La CPI pourra-t-elle survivre à son mandat d’arrêt contre Netanyahou ?
La Cour pénale internationale n’a pas failli au test décisif sur la Palestine, après tout. Du moins pour l’instant. Mais la CPI survivra-t-elle à l’accusation et – si les États membres remplissent leur obligation d’appliquer les mandats d’arrêt – aux poursuites à l’encontre des dirigeants israéliens ?
Maureen Clare Murphy, 27 novembre 2024
La CPI a écrit une page d’histoire, la semaine dernière, en émettant des mandats d’arrêt contre Benjamin Netanyahou, le Premier ministre israélien, et contre Yoav Gallant, ministre israélien de la Défense jusqu’à son déboulonnage récent par son collègue, le fugitif international Netanyahou.
Notons que c’est la première fois qu’un allié des puissances occidentales est confronté à des accusations au tribunal, qui a la triste réputation de ne poursuivre que des ressortissants africains depuis la plupart des 20 années de son existence.
Karim Khan, le procureur principal de la CPI, a déclaré que les juges avaient découvert des bases raisonnables
« pour estimer que chacun a commis le crime de guerre consistant à recourir à l’affamement comme méthode de guerre ainsi que les crimes contre l’humanité que sont l’homicide, la persécution et autres actes inhumains ».
La chambre préliminaire qui a approuvé les mandats a également découvert des raisons de croire que Netanyahou et Gallant
« sont tous deux responsables du crime de guerre consistant, en tant que supérieurs, à diriger intentionnellement des attaques contre des civils ».
La cour a également émis un mandat en vue de l’arrestation du Muhammad Deif, le chef de l’aile armée du Hamas dont Israël prétend qu’il a été tué en juillet au cours d’une frappe aérienne qui a également tué des dizaines de Palestiniens à al-Mawasi, la prétendue « zone humanitaire » du sud-ouest de Gaza.
La CPI a déclaré que la chambre préliminaire avait découvert des bases raisonnables pour estimer que Deif était responsable de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. Les charges spécifiques incluent « extermination, torture et viol et autres formes de violence sexuelle », de même que prise d’otages.
La cour a déclaré que « les homicides coordonnés de civils en divers lieux séparés » à l’intérieur d’Israël lors de l’opération du Hamas du 7 octobre 2023 indiquent « le crime contre l’humanité qu’est l’extermination ».
La déclaration de la cour fait référence à des actes supposés de violence sexuelle et se rapportant au genre d’actes perpétrés contre « certains otages, majoritairement des femmes » alors qu’elles étaient détenues à Gaza. La cour ne renvoie pas à des actes de violence sexuelle dans le contexte de l’opération militaire du 7 octobre.
Ceci montre que les enquêteurs n’ont toujours pas trouvé de preuves pour confirmer les allégations selon lesquelles des membres du Hamas ont commis des viols systématiques le 7 octobre 2023, comme l’ont prétendu des responsables et médias israéliens et américains, allégations qui ont été démystifiées ensuite par des médias indépendants comme The Electronic Intifada.
Khan avait également introduit des demandes en vue de l’arrestation des dirigeants du Hamas Yahya Sinwar et Ismail Haniyeh, « mais je les ai annulées plus tard après avoir reçu des preuves confirmant le décès de ces deux hommes », avait déclaré le procureur.
Les mandats d’arrêt ont été émis après que la chambre préliminaire a rejeté une requête soumise par Israël qui contestait la juridiction territoriale de la cour, ainsi qu’une autre requête d’Israël contestant cette fois la procédure de la cour à propos d’un point technique.
Les mandats d’arrêt actuels ont été classés comme secrets, dit la cour, « afin de protéger les témoins et de sauvegarder la conduite des investigations ».
La chambre préliminaire qui a approuvé les mandats « considère » également « qu’il est de l’intérêt des victimes et de leurs familles d’être au courant de l’existence de ces mandats ».
Khan fait allusion à des accusations supplémentaires
Netanyahou a qualifié les accusations de la CPI d’« antisémites » et a juré qu’il ne « céderait pas à la pression ».
Le Hamas a bien accueilli les mandats contre Netanyahou et Gallant et a pressé la cour d’accuser d’autres dirigeants israéliens encore.
Dans sa déclaration de jeudi, Khan a suggéré qu’il pourrait y avoir plus tard des accusations supplémentaires.
« Je suis profondément inquiet à propos des rapports à propos de l’escalade de la violence, de l’accès de plus en plus restreint à l’aide humanitaire et de l’expansion continue des allégations de crimes internationaux à Gaza et en Cisjordanie »,
a déclaré Khan.
Il est possible que des mandats en vue de l’arrestation d’autres hauts responsables israéliens aient déjà été approuvés sans toutefois avoir été communiqués en public.
Les procureurs militaires israéliens ont mis en garde en disant que le manque d’auto-enquêtes – a laissé les soldats et officiers israéliens vulnérables aux arrestations et aux poursuites à l’extérieur du pays.
Sous le principe de la complémentarité, la Cour pénale internationale n’engage des poursuites que là où aucune réparation ne peut être trouvée auprès des tribunaux nationaux. La CPI juge des individus plutôt que des États et poursuit plutôt des responsables de mesures politiques plutôt que des soldats ou des fonctionnaires de grades subalternes.
Il est impensable que Netanyahou et Gallant soient jugés devant les tribunaux israéliens sur des soupçons de crimes de guerre.
Un reportage publié par Haaretz lundi dernier indique que 15 soldats seulement ont été traînés devant un tribunal pour des délits commis dans le contexte de la guerre à Gaza, et cela concernait surtout le vol d’armes.
Aucun de ces cas ne concernait les décès d’au moins 46 détenus en détention militaire depuis octobre 2023 ou « un recours injustifié à la force contre des civils ou la destruction gratuite de biens », comme l’a déclaré sur X Itay Ephstain, un spécialiste des lois de la guerre.
Seule une des accusations pénales impliquait la violence contre des détenus de Gaza :
« Un ou une soldat.e réserviste qui servait à Sde Teiman est soupçonné.e d’avoir provoqué une série d’incidents violents contre des Gazaouis qui étaient détenus là »,
après qu’il ou elle a fait état des délits dont il ou elle était soupçonné.e, rapportait Haaretz.
Alors que les soldats israéliens à Gaza ont posté dans les médias sociaux, tout au long du génocide, des vidéos d’eux-mêmes commettant des crimes de guerre manifestes, l’absence d’accusations pour des crimes plus graves provient de la crainte des avocats de l’armée de « critiques sévères de la part du public », rapporte Haaretz.
Il va être malaisé pour Khan de négliger tout cela. Il a déclaré en mai que les procédures domestiques en Israël « continueraient d’être évaluées » par son bureau mais il a également dit que cela requérait « des procédures judiciaires indépendantes et impartiales qui ne protègent pas les suspects et n’aient pas l’allure d’une imposture ».
En attendant, les mandats d’arrêts de la CPI sont
« susceptibles de créer une ouverture en faveur d’un embargo sur les armes par d’autres pays européens qui, jusqu’à présent, n’ont pris que des mesures modérées à l’encontre d’Israël »,
comme l’écrit Amos Harel dans Haaretz.
« Cela pourrait mettre le vent en poupe à bien des plaintes et enquêtes criminelles contre des soldats et commandants [israéliens] qui ont été menées dans de nombreux pays »,
ajoute-t-il.
Un « premier pas » vers la responsabilisation
Trois éminentes organisations palestiniennes des droits humains – Al-Haq, Al Mezan et le Centre palestinien pour les droits humains (CPDH) – ont déclaré que, même en retard, les mandats d’arrêt offrent
« un espoir renouvelé après avoir subi pendant un an le génocide israélien ».
« Ceci marque le premier pas vers une demande de comptes à ceux qui sont responsables de la mort de nos êtres chers et de la destruction de nos foyers – une réaffirmation de ce que l’impunité ne peut prévaloir indéfiniment »,
ont ajouté les organisations.
Les mandats d’arrêt ne fourniront pas un soulagement immédiat aux Palestiniens de Gaza, où les autorités de la santé ont confirmé les décès de plus de 44 000 personnes lors de l’offensive israélienne depuis octobre 2023.
Des milliers d’autres ont été portés manquants et sont présumés morts sous les décombres. Certains experts ont estimé que le nombre réel de morts pouvait atteindre 186 000 personnes, voire plus, à Gaza. Cette estimation comprend les causes indirectes résultant de la destruction par Israël du système des soins de santé et des infrastructures de l’eau et de son assainissement, de la famine qu’il a engendrée et de refus de voir les Gazaouis disposer d’eau potable.
Le pire pourrait encore être à venir si Gaza doit endurer des conditions hivernales sévères. Les survivants des incessantes attaques et du siège punitif d’Israël sont désormais confrontés à une nouvelle saison froide et pluvieuse sans abris adéquats et après que leur capacité à résister à la faim et à la maladie a déjà atteint ses limites depuis plusieurs mois.
Israël a transformé le gouvernorat du nord de Gaza en une zone d’extermination, le coupant des livraisons de vivres et d’autres essentiels vitaux tout en attaquant ses hôpitaux et le personnel restant. Samedi, un drone israélien a largué des bombes sur l’hôpital Kamal Adwan de Beit Lahiya, blessant Hussam Abu Safiya, le directeur du site.
Dimanche, Israël a émis de nouveaux ordres d’évacuation à Shujaiya, un faubourg de la partie orientale de Gaza, concentrant ainsi, de force, de plus en plus de Palestiniens dans une portion de plus en plus restreinte de ce qui était déjà l’un des territoires les plus densément peuplés au monde.
« En résumé, toute la population de Gaza a désespérément besoin d’aide, dans la famine qui menace »,
a expliqué vendredi Natalie Boucly, une haute responsable de l’UNRWA, l’agence de l’ONU pour les réfugiés de Palestine.
« Il y a des comptes à réclamer pour toutes les violations graves du droit international qui se produisent actuellement »,
a encore dit Boucly. L’approbation des mandats d’arrêt par la CPI « marque le début de cette responsabilisation », a-t-elle ajouté.
Sans précédent
Netanyahou a rejoint Vladimir Poutine (Russie) et Omar Bashir (Soudan) en tant que chefs ou anciens chefs de gouvernement recherchés par le tribunal de La Haye.
La CPI ne dispose pas de force de police ou d’organisme d’application pour appréhender les personnes faisant l’objet de mandats d’arrêt. Ses 124 États membres sont désormais obligés de s’emparer des personnes de Netanyahou et Gallant et de les extrader, si jamais ils devaient se rendre sur leur territoire.
Netanyahou peut toujours se rendre aux EU, où il a reçu de nombreuses standing ovations de la part du Congrès lors de sa visite à Washington, en juillet, puisque les EU ne sont pas État partie du Statut de Rome, le traité fondateur de la CPI. La Maison-Blanche a assuré publiquement que les EU n’arrêteraient pas de dirigeants israéliens.
Les hommes politiques américains des deux partis ont rejeté avec véhémence les mandats d’arrêt de la CPI à propos des charges relatives à l’offensive militaire israélienne à Gaza, aidée et facilitée par Washington, qui a opposé son veto mercredi dernier à une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU réclamant un cessez-le-feu.
Une loi américaine passée en 2002 permet le recours à « tous les moyens nécessaires et adéquats », y compris la force militaire, pour libérer les ressortissants des EU ou ceux de leurs alliés détenus par le tribunal.
Tom Cotton, un sénateur républicain, a déjà menacé Karim Khan et d’autres encore en invoquant cette loi.
« Malheur à toute personne qui tentera d’appliquer ces mandats illégaux. Permettez-moi de leur rappeler amicalement que la loi américaine relative à la CPI est dénommée Loi d’invasion de La Haye pour une raison précise. Pensez-y »,
a dit Cotton.
Karim Khan, le procureur principal de la CPI, a appelé les États parties de la cour à
« se montrer à la hauteur de leur engagement envers le Statut de Rome en respectant ces ordonnances judiciaires et en les appliquant ».
Les responsables européens ont commencé par déclarer qu’ils soutenaient la CPI, après l’annonce de jeudi.
Mais Antonio Tajani, le ministre italien des Affaires étrangères, a déclaré lundi que les pays du G7 – qui incluent les EU – « devaient être unis » autour de la question des mandats d’arrêt.
En France, qui elle aussi fait partie du G7, Emmanuel Macron a, dit-on, promis l’immunité à Netanyahou en échange d’un rôle de contrôle dans la cessation des hostilités entre Israël et le Hezbollah qui est entrée en vigueur mercredi matin.
Le ministre français des Affaires étrangères a déclaré mercredi que Paris avait l’intention de continuer de travailler « en coopération étroite » avec Netanyahou et d’autres hauts responsables israéliens. Le ministère a suggéré que Netanyahou bénéficie de l’immunité du fait qu’Israël n’est pas un État partie de la CPI, bien que le Statut de Rome n’octroie pas cette immunité.
« Il n’y a pas d’immunité pour les crimes d’atrocité », a déclaré sur X Francesca Albanese, la rapporteuse spéciale de l’ONU pour la Cisjordanie et Gaza et autrice elle-même d’un rapport particulièrement accablant sur la campagne génocidaire d’Israël.
Alors qu’Israël n’est pas un État partie, la Palestine, elle, en est un. Les crimes commis dans le territoire d’un État membre tombent sous la juridiction de la CPI, et qu’importe que leur auteur soit ou pas un ressortissant d’un État membre.
À l’instar d’Israël, la Russie n’est pas membre de la CPI. Mais la France, les EU et d’autres puissances occidentales ont favorablement accueilli les mandats d’arrêt émis contre Vladimir Poutine peu après l’invasion de l’Ukraine, qui a accepté la juridiction de la cour.
En revendiquant l’immunité pour Netanyahou, il s’avère que les puissances occidentales font passer la préservation de l’impunité pour Israël avant les poursuites contre Poutine pour des supposés crimes de guerre relatifs à l’Ukraine.
La Hongrie et la République tchèque ont rejeté les mandats, alors que les Pays-Bas, l’État où siège la cour, lu-même dirigé par un gouvernement de droite, ont fait savoir qu’ils appliqueraient les mandats.
Gideon Saar, le ministre israélien des Affaires étrangères, a annulé une visite prévue par Caspar Veldkamp, son homologue hollandais, en guise de protestation.
L’Irlande – avec ses propres souvenirs douloureux d’affamement en tant que moyen de génocide – a dit elle aussi qu’elle arrêterait Netanyahou s’il posait un pied dans le pays.
Lundi, le ministre des Affaires étrangères du Royaume-Uni a déclaré que Londres remplirait ses obligations et suivrait la procédure qui s’impose si Netanyahou rendait visite au pays mais il n’a pas fait part de son engagement clair à arrêter le dirigeant israélien.
Josep Borrell, le responsable de la politique étrangère de l’UE, a déclaré sur les décisions de la cour
« sont contraignantes pour tous les États parties du Statut de Rome, qui comprend tous les États membres de l’UE ».
Inquiétudes
Alors que les défenseurs des victimes des crimes israéliens ont très favorablement accueilli les mandats d’arrêt, ils émettent des inquiétudes à propos de la qualité du travail de la cour sur l’enquête concernant la Palestine.
Les organisations palestiniennes des droits de l’homme susmentionnées ont mis le doigt avec inquiétude sur l’affirmation de la chambre préliminaire la semaine dernière, disant qu' »Israël occupe au moins certaines parties de la Palestine ».
En juillet, la Cour internationale de Justice (CII) – un tribunal séparé qui lui aussi siège à La Haye – a expliqué clairement dans une décision requise par l’Assemblée générale de l’ONU que la Cisjordanie, dont Jérusalem-Est, constitue une seule et unique unité territoriale. Le redéploiement d’Israël à la périphérie de Gaza en 2005 n’a pas changé son statut légal , a affirmé la cour.
Ce tribunal, également appelé la Cour internationale, a déclaré comme illégale la présence continue d’Israël en Cisjordanie et à Gaza.
La CIJ, qui étudie elle aussi une plainte pour génocide déposée contre Israël par l’Afrique du Sud, a confirmé que l’obligation d’agir positivement pour mettre fin à l’occupation illégale et démanteler les colonies n’incombe pas au seul État d’Israël, mais à tous les États.
Une lecture minutieuse de l’annonce par Khan de sa demande de mandats d’arrêt, introduite en mai, soulève de sérieuses inquiétudes – et ce n’est certes pas la première fois, loin s’en faut – quant à son approche de l’enquête qui avait été initiée par sa prédécesseuse, Fatou Bensouda, début 2021.
Le mot « occupation » n’apparaissait pas dans la déclaration de Khan, bien qu’il ait fait remarquer dans une interview pour CNN qu’Israël a une obligation positive, en tant que puissance occupante, de faire en sorte que « les vivres et les marchandises indispensables à la survie parviennent aux civils ».
Le champ de vision restreint du procureur sur les crimes supposés qui se sont produits le 7 octobre ou plus tard ignore le contexte plus large de la domination d’Israël via une occupation militaire, une colonisation de peuplement et l’application de l’apartheid en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.
Cela implique également que les acteurs palestiniens ont été les agresseurs, dans les hostilités actuelles, plutôt que leurs principales victimes.
Les organisations palestiniennes des droits humains ont instamment invité Khan à diriger son attention sur la « pléthore de crimes israéliens commis » en Cisjordanie et à Gaza depuis 2014, l’année qui marque le début de la juridiction temporelle du tribunal en Palestine.
Les trois organisations palestiniennes des droits humains ont déclaré qu’ elles « ont soumis de nombreuses communications à la CPI », dont « des dossiers substantiels et détaillés de preuves ».
Ces crimes incluent l’entreprise israélienne de peuplement en Cisjordanie, le blocus contre Gaza, les offensives militaires de 2014 et 2021 contre Gaza et le recours à la force meurtrière lors des protestations de la Grande Marche du Retour, début 2018.
Ces questions ont été soigneusement examinées par Bensouda dans son rapport détaillé publié en 2019 lors de la conclusion d’une très longue enquête préliminaire sur les crimes de guerre commis en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.
Des menaces contre la cour
La violente opposition à l’enquête sur la Palestine, manifestée par Israël et ses puissants alliés, qui ont déjà recouru à des sordides menaces contre Khan et le tribunal, signifie que la justice pour les Palestiniens lors des débats internationaux reste un combat des plus ardus.
Entre-temps, Khan doit faire face à des allégations d’inconduite auxquelles a fait référence Netanyahou, qui a traité l’avocat britannique de « procureur voyou qui tente de se dégager d’accusations de harcèlement sexuel ».
Khan réfute ces allégations et a refusé de prendre un congé pendant qu’une enquête externe allait examiner les plaintes.
Donald Trump pourrait sanctionner Khan une fois qu’il sera revenu à la Maison-Blanche, d’ici deux mois.
Lors de son premier mandat, Trump avait imposé des sanctions à la prédécesseuse de Khan et à un autre haut responsable de la cour, les plaçant tous deux en compagnie de « terroristes et de narco-trafiquants » ou d’individus et organisations travaillant au nom de pays sanctionnés par les EU.
Les principaux fondateurs de la cour sont des pays européens aux économies importantes et ceux qui s’opposent aux poursuites à l’encontre des dirigeants israéliens peuvent porter un coup mortel à la CPI déjà sous-financée en la privant complètement de tout soutien financier.
Certains des principaux partisans de la CPI se sont mis à plaider en faveur d’une approche « à croissance zéro » pour résoudre les questions budgétaires du tribunal à peu près au même moment où le bureau de la procureure initiait son enquête préliminaire en Palestine.
Khan a fait état des ressources limitées de son bureau au moment où il a annoncé, en 2021, que la cour ne poursuivrait pas son enquête sur les soupçons de crimes de guerre du personnel américain en Afghanistan et que son attention se limiterait aux crimes prétendument commis par les talibans et par l’État islamique.
Dans un article publié par le Journal of Human Rights (Journal des droits humains), Eric Wiebelhaus-Brahm et Kirten Ainley affirment que
« la pression sur le budget de la CPI a eu l’effet, intentionnel ou pas, de restreindre la pratique actuelle à juger des situations africaines ».
Et, puisque l’Afghanistan n’est pas situé en Afrique, le principe veut que la pression empêche tout examen minutieux des EU et de leurs alliés et se concentre sur les États ou entités ciblés par ces mêmes EU et alliés.
Il y a eu un soudain intérêt pour des contributions volontaires à la cour émanant de pays puissants, suite à l’ouverture d’une enquête en Ukraine en 2022.
Wiebelhaus-Brahm et Ainley ajoutent que
« lorsque des États parties soutiennent des enquêtes, ils sont en mesure d’étayer leur soutien par un financement ».
« Le fait qu’ils ont rarement agi de la sorte dans l’histoire du tribunal (…) suggère que leurs contributions financières constituent un indicateur raisonnable de leurs intérêts dans la justice internationale »,
ajoutent les deux auteurs.
L’analyste Alex Christoforou fait remarquer que la CPI « s’est mise elle-même en difficulté » en faisant ce que voulaient les EU et en émettant un mandat d’arrêt contre Poutine pour des charges nettement moins graves et crédibles que celles qui pèsent sur Netanyahou.
Bien que la Russie ne soit pas un État membre de la CPI, les charges contre Poutine ont forcé la main de Khan à déposer des accusations contre Netanyahou, de peur de s’entendre reprocher d’avoir détruit la réputation de la cour, prétendent Christoforou et d’autres analystes.
Ces analystes croient que les mandats d’arrêt de la CPI contre Netanyahou et Gallant signifieront la fin du tribunal, du fait qu’il a mis en colère les EU et leurs puissants alliés en Europe.
« C’est l’arrogance du pouvoir. Vous pensez que vous être puissant au point de toujours pouvoir plier les choses à votre convenance »,
estime l’analyste Alexander Mercouris.
« Et quand vous découvrez que ce n’est pas possible, eh bien, il ne vous reste rien d’autre à faire que mettre les meubles en pièces. »
« Dans ce cas, les meubles, c’est la cour pénale, qui va voler en pièces »,
a-t-il ajouté.
Même si un pronostic réservé se justifie, l’incapacité de la CPI à survivre à l’enquête sur la Palestine n’est en aucun cas courue d’avance – surtout si les États puissants continuent de sentir la pression émanant de la base et d’entendre des exigences de justice et de responsabilisation.
Si elle devait échouer, ce sera un moyen de plus par lequel Israël et les EU auront détruit le concept des lois internationales – ou du moins prouvé au-delà de tout doute que celles-ci ne sont guère plus qu’un gourdin brandi par les puissants contre les faibles.
Même dans ce cas, l’intervention de la CPI aura cimenté le statut d’Israël en tant que paria mondial et accéléré toutes les répercussions qui suivront.
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Publié le 27 novembre 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine