Reprise des tueries à Gaza alors que le cessez-le-feu pend à un fil
L’armée israélienne a repris ses bombardements aléatoires et ses frappes aériennes contre les Palestiniens à Gaza, marquant ainsi la toute dernière tentative d’Israël de saboter le cessez-le-feu au moment où Netanyahou violait l’accord en interrompant le flux de l’aide humanitaire.

Des gens éplorés à la suite d’une frappe de l’aviation israélienne qui a tué deux Palestiniens, Khaled al-Shaer, 60 ans, et Musa Qishta, 59 ans, à Rafah, le 3 mars 2025. Les corps des deux Palestiniens assassinés ont été transférés à l’hôpital Nasser de Khan Younis. (Photo : Omar Ashtawy / APA Images)
Tareq S. Hajjaj, 5 mars 2025
Lundi après-midi, deux amis, Khaled al-Shaer, 60 ans, et Musa Qishta, 59 ans, marchaient en direction de leurs maisons détruites dans la ville de Rafah, près de la frontière égyptienne avec Gaza. Ils étaient sortis se promener histoire de passer le temps jusqu’au crépuscule et d’attendre l’heure de rupture du jeûne du Ramadan.
Quand ils étaient arrivés au stade de la Municipalité de Rafah, dans le centre ville, ils avaient été aperçus par les chars israéliens stationnés près de la frontière. Les chars avaient ouvert le feu.
Muhannad Qishta, le cousin de Musa, a déclaré que Musa avait voulu s’approcher de sa maison et voir ce qu’il en était advenu.
« Alors qu’ils traversaient la rue, le char les a aperçus et a déclenché un tir nourri, mais sans les toucher »,
a expliqué Qishta à Mondoweiss.
« Les deux hommes ont tenté d’échapper aux tirs et se sont donc enfuis en direction, non loin de là, d’une école abandonnée de l’UNRWA. »
En raison de leur âge, ils ne pouvaient par courir très longtemps mais, dès qu’ils ont tenté de fuir, l’armée israélienne a envoyé un quadricoptère pour les pourchasser.
« L’armée s’est amusée à les tuer de sang-froid »,
a ajouté Qishta.
Après qu’ils avaient atteint l’école, le drone israélien avait rattrapé les deux hommes et avait ouvert le feu directement, les blessant mortellement et les laissant saigner à mort dans la cour de l’école.
Plusieurs heures plus tard, des membres des familles des deux hommes avaient entamé des recherches pour les retrouver, puisqu’ils n’étaient pas revenus à temps pour l’iftar, le repas de rupture du jeûne. Ils avaient retrouvé leurs corps dans l’école.
Musa Qishta, l’un des deux hommes assassinés, n’avait pas eu d’enfant de son vivant, a raconté un proche à Mondoweiss. Il avait adopté son neveu après que le père de celui-ci avait été tué au cours de la guerre et il avait pris la responsabilité de s’occuper de lui. Aujourd’hui, son neveu est de nouveau orphelin.
Des scènes sanglantes comme celle-ci ont recommencé à Gaza après la fin de la première phase de l’accord de cessez-le-feu et la mise à l’arrêt de l’entrée de l’aide humanitaire dans l’enclave. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a déclaré que le cessez-le-feu ne se poursuivrait pas sans la libération d’autres captifs israéliens et il a ajouté qu’il n’y aurait « pas de déjeuner gratuit » pour les Palestiniens.
À la suite de l’interruption par le PM israélien des livraisons humanitaires à Gaza, les attaques israéliennes contre les Palestiniens dans les zones frontalières ont connu une forte recrudescence ce dimanche, quand l’armée s’est mise à tirer des obus d’artillerie et à organiser des frappes de drone à Gaza, tuant ainsi quatre personnes dimanche. Lundi, le ministère de la Santé de Gaza a déclaré dans un communiqué que cinq autres personnes avaient été tuées et 21 blessées.
Selon des témoignages consignés par Mondoweiss, l’armée israélienne a bombardé plusieurs quartiers résidentiels à Beit Hanoun, tuant ainsi des civils chez eux et dans les camps de déplacement dans le nord de Gaza. À Khan Younis et à al-Bureij plus au sud, des chars israéliens stationnés à la frontière ont tiré au hasard sur des Palestiniens et ce, quotidiennement depuis dimanche.
Samar Hijazi, une habitante du nord de Gaza, a expliqué à Mondoweiss que le bombardement à Beit Hanoun a eu lieu à proximité de sa tente, qu’elle avait dressée à côté de ce qu’il restait de sa maison détruite.
« Quand j’ai vu le bombardement en face de moi, j’ai pensé que le cessez-le-feu était terminé et que la guerre avait repris »,
a-t-elle dit.
« Je ne pouvais en croire mes yeux. La guerre était censée terminée mais, en un seul instant, nous l’avions revécue entièrement »,
a ajouté Samar Hijazi.
« Ils tuent les gens dans les rues et dans leurs maisons alors qu’ils jeûnent sans poser le moindre danger ni de menace pour personne. Les Israéliens ne veulent pas que nous vivions un seul jour de paix dans notre pays. Ils veulent que nous haïssions notre pays et que nous le quittions. Mais ils rêvent. »
« Cette guerre ne finira pas tant que cette occupation criminelle restera sur nos terres »,
a-t-elle encore ajouté.
Israël tente de ramener la situation à Gaza « à la case départ »
Les toutes dernières attaques contre des Palestiniens à Gaza n’étaient pas les premières du genre depuis le début des 42 jours de la phase n° 1 du cessez-le-feu. Selon le ministère de la Santé à Gaza, Israël a tué 121 Palestiniens depuis le début du cessez-le-feu, marquant ainsi l’une des violations israéliennes les plus flagrantes des termes de l’accord, en sus du refus d’Israël d’autoriser l’entrée des quantités convenues de tentes, résidences mobiles préfabriquées et engins mécaniques lourds pour le déblayage des décombres.
Le Hamas a déclaré que les attaques israéliennes les plus récentes visaient à empêcher le cessez-le-feu de se diriger vers sa deuxième phase prévue, qui pourrait voir le démarrage des pourparlers autour d’une fin définitive de la guerre. Le porte-parole du Hamas à Gaza, Hazem Qassem, a expliqué mardi à Mondoweiss que l’occupation israélienne
« tente de redistribuer les cartes et de ramener la situation à Gaza à la case départ ».
« Il y a eu plus d’une centaine de martyrs depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, si bien que l’occupation porte l’entière responsabilité des répercussions de ce comportement criminel »,
a ajouté Qassem.
Les commentaires de Qassem ont lieu après que le Hamas a rejeté une proposition américano-israélienne qui, pour l’essentiel, en finirait avec le format convenu du cessez-le-feu original et introduirait une phase « intermédiaire » entre les première et deuxième phases. La phase intermédiaire proposée déboucherait ostensiblement sur la libération de la moitié des 59 captifs israéliens toujours détenus à Gaza, et la moitié restante serait libérée à la fin de cette phase, au cas où les deux parties seraient d’accord de mettre un terme à la guerre.
« Le gouvernement israélien essaie d’étendre la première phase du cessez-le-feu et d’empêcher de passer à la deuxième phase »,
a expliqué Qassem à Mondoweiss.
« Ceci viole manifestement l’accord, qui prévoit trois phases interconnectées. C’est inacceptable. »
Qassem a réaffirmé l’engagement du Hamas envers l’accord original, qui déboucherait sur la fin permanente de la guerre et sur le retrait complet d’Israël de Gaza.
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Tareq S. Hajjaj, de Gaza, a étudié la littérature anglaise à l’Université Al-Azhar de Gaza. Il a entamé sa carrière de journaliste comme rédacteur et traducteur en 2015 pour le journal local Donia al-Watan. Il est aujourd’hui correspondant à Gaza de Mondoweiss et est membre de l’Union des Écrivains palestiniens. Il a publié nombre d’articles dans Elbadi, Middle East Eye et Al Monitor. On peut le suivre sur X/Twitter à @Tareqshajjaj.
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Publié le 5 mars 2025 sur Mondoweiss
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine