Le combat pour mettre un terme au confinement solitaire d’Ahmad Manasra se poursuit

Ahmad Manasra, qui avait été arrêté alors qu’il avait 13 ans, est détenu en confinement solitaire par les Services carcéraux israéliens depuis octobre 2021, c’est-à-dire au moment où sa santé mentale a vraiment commencé à se détériorer de plus en plus.

Ahmad Manasra (au centre), 14 ans, quittant le tribunal du district à Jérusalem après avoir pris connaissance de sa sentence, le 7 novembre 2016. Le tribunal a condamné Ahmad à 12 ans de prison pour de prétendues tentatives de meurtre sur deux Israéliens. Plus tard, la sentence a été ramenée à neuf ans et demi. (Photo : AFP)

 

Mariam Barghouti, 22 juillet 2022

Pour la troisième fois, mercredi, un tribunal israélien a reporté une audience d’Ahmad Manasra. Cette mesure va soumettre ce dernier à un nouveau mois de confinement solitaire dans une prison israélienne.

Une audience du tribunal était prévue pour Ahmad Manasra, 20 ans, à la prison d’Eshel, qui fait partie du complexe carcéral de Beersheba, au sud de Jérusalem. L’équipe juridique de Manasra lance un appel en vue de le délivrer du confinement solitaire dans lequel il se trouve depuis sept mois consécutifs déjà.

Ses avocats demandent également qu’il soit transféré soit à la prison du Néghev, soit à celle de Nafha, où des détenus palestiniens plus âgés ont promis de prendre soin du jeune Ahmad Manasra, dont la santé mentale s’est détériorée.

L’audience de mercredi a été reportée pour la troisième fois, à la requête du Ministère public israélien, à la date du 16 août.

La bataille en vue de sauvegarder ce qui reste pour Manasra

Ahmad Manasra, qui avait été arrêté alors qu’il avait 13 ans, est détenu en confinement solitaire par les Services carcéraux israéliens depuis octobre 2021, c’est-à-dire au moment où sa santé mentale a vraiment commencé à se détériorer de plus en plus.

« Le monde a besoin de changer d’urgence, le temps n’est pas de notre côté. Chaque jour qui passe constitue une perte »,

explique à Mondoweiss Khaled Zabarqa, l’avocat d’Ahmad Manasra.

Depuis près d’un an, la famille de Manasra, son équipe juridique et ses avocats livrent bataille contre le système juridique israélien en raison des abus auxquels il a été confronté comme enfant alors qu’il était détenu par l’armée et autres forces militaires israéliennes. Jusqu’à présent, Manasra s’est vu refuser ses droits à un procès équitable, à des visites familiales et il continue d’être détenu en isolement complet malgré les avertissements des médecins, des avocats et des défenseurs des droits de l’homme contre l’impact tragique que ce traitement a sur son bien-être général.

Des études un peu partout dans le monde montrent que l’impact du confinement solitaire sur la santé des prisonniers est largement négatif, se traduit par des colères, des dépressions, des psychoses, des accès de paranoïa et même par des suicides. Ces suites peuvent être un peu plus prononcées chez les jeunes détenus en confinement solitaire.

« L’état d’Ahmad a empiré ces deux dernières années »,

a expliqué Zabarqa à Mondoweiss, indiquant ainsi que sa situation a commencé à décliner alors qu’il n’avait encore que 18 ans à peine.

Le 28 juin dernier, Ahmad Manasra s’est entendu refuser sa libération anticipée par la commission israélienne de libération sur parole à la prison de Ramle. Son confinement solitaire associé à une interdiction de contact familial, et sa perturbation émotionnelle provoquée par son procès, le placent dans une situation un peu plus fragile encore.

« Quand je l’ai vu, c’était comme s’il essayait de se cramponner au moindre concept de maison, de foyer »,

a déclaré Zabarqa à Mondoweiss.

La pratique du confinement solitaire des Palestiniens dans les prisons israéliennes existe depuis très longtemps. Des milliers de Palestiniens, adultes comme enfants, ont souffert de cette pratique, en dépit du consensus à propos de son impact négatif sur les vies humaines.

En 2004, Israël a envoyé Mansour Shahteet, de Hébron, en confinement solitaire pour des années, bien qu’il n’eût que 17 ans à l’époque. Son père Yousef se rappelle le moment où il a été confronté au juge israélien dans une interview avec le réseau turc Anadolu Agency.

« J’ai demandé (…) pourquoi mon fils était en confinement solitaire. Je lui ai dit que c’était déshumanisant et que cela devait cesser »,

a poursuivi Yousef.

« Le juge a dit que mon fils devrait rester en confinement solitaire jusqu’à sa mort. »

Des Palestiniens brandissent des écriteaux au cours d’une protestation de solidarité avec le prisonnier Ahmad Manasra, en face des bureaux de la Croix-Rouge dans la ville cisjordanienne de Hébron, le 13 avril 2022. (Photo : Samar Bader / WAFA)

Des Palestiniens brandissent des écriteaux au cours d’une protestation de solidarité avec le prisonnier Ahmad Manasra, en face des bureaux de la Croix-Rouge dans la ville cisjordanienne de Hébron, le 13 avril 2022. (Photo : Samar Bader / WAFA)

 

La vengeance d’Israël sur un enfant

« Le monde a toujours considéré les enfants comme des victimes de la guerre, et non comme des fauteurs de guerre »,

a expliqué Zabarqa à Mondoweiss.

« Pourtant, nous en sommes arrivés à un point, ici, où les autorités israéliennes accusent un enfant… »

Dans les cadres juridiques internationaux, les enfants doivent être protégés dans les zones en conflit. Pourtant, en Israël, Manasra a non seulement été condamné à la prison à l’âge de 13 ans, mais l’armée israélienne et des agents interrogateurs lui ont également arraché de force des confessions à la pointe d’une arme à feu. En outre, alors que la loi israélienne ne permettait pas de condamner Manasra en raison de son jeune âge, les députés israéliens ont modifié la loi afin de permettre qu’il soit emprisonné.

Le cas de Manasra continue d’illustrer les abus d’Israël à l’égard des enfants palestiniens, ce qui impacte non seulement les populations actuelles, mais également les générations à venir. L’intimidation et les menaces à l’égard de l’adolescent, même quand il était enchaîné à un lit d’hôpital à Jérusalem, ont contribué à la détérioration de sa santé mentale et des représentants de l’ONU, ainsi que des officiels, activistes, avocats, travailleurs de la santé mentale et défenseurs des droits humains du monde entier ont insisté auprès d’Israël pour qu’il soit libéré.

Les autorités israéliennes continuent non seulement de refuser ses droits à Manasra, mais les Services carcéraux israéliens, soutenus par les tribunaux israéliens, continuent de lui infliger ce cauchemar et tous ces abus au mépris total des lois internationales.

Actuellement, il existe trois demandes principales aux autorités israéliennes pour la sauvegarde de ce qui reste de Manasra : le libérer immédiatement, lui accorder sa libération anticipée et l’éloigner de toute forme de confinement solitaire, le tout accompagné de l’approbation, en coordination avec sa défense juridique, de sa prise en charge par les prisonniers politiques palestiniens.

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Publié le 22 juillet 2022 sur Mondoweiss
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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