuite été reprises par un tabloïd peu recommandable.
Quant à savoir si la cour va « prendre les mesures qui conviennent » et sortir les mandats d’arrêt, cela reste à voir, a déclaré Craig Mokhiber. Mais « ils savent que le monde regarde » et que la réputation de la CPI est en jeu – et les voix qui réclament justice vont devoir être plus fortes de la pression venant d’Israël et de ses alliés.
Faire éclater la bulle
L’impunité est également testée à la Cour internationale de Justice (CIJ), qui a décidé en juillet que l’occupation israélienne était illégale et que l’armée et les colons devaient être retirés le plus rapidement possible.
Naturellement, Israël a rejeté cette décision, de même que ses puissants alliés.
Ils maintiennent la bulle d’impunité d’Israël via une « campagne constante de crainte contre les acteurs internationaux qui défieraient cette impunité », selon Craig Mokhiber.
« Mais elle n’est pas impénétrable et elle a davantage été pénétrée dans le passé qu’au cours des décennies précédentes », a-t-il dit, ajoutant que les acteurs internationaux n’entreprendraient pas des actions sans la pression populaire.
En septembre, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté une résolution en vue de faire appliquer la décision complète de la Cour internationale, avec 124 pays favorables et seulement 14 contre.
Des gens travaillent en coulisse afin d’étayer la chose et, en septembre prochain, il se pourrait que l’Assemblée générale vote en vue de suspendre Israël des Nations unies.
« Rien de tout cela n’est une réponse adéquate au génocide qui se poursuit en Palestine et pour lequel un secours immédiat est nécessaire »,
a déclaré Craig Mokhiber.
« Mais cela met en place un processus par lequel cette impunité peut être ébréchée » et cela fait un sort à la notion selon laquelle « les Palestiniens doivent négocier leurs droits avec leur oppresseur israélien et leur oppresseur américain ».
Avec un enjeu de cette importance, Craig Mokhiber a déclaré que
« nous avons tous la responsabilité de faire en sorte que nos voix soient entendues et que nous ne nous inclinions pas face à cet actuel statu quo ».
« Si la Palestine gagne, nous gagnons tous et nous devons nous assurer que tout le monde le comprenne », a-t-il ajouté. « Parce que, si la Palestine perd, c’est un monde sombre qui s’annonce. Ainsi donc, nous sommes tous impliqués dans ce combat et il nous faut le gagner. »
Les élections américaines, la résistance et Amsterdam
Également dans le livestream de The Electronic Intifada, Nora Barrows-Friedman a fait un tour d’horizon des principaux récits sur le terrain à Gaza – où la famine guette, surtout dans le nord, où Israël dépeuple et détruit des ville entières – et au Liban.
Ali Abunimah a présenté une analyse de l’impact que les électeurs américains arabes et musulmans – repoussés par la campagne Harris-Walz – ont eu sur les élections américaines, du fait que l’indignation à propos de Gaza et du Liban a potentiellement influencé les résultats.
Entre-temps, le président élu Donald Trump remplit son administration de néoconservateurs fanatiquement pro-israéliens. Mais comme l’a fait remarquer Mohammad Morandi, un précédent invité du livestream, le monde a beaucoup changé, depuis 2016, lors de la première élection de Trump.
« Ainsi donc, il se pourrait qu’un véritable changement ne vienne pas d’un seul des facteurs politiques internes aux États-Unis »,
a déclaré Ali Abunimah,
« mais de la résistance au niveau régional et, au niveau global, de glissements de pouvoir géopolitiques qui vont continuer d’éroder l’influence, le pouvoir et la liberté d’action des États-Unis, et ce, quel que soit le locataire de la Maison-Blanche. »
Dans la même émission également, Jon Elmer a fourni une mise à jour de la bataille dans le nord de Gaza, où l’armée israélienne en est au deuxième mois de son siège de Jabaliya et du camp de réfugiés voisin.
Des vidéos émanant des Brigades Qassam du Hamas montrent leur capacité permanente à résister à ce qui constitue actuellement, depuis le début de la guerre, la troisième invasion majeure par Israël du plus grand camp de réfugiés de Gaza – et, chaque fois, Israël a prétendu mensongèrement qu’il avait démantelé la résistance.
Jon Elmer a également couvert la bataille entre le Hezbollah et Israël le long de la ligne de démarcation avec le Liban. Après plus de 40 jours d’opérations terrestres, l’armée israélienne n’est pas encore parvenue à aller au-delà de la périphérie du moindre village libanais. Des vidéos diffusées par le Hezbollah montrent l’organisation en train de défendre le Sud-Liban tout en frappant très profondément en Israël à l’aide de ses barrages de roquettes et de missiles ainsi que de drones d’attaque à sens unique.
Pour compléter tout ce spectacle, Asa Winstanley a mis à mal la couverture propagandiste des hooligans israéliens déchaînés à Amsterdam, qui ont scandé des slogans génocidaires et ont agressé les gens en ville.
Les gouvernements et médias occidentaux ont faussement déformé les événements incriminant les Israéliens en inversant la réalité sur le terrain.
Trouvez ici la vidéo d’Electronic Intifa : 404e jour – Résister au génocide sous la présidence de Trump.
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Publié le 16 novembre 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine