Le lent assassinat d’Ahmad Manasra

La prolongation répétée par un tribunal israélien du confinement solitaire d’Ahmad Manasra est « en train de le détruire », estime son avocat.

Le 13 avril dernier, des Palestiniens brandissaient des affichettes lors d’une manifestation de solidarité avec le prisonnier Ahmed Manasra en face du bureau de la Croix-Rouge de la ville de Hébron, en Cisjordanie. (Photo : Samar Bader / WAFA)

Le 13 avril dernier, des Palestiniens brandissaient des affichettes lors d’une manifestation de solidarité avec le prisonnier Ahmed Manasra en face du bureau de la Croix-Rouge de la ville de Hébron, en Cisjordanie. (Photo : Samar Bader / WAFA)

 

Mariam Barghouti, 17 août 2022

Mardi 16 août, le tribunal de district israélien de Beer Sheva a prolongé le confinement solitaire du détenu palestinien de 20 ans, Ahmad Manasra, pour une période supplémentaire de six mois.

Samedi 13 août, Manasra avait été transféré de la prison d’Eshel, à Beer Sheva, vers la prison de Shakima, à Ashkelon. Le refus par Israël de retirer le jeune homme de 20 ans de son confinement solitaire a été condamné par des experts en santé mentale et par les organisations de défense des droits humains, dont Amnesty International.

Alors que les Services carcéraux israéliens (IPS) et les autorités tentent de justifier l’isolement de Manasra en prétendant qu’il représente une menace contre sa propre vie et celle des autres prisonniers, le principal avocat de la défense de Manasra, Khaled Zabarqa, a déclaré à Amnesty que les « prolongations répétées de son confinement solitaire sont en train de le détruire. »

Le lent assassinat d’Ahmad Manasra

Lors de la vidéo-conférence au cours de laquelle Manasra s’est rendu à son audience, son père lui a demandé comment il passait son temps. Une vidéo diffusée sur les médias sociaux montre la douleur des expressions du père quand son fils lui dit : « Je suis seul, yaba [papa]. »

En juin dernier, le dossier d’accusation de Manasra a été reclassé dans la rubrique « terrorisme », selon une clause de la loi d’Israël sur la jeunesse qui permet l’emprisonnement par Israël d’enfants dès qu’ils ont atteint l’âge de l’âge de 12 ans. La clause a été ratifiée par les tribunaux israéliens pendant le procès de Manasra, qui avait été arrêté à l’âge de 13 ans pour avoir prétendument participé à une agression au couteau dans l’une des colonies illégales de Jérusalem.

Quand le dossier Manasra a été classé dans la rubrique « terrorisme », Qadura Faris, directeur de la Société du prisonnier palestinien, a déclaré à l’attention de la presse locale que c’était une « décision directe de le tuer ».

Manasra est l’aîné de huit enfants. Son cas continue de mettre en évidence la brutalité subie par les enfants et les jeunes palestiniens aux mains de l’appareil sécuritaire israélien, qui comprend les tribunaux et la coordination active avec les députés et les services carcéraux. Manasra a été transféré de diverses prisons israéliennes, comme Mejjedo, Ramleh et Eshel, et toutes passent pour avoir recouru à des pratiques illégales contre des détenus palestiniens, dont des mineurs d’âge.

Les travailleurs de la santé plaident pour l’amnistie

En mars, une coalition de 36 experts de la santé a lancé un appel en faveur de la libération d’Ahmad Manasra suite à la détérioration rapide de sa santé mentale du fait qu’il a été exposé à de mauvais traitements prolongés, à des pratiques coercitives lors de ses interrogatoires en tant qu’enfant, au confinement solitaire et aux blessures qu’il avait subies quand les colons l’avaient tabassé et insulté alors qu’il gisait au sol, se vidant de son sang, en 2015.

Bien qu’il lui reste moins de trois ans à purger, les tribunaux israéliens continuent de refuser la libération anticipée de Manasra. L’impact de la sentence est complété par le fait qu’il est emprisonné pour une durée indéfinie en confinement solitaire, une pratique considérée comme illégale par les lois internationales.

Les campagnes mondiales pour la libération de Manasra se sont poursuivies et ont pointé du doigt la décision réflexe des autorités israéliennes d’emprisonner Manasra comme première mesure, à l’âge de 13 ans – une violation des lois et conventions internationales pour la protection des enfants, qui perçoivent l’emprisonnement comme un ultime recours.

Manasra est une victime des abus commis sur les enfants par les colons et autorités militaires d’Israël. Alors que des cadres juridiques mettent l’accent sur le fait que les enfants sont les victimes de leurs réalités et de leur environnement dans des zones en conflit armé, Manasra a été traité comme un « terroriste » et un perpétrateur par les autorités israéliennes. Ceci montre une déconnexion entre les structures juridiques israéliennes et les normes internationales – les premières perçoivent les enfants comme des organisations terroristes armées, alors que les dernières reconnaîtraient l’impact sur ces mêmes enfants d’une occupation militaire prolongée et de mesures discriminatoires systémiques.

Manasra est originaire de Jérusalem et son emprisonnement met en évidence jusqu’où Israël veut aller pour paralyser le bien-être palestinien dans la ville, puisqu’il insiste en permanence en faveur d’une annexion ainsi que d’une expansion illégale des efforts coloniaux de peuplement.

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Publié le 17 août 2022 sur Mondoweiss
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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Lisez également : Le combat pour mettre un terme au confinement solitaire d’Ahmad Manasra se poursuit

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