Le Qatar annonce un accord de cessez-le-feu

Dans la soirée de mercredi, le Premier ministre du Qatar a annoncé qu’un accord en plusieurs phases avait été dégagé entre Israël et le Hamas afin de mettre un terme à plus de 460 jours d’une guerre particulièrement brutale et dévastatrice à Gaza.

La joie des habitants de la bande de Gaza après l'annonce de l'accord de cessez-le-feu par le Qatar, le 15 janvier 2025. Photographe : Youssef Al-Za'noun

La joie des habitants de la bande de Gaza après l’annonce de l’accord de cessez-le-feu à Gaza, le 15 janvier 2025. Photographe : Youssef Al-Za’noun/ Activestills


Maureen Clare Murphy, 15 janvier 2025

La première phase de cet accord – qui en comportera trois – débutera dimanche, a déclaré Cheikh Mohammed bin Abdulrahman bin Jassim Al Thani au cours d’une brève conférence de presse qui s’est tenue à Doha :


Vidéo Al Jazeera : Israël et le Hamas d’accord pour un cessez-le-feu…

 

Même avant qu’ Al Thani n’annonce qu’un accord avait été dégagé, les Palestiniens de Gaza, qui ont enduré plus d’un an de constantes attaques israéliennes et de déplacements, ont accueilli l’information de l’imminence d’un accord par des célébrations dans les rues.

 

Le texte de l’accord, arbitré en partie par le Qatar, n’a pas été publié officiellement. Le Premier ministre de l’État du Golfe a déclaré que les termes exacts des deuxième et troisième phases devaient encore être mis au point par les deux parties.

 

Al Thani a expliqué que la première phase de l’accord durerait 42 jours et qu’elle verrait la libération de 33 Israéliens en captivité à Gaza – vivants et morts, militaires et civils – en échange d’un nombre non précisé de Palestiniens détenus dans les prisons et centres de détention israéliens.

Cette phase comprend également le retrait des forces israéliennes des zones habitées de Gaza, a ajouté Al Thani, ainsi que l’évacuation des blessés afin de leur permettre de recevoir des traitements médicaux en dehors de Gaza.

Les Palestiniens déplacés à l’intérieur de Gaza pourront retourner chez eux au cours de la première phase, a encore dit Al Thani, et il y aura une augmentation de l’aide humanitaire – désespérément nécessaire – dans tout le territoire.

Le Premier ministre du Qatar a expliqué que Doha collaborerait étroitement avec Le Caire et Washington pour garantir l’application de l’accord, mais que c’était aux parties qu’il incombait de s’engager pleinement dans les trois phases, d’honorer leurs obligations et d’en arriver à un cessez-le-feu durable.

 

Les pressions

Le président américain Joe Biden a déclaré que l’accord mettant fin à 15 mois d’une guerre qui menaçait de déstabiliser la région était le résultat d’une « pression extrême » sur le Hamas et de l’affaiblissement de l’Iran.

L’accord est également le résultat de « la diplomatie obstinée et minutieuse des États-Unis », a ajouté Biden.

Le président, en véritable canard boiteux, a contredit involontairement ses affirmations en reconnaissant que le plan accepté par Israël et le Hamas mercredi était le même que celui qu’il avait proposé en mai.

« Ma diplomatie n’a jamais renoncé à ses efforts en vue d’en arriver à cet accord »,

a déclaré Biden.

Mais deux hauts responsables arabes ont dit dans The Times of Israel que Steve Witkoff, l’envoyé de Donald Trump (qui entamera son second mandat de président des EU lundi), avait fait bien davantage pour influencer le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou en une seule réunion que Biden en toute une année.

L’analyse qui prévaut dans les médias israéliens dit que ce sont les pressions de l’administration entrante de Trump sur Netanyahou, plutôt que la pression israélienne sur le Hamas, qui a permis à l’accord de franchir la ligne d’arrivée.

Après l’annonce du Qatar, un haut responsable du Hamas, Khalil al-Hayya, a déclaré qu’Israël n’avait atteint aucun de ses objectifs à Gaza – tant déclarés que non déclarés, faisant allusion aux plans israéliens en vue de dépeupler, d’annexer et de recoloniser le nord du territoire.

« Et nous voici, aujourd’hui, en train de prouver que l’occupation [israélienne] n’a pas vaincu et ne vaincra pas notre peuple et sa résistance »,

a dit al-Hayya.

Le responsable du Hamas a remercié les organisations de résistance de la région, dont le Hezbollah au Liban et Ansarallah au Yémen, pour avoir ouvert des fronts de soutien et il a également remercié les protestataires du monde entier pour leur solidarité avec les Palestiniens à Gaza.

Les journalistes présents à la conférence de presse de Doha mercredi ont demandé quels mécanismes avaient été mis en place pour garantir que cette trêve tiendrait. En novembre 2023, un arrêt temporaire qui avait vu un échange de captifs s’était effondré au bout d’une semaine.

Le nombre officiel de morts à Gaza était de quelque 14 850 Palestiniens avant que n’entre en vigueur la trêve de novembre 2023. Mercredi, ce chiffre était d’environ 46 700 et même plus, du fait qu’Israël a continué de mener ses attaques meurtrières contre Gaza même après l’annonce de l’accord.

Un nombre inconnu de Palestiniens ont perdu la vie à la suite du siège ou de la destruction par Israël des infrastructures de santé, d’assainissement et de logement dans le territoire.

Au moins 110 265 Palestiniens – un habitant de Gaza sur 20 – ont été blessés, dont un grand nombre présentent des blessures qui les affecteront durant toute leur vie.

 

Que se passera-t-il ensuite ?

La Cour internationale de Justice (CIJ) a averti en janvier de l’an dernier qu’il y avait un risque plausible de génocide à Gaza. Un autre tribunal de La Haye, la Cour pénale internationale (CPI), a émis des mandats d’arrêt contre Netanyahou et Yoav Gallant, l’ancien ministre de la Défense révoqué par Netanyahou en novembre dernier.

Aujourd’hui, Netanyahou cherche des garanties de la part des États parties de la CPI qu’il ne sera pas arrêté s’il se rend dans leurs pays.

Entre-temps, l’armée israélienne ne publie plus le nom de ses hommes dans les médias, craignant qu’on ne les arrête à l’étranger. Tant Ghassan Alian – le chef de la COGAT, l’administration de l’armée israélienne qui impose le siège à Gaza – et, récemment, un réserviste en vacances en Italie, ont échappé à leur arrestation, respectivement en Italie et au Brésil.

Al Mezan, une organisation des droits humains installée à Gaza, a déclaré que l’annonce d’un cessez-le-feu constituait « un pas crucial vers la réduction du nombre de Palestiniens tués par la force meurtrière ».

Mais il a mis en garde en disant qu’un cessez-le-feu à lui seul « ne mettrait pas un terme au génocide en cours perpétré par Israël contre le peuple palestinien de Gaza ».

« Ce qui est requis, de la part d’Israël, c’est qu’il mette un terme à tous ses actes génocidaires en cours et qu’il ouvre Gaza et, de la part de la communauté internationale, qu’elle fasse en sorte que des comptes soient réclamés aux responsables »,

a déclaré l’organisation.

Une fois que la trêve sera appliquée, la grande question pour les survivants palestiniens sera de savoir ce qui va se passer ensuite, estime le contributeur de The Electronic Intifada, Malak Hijazi, qui nous écrit depuis Gaza.

L’administration de Gaza après l’application du cessez-le-feu est une autre question qui reste ouverte.

« Cette guerre ne se terminera pas avec la dernière frappe aérienne »,

a déclaré Hijazi.

« Ses effets persisteront dans les décombres, dans la lutte pour la reconstruction et dans la crainte constante que le cessez-le-feu ne dure pas. »

« Les habitants de Gaza ont besoin de bien davantage que de mots de solidarité »,

a ajouté Hijazi.

« Nous avons besoin d’une action mondiale significative afin de soutenir la reconstruction et de garantir que des comptes soient réclamés. »

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Publié le 15 janvier 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

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