L’Autorité palestinienne s’en prend aux familles des prisonniers palestiniens : Un crime perpétré en commun avec l’impérialisme et le sionisme

L’Autorité palestinienne a lancé une nouvelle attaque contre les prisonniers et les martyrs palestiniens, dans le cadre de sa « coordination sécuritaire » en cours avec le régime sioniste et en réponse aux exigences américaines et européennes, le tout au détriment du peuple palestinien, de ses combattants du front et de leurs familles.

 

Protestation contre les mesures de l'Autorité palestinienne à l'encontre des prisonniers

Protestation contre les mesures de l’Autorité palestinienne. Sur les pancartes on peut lire : « Les prisonniers ont droit à des allocations », « Respectez les droits des prisonniers »,  « Supprimer les allocations des prisonniers est un crime national et moral crime »

 

Samidoun, 21 février 2025

Le réseau Samidoun de solidarité avec les prisonniers palestiniens est aux côtés des prisonniers palestiniens, de leurs familles et du mouvement de libération collective nationale pour dénoncer et rejeter cette attaque menée contre le mouvement des prisonniers à la demande de l’Autorité palestinienne (AP), des puissances impérialistes et du régime sioniste.

Le 10 février 2025, le président Mahmoud Abbas (Abu Mazen) de l’AP sortait un décret présidentiel annulant les paiements des subventions financières aux familles des prisonniers, martyrs et blessés palestiniens, comme cela avait été stipulé dans la Loi sur les prisonniers. En outre, le décret transférait la banque de données, les fonds et la responsabilité du soutien aux familles des martyrs du ministère du Développement social – et de la commission des Affaires des prisonniers – à la Fondation Tamkeen, l’« Institution nationale palestinienne pour l’autonomisation politique », une ONG opérant officiellement hors du cadre de l’AP et de l’OLP.

Le décret spécifiait en outre que les familles des prisonniers, martyrs et blessés recevraient du soutien selon les mêmes modalités que toutes les familles bénéficiant des fonds de bien-être social en leur qualité de « familles nécessiteuses ».

Outre le fait de provoquer une crise financière pour les familles de ceux qui ont consenti les plus grands sacrifices pour la libération de la Palestine, cette action vise en outre à détruire le statut unique des prisonniers et des martyrs au sein de la société palestinienne, faisant d’eux en lieu et place des victimes des circonstances plutôt que des combattants vétérans qui se sont sacrifiés pour la libération de leur terre et de leur peuple.

À côté du rejet généralisé de ce décret par les organisations et factions politiques palestiniennes, dont le Hamas, le Djihad islamique et le Front populaire pour la libération de la Palestine, ainsi que par un grand nombre de prisonniers du Fatah et de leurs familles, le président Qaddoura Fares de la commission des Affaires des prisonniers – l’entité instaurée auparavant pour gérer ces paiements – a pris la parole contre ce même décret en compagnie d’autres organisations des prisonniers en Palestine. En réponse, Abbas a ordonné à Fares de prendre sa retraite anticipée, le démettant de ses fonctions parce qu’il avait pris la défense des droits des prisonniers et de leurs familles.

Samidoun rallie également le large éventail des forces du mouvement palestinien de libération en condamnant l’attaque contre Qaddoura Fares et les personnes qui s’expriment en faveur de la défense des prisonniers palestiniens.

Le juriste palestinien Isam Abdeen a publié une analyse juridique de l’ordre, faisant remarquer que le mandat présidentiel d’Abbas a expiré depuis longtemps et que, par conséquent, ses décrets n’ont aucun poids, qu’un décret présidentiel n’a pas l’autorité d’abroger une loi et que le décret, ainsi que d’autres décrets plus anciens réduisant et limitant les droits des prisonniers et des martyrs, sont inconstitutionnels, aussi bien selon la Loi de base ou constitution de l’AP que selon la Charte nationale et les statuts de l’OLP. Il écrit :

« Cela fait plutôt partie d’un plan intégré visant à vider de leur contenu les droits nationaux des Palestiniens, à resserrer le contrôle complet des ressources financières et à ré-ajuster l’équilibre du pouvoir au sein de l’Autorité, de façon que la loyauté politique devienne une condition de base pour l’obtention des droits les plus élémentaires. »

La Fondation Tamkeen est gérée par Ahmad Majdalani, un responsable de l’Autorité palestinienne et en même temps un allié d’Abbas. L’homme est devenu tristement célèbre pour ses positions contre la résistance et en faveur de la normalisation, depuis sa participation en 2016 à la conférence de Herzliya, une conférence de la « sécurité et politique de l’État » sioniste, jusqu’à sa déclaration de janvier 2024 – en plein génocide sioniste – disant que

« le Hamas est une organisation terroriste, dans sa forme, son programme et son discours politique actuels ».

La fondation de Majdalani s’est vu accorder en premier lieu par l’autorité le droit d’exercer un contrôle invasif du statut financier des Palestiniens marginalisés et appauvris, afin d’évaluer leur « éligibilité » aux programmes de protection sociale ne s’élevant pas à plus de 700 shekels (environ 200 USD) par mois.

Désormais, Abbas a l’intention de conférer à cette ONG privée – gérée par le responsable qui fait ces mêmes déclarations manifestement hostiles à la résistance – l’autorité d’« évaluer » de façon invasive les finances des familles des martyrs, prisonniers et blessés de la cause palestinienne, afin de dépenser des montants ou sommes qui ne dépassent pas non plus 700 shekels par mois.

C’est une réduction d’au moins 50 pour 100 des dotations financières octroyées aux familles des prisonniers et qui peut aller jusqu’à 95 pour 100 selon le nombre d’années que le prisonnier a passées derrière les barreaux, tout en étant en même temps une gifle aux sacrifices consentis par les prisonniers et les martyrs.

Avant ce changement, les lois en place requéraient ce qui suit :

« En s’appuyant sur la Loi fondamentale palestinienne de 2003 et ses divers amendements, le prisonnier dans les prisons israéliennes reçoit un salaire ou une somme mensuelle en raison de sa participation à la lutte contre l’occupation, à condition qu’il ne soit pas un salarié, et ce salaire lui est versé, à lui ou à sa famille, et cesse immédiatement dès sa libération des prisons de l’occupation.

« L’article Deux de cette loi stipule que chaque prisonnier (arrêté sur base de la lutte) se voie accorder un salaire mensuel qui doit lui être versé, à lui ou à sa famille, à condition qu’il ne tire pas profit d’un salaire mensuel de quelque corps gouvernemental ou semi-gouvernemental ou de quelque institution officielle, et que les départements gouvernementaux, les institutions officielles ou semi-gouvernementales ne peuvent pas réduire les salaires de leurs salariés s’ils sont capturés.

« L’article Quatre confirme que la personne qui se voit imposer une résidence surveillée par les autorités d’occupation israéliennes bénéficie des dispositions de ce système, à condition que sa famille soumette les documents de soutien nécessaires à l’administration compétente et qu’un salaire soit payé au prisonnier dès la date de sa capture, conformément à l’article Sept.

« Les articles de la loi incluent l’addition d’allocations et d’augmentations du salaire, que ce soit en raison de la présence d’une épouse ou d’enfants, et cela constitue un salaire dont la valeur augmente avec le nombre d’années jusqu’à 30 ans, après quoi le montant ne change plus. »

La propagande sioniste, européenne et américaine a attaqué de nombreuses fois ce système au fil des décennies, en disant que les Palestiniens rallient la résistance et entreprennent leur lutte de libération afin de concrétiser ces « paiements ».

Cette rhétorique raciste et absurde implique que les salaires semblables à ceux des autres travailleurs constituent une incitation financière à s’engager dans la lutte – plutôt que les 77 années et plus d’occupation et de colonisation par les sionistes de la terre palestinienne, que le vol permanent des terres et des ressources, que les massacres de Palestiniens, que les attaques contre la mosquée Al-Aqsa Mosque et les lieux saints partout en Palestine, que le refus du droit au retour ou que la Nakba et le génocide en cours qui ciblent en permanence l’existence des Palestiniens.

Toutefois, d’autre part, un tel système – transféré de celui de l’époque révolutionnaire de l’OLP – est celui d’une nation engagée dans une lutte de libération, qui travaille à soutenir ses prisonniers, ses martyrs et ses blessés en tant qu’honorables vétérans de la lutte chéris par la société en tant qu’avant-garde de la résistance et de la libération. L’attaque contre ce système a très manifestement pour but d’être un nouveau vecteur d’attaque contre la résistance, en créant parmi les combattants palestiniens un niveau supplémentaire de crainte, la crainte que leurs familles ne soient laissées complètement désemparées et appauvries s’ils entreprennent des actions pour défendre leur terre et leur peuple.

Fondamentalement, cela n’a rien de surprenant, puisque l’Autorité palestinienne n’a pas été créée pour entretenir, mais plutôt pour contrôler, réprimer et tenir à l’œil le peuple palestinien et sa résistance pour le compte du régime sioniste et des puissances impérialistes qui la financent, et ce, depuis sa création lors du processus d’Oslo.

Toutefois, afin que l’AP se voie accorder quelque forme de légitimité, de telles dispositions ont été perçues comme nécessaires ; sans ce soutien aux martyrs et aux prisonniers, l’AP n’aurait pas été en mesure d’usurper la position de l’OLP ni de revendiquer un statut légitime de « gouvernement » (sans souveraineté ni autodétermination).

En outre, de telles subventions financières ont servi de mécanisme de contrôle, dans lequel la menace du retrait de fonds et le pouvoir de consigner une famille ou une organisation dans la pauvreté et la marginalisation est utilisé pour garder l’Autorité en place en tant que force sécuritaire au profit de l’occupation et des puissances impérialistes. En effet, l’AP a prétendu ouvertement dans le passé que, si elle mettait un terme à ces allocations, elles seraient reprises par les partis et organisations de la résistance, ce qui mettrait en péril la totalité du projet d’Oslo.

Cependant, la position agressive, ouvertement génocidaire du régime sioniste et des États impérialistes n’a fait que s’amplifier au fil des décennies. Le régime sioniste a volé les fonds (pris sur les taxes et impôts des Palestiniens !) de l’Autorité dans le montant payé aux prisonniers et aux martyrs, puisque tout un assortiment de ministres sionistes racistes et de criminels de guerre, de Benjamin Netanyahou à Itamar Ben-Gvir ou Bezalel Smotrich, déclarent leur ambition ouverte de contrôler la totalité de la Palestine par le biais du nettoyage ethnique et du génocide et sans qu’il soit besoin que l’AP serve de partenaire secondaire.

Les EU ont adopté le « Taylor Force Act » en 2018, qui interdit d’aider financièrement l’AP sauf si elle cesse de payer des allocations aux familles des martyrs et des prisonniers ; il conviendrait de remarquer ici que la forme première d’aide américaine à l’AP est celle de « l’assistance sécuritaire » et, en effet, de contrôle – orientant le rôle des forces « sécuritaires » vers l’apport de soutien à l’occupation et vers la collaboration avec le régime sioniste dans les poursuites et l’emprisonnement des combattants de la résistance.

Fait remarquable, l’Autorité palestinienne a intensifié ses attaques contre les combattants palestiniens, particulièrement contre les camps de Jénine, Tulkarem et Tubas, en prélude de et en même temps que l’offensive sioniste actuelle contre les camps qui a déjà déplacé des dizaines de milliers de Palestiniens. Elle cherche à se faire passer aux yeux des puissances impérialistes et des régimes réactionnaires arabes comme un remplacement de la Résistance à Gaza au détriment des prisonniers, des martyrs et de leurs familles.

Toute une série de puissances impérialistes européennes se sont également jointes à la campagne d’appauvrissement des familles des martyrs et prisonniers palestiniens, comme l’ont fait également des organisations sionistes de lobbying un peu partout dans le monde.

En effet, l’État allemand – tristement réputé pour son soutien au génocide sioniste, il est l’un des principaux fournisseurs d’armes au régime sioniste dans le même temps qu’il interdit les organisations de solidarité avec la Palestine et avec les Palestiniens, qu’il arrête des milliers de manifestants et qu’il a même interdit le slogan « du fleuve à la mer, la Palestine sera libre » – a été parmi les tout premiers à féliciter avec enthousiasme le décret d’Abbas tout en faisant remarquer :

« Le gouvernement allemand accueille avec bienveillance la décision du président Abbas d’abolir ce qu’on appelle le Fonds des Martyrs. (…) En abolissant le système de paiement des martyrs, l’AP fait savoir qu’elle est disposée à s’attaquer à des réformes, même si elles s’avèrent difficiles. En compagnie de l’Union européenne, nous soutiendrons l’AP si elle persévère sur la voie de la réforme. »

Ces actions ne devraient pas être séparées d’autres attaques contre les prisonniers palestiniens et la Résistance, y compris l’étiquetage des mouvements de résistance palestiniens, libanais et yéménite comme organisations « terroristes », en les soumettant à des sanctions et en les criminalisant.

Ceci s’étend à la répression des organisations de masse qui luttent pour les prisonniers palestiniens, avec Samidoun qui se fait taxer d’« entité terroriste » au Canada, est interdite en Allemagne et sanctionnée aux États-Unis, uniquement en raison de ses plaidoyers en public, de ses manifestations et de ses positions politiques soutenant la résistance avec une attention toute particulière pour les prisonniers.

Il conviendrait de remarquer que ce n’est pas la première fois que l’Autorité palestinienne a cédé à de telles exigences. En 2014, la commission des Affaires des prisonniers avait été créée en tant que corps « financièrement indépendant » dans le but d’éloigner l’AP de ces allocations.

Depuis lors, chaque fois qu’un directeur de la commission fait passer les intérêts des prisonniers palestiniens avant ceux de la direction de l’AP, il est soit licencié soit déboulonné. En 2018, Issa Qaraqe, à l’époque chef de la commission des Affaires des prisonniers, a été viré par Abbas ; aujourd’hui, en 2025, c’est à Qaddoura qu’on a ordonné de prendre sa retraite anticipée ; dans les deux cas, il s’agit de représailles pour avoir refusé d’abandonner les prisonniers palestiniens à la marginalisation.

Tout au long de ce processus, l’Autorité palestinienne continue d’arrêter, d’emprisonner et de poursuivre les combattants de la résistance et les activistes communistes, dans le cadre de la « coordination sécuritaire » avec l’occupation israélienne. Des dizaines de Palestiniens sont détenus dans les prisons de l’AP parce qu’ils ont soutenu la résistance à l’occupation, y compris, dans de nombreux cas, pour avoir fourni du soutien aux familles des prisonniers et des martyrs.

Le Réseau Samidoun de solidarité avec les prisonniers palestiniens affiche sa solidarité totale avec les familles des martyrs, des prisonniers et des blessés.

Ce décret est non seulement illégal et dangereux pour ces familles, il a également pour but d’attaquer la base sociale et de saper le statut de la lutte de libération palestinienne à un niveau fondamental, en altérant la perception des martyrs et des prisonniers en tant que dirigeants et combattants de la résistance pour en faire d’infortunées victimes soumises à des interrogatoires et à des examens minutieux intrusifs de la part des normalisateurs et des ennemis de la résistance.

En outre, le limogeage de Qaddoura Fares met en évidence l’approche permanente de l’AP à Ramallah en vue de faire face aux dissensions et particulièrement à la lutte de libération en recourant à la répression et à la réduction au silence. Ce n’est pas le crime de la seule AP à Ramallah – les États-Unis, les puissances impérialistes européennes et le régime sioniste partagent l’entière responsabilité de cette attaque contre les prisonniers et leurs familles et il se fait en même temps que la Résistance à Gaza met tout en œuvre pour libérer tous les prisonniers palestiniens dans le cadre du Toufan al-Ahrar, le Déluge des Libres.

Nous affirmons que les martyrs et prisonniers palestiniens ne sont pas seuls et qu’ils ne resteront jamais seuls et nous invitons instamment tous les sympathisants de la Palestine dans le monde entier à affronter et défier ces mesures de coercition et de paupérisation et d’accroître sensiblement notre soutien aux prisonniers et à la résistance qui luttent quotidiennement pour la libération de la Palestine malgré les niveaux très élevés de la répression, de la violence et du génocide.

De fleuve à la mer, la Palestine sera libre !

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Publié le 21 février 2025 sur Samidoun
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

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