Israël bloque les passages vers Gaza : Le secteur de la santé est voué à une mort certaine

À Gaza, le mois du Ramadan a commencé, mais les Palestiniens se préparent à une pénurie de vivres et de marchandises diverses pire encore après qu’Israël a ordonné la fermeture des passages le 2 mars, en totale violation des termes du cessez-le-feu et du droit international.

6 mars 2025. Parmi les décombres de Jabaliya, les Palestiniens de Gaza tentent de faire des réserves suite à la fermeture par Israël de tous les passages vers l'enclave, empêchant ainsi les livraisons de vivres, de marchandises et d'aide humanitaire.

6 mars 2025. Parmi les décombres de Jabaliya, les Palestiniens de Gaza tentent de faire des réserves suite à la fermeture par Israël de tous les passages vers l’enclave, empêchant ainsi les livraisons de vivres, de marchandises et d’aide humanitaire. (Photo : Omar Ashtawy / APA images)


Nora Barrows-Friedman
, 7 mars 2025

Cet ordre d’Israël de fermer les passages a été perçu par la société civile palestinienne comme un acte de sabotage de l’accord de cessez-le-feu puisqu’on était supposé passer au deuxième stade sur les trois qui avaient été prévus en janvier.

Le Premier ministre israélien et suspect de crimes de guerre Benjamin Netanyahou a menacé le Hamas de « conséquences » plus graves encore s’il n’acceptait pas de prolonger la première phase de l’accord de cessez-le-feu et de relâcher les derniers captifs israéliens détenus à Gaza.

Le parti politique du Hamas a répondu que la démarche du gouvernement israélien consistant à fermer les passages et à bloquer complètement l’aide humanitaire était une « forme d’extorsion à bas prix, un crime de guerre et une attaque manifeste » contre le cessez-le-feu.

Le ministère palestinien des Affaires étrangères [de Gaza] a déclaré qu’il rejetait

« la politisation de l’aide par Israël et son utilisation comme un moyen de chantage, approfondissant ainsi les souffrances des plus de deux millions de Palestiniens et ajoutant à leur actuelle situation de souffrance en raison de la guerre génocidaire et du déplacement ».

Euro-Med Human Rights Monitor a fait remarquer que, la semaine dernière, de hauts responsables israéliens avaient fait en public des déclarations génocidaires non voilées.

Le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich, a dit qu’Israël devait ouvrir « les portes de l’enfer » et que bloquer l’entrée de l’aide humanitaire à Gaza constituait « une étape importante dans la bonne direction », ajoutant peu après qu’Israël devait

« ouvrir ces mêmes portes aussi rapidement et de façon aussi meurtrière que possible sur l’ennemi cruel, jusqu’à la victoire absolue ».

Le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar, a rejeté les mises en garde des Nations unies et des institutions internationales concernant le risque d’une nouvelle famine dans la bande de Gaza suite au durcissement du blocus et à la mise à l’arrêt de l’aide humanitaire. Saar a expliqué qu’il considérait ces mises en garde comme « ni plus ni moins qu’un mensonge » et il a affirmé que le gouvernement n’était nullement tenu de livrer de l’aide humanitaire, a déclaré Euro-Med.

Almog Cohen, un membre du parlement israélien, la Knesset, a invité instamment à tuer les Palestiniens de Gaza « sans pitié » au cours du Ramadan, en ajoutant que c’était

« la meilleure époque pour les tuer parce qu’ils étaient faibles et fatigués ».

Les magasins d’alimentation sont presque vides

Le 5 mars, en reportage depuis un marché de Khan Younis, Tareq Abu Azzoum, d’Al Jazeera, a déclaré :

« Les prix ont monté en flèche en raison de la pénurie potentielle des produits et au vu de l’importante consommation des gens qui se sont mis à stocker de la nourriture en prévision d’une nouvelle famine qui va frapper le territoire aussi longtemps que la décision israélienne restera en place ».

Le Programme alimentaire mondial des Nations unies a déclaré qu’il ne disposait de réserves alimentaires suffisantes que pour garder les cantines publiques et les boulangeries ouvertes pendant moins de deux semaines, tant que les passages resteront fermés.

Le bureau gouvernemental des médias de Gaza a expliqué le 4 mars que la poursuite de l’interdiction d’entrée des vivres, médicaments et fournitures de base

« signifiait un nouveau retour du spectre de la famine ».

La situation de la santé elle aussi va continuer d’empirer, a ajouté le bureau des médias,

« en empêchant l’entrée de médicaments et de fournitures médicales, ce qui signifie un arrêt de mort pour des milliers de patients chroniques et de blessés à cause du manque de soins de santé, et un arrêt de mort pour le système des soins de santé qui s’est déjà effondré en raison de son sabotage intentionnel et de sa destruction depuis 15 mois par l’armée israélienne ».

Outre l’interdiction d’entrée de l’aide et des médicaments, Israël a continué de refuser l’entrée d’engins mécaniques lourds, de tentes et de caravanes habitables alors que la chose avait été convenu selon les termes du cessez-le-feu.

S’adressant à l’agence turque Anadolu Agency, Salama Maarouf, du bureau gouvernemental des médias, a déclaré que Gaza avait besoin de 200 000 tentes, mais qu’une moitié seulement de ce chiffre avait été livrée avant les fermetures.

Seuls 15 mobile-homes sont entrés à Gaza, alors qu’il en faut 60 000 pour loger les familles déplacées.

Les responsables du secteur palestinien de la santé ainsi que des organisations internationales humanitaires à Gaza préviennent que si les fermetures restent appliquées et que si le cessez-le-feu ne tient pas, il y aura des conséquences dévastatrices pour les Palestiniens en lutte pour leur survie.

Le Comité international de secours dit qu’il a rassemblé près de sept tonnes de fournitures pharmaceutiques et médicales absolument nécessaires pour les hôpitaux de Gaza et que le tout était censé arriver cette semaine. Malheureusement, la livraison a été bloquée par Israël.

L’organisation d’aide Islamic Relief (Secours islamique) a averti que

« un retour aux horreurs et atrocités incessantes auxquelles nous avons assisté pendant plus de 15 mois constituerait un échec mondial aux proportions stupéfiantes ».

L’organisation britannique Medical Aid for Palestinians a déclaré :

« Il y a un an, la Cour internationale de Justice a ordonné des mesures en vue d’empêcher le génocide à Gaza mais, en bloquant de nouveau l’aide, Israël continue de les violer. Son retour au ‘siège total’ devrait être résolument condamné par la communauté internationale, y compris le gouvernement britannique, qui doit dès maintenant entreprendre des actions afin de garantir que l’accès à l’aide soit restauré et que le droit international soit respecté. »

Mohammed Alkhatib, le directeur adjoint des programmes de l’organisation pour Gaza, a déclaré :

« C’est une continuation de la parodie d’humanité et des deux poids et deux mesures appliqués à la population civile de la bande de Gaza, et le monde est toujours là à regarder. »

Pénurie d’eau potable

L’eau potable reste en état de pénurie critique dans tout Gaza.

Cette semaine, la municipalité de Deir al-Balah, dans le centre de Gaza, a annoncé que ses deux sites de désalinisation avaient cessé de fonctionner en raison du manque d’électricité.

Mercredi, la journaliste et enquêteuse Maha Husseini, d’Euro-Med Human Rights Monitor, a rapporté depuis la clinique de dialyse de l’hôpital Al-Shifa, que

« toutes les machines se sont soudainement arrêtées par manque d’eau. Les machines ont été mises à l’arrêt pour toute la journée et les patients ont été renvoyés chez eux en attendant que les réservoirs d’eau soient remplis de nouveau ».

« Israël a détruit quelque 90 pour 100 des puits d’eau de Gaza et 80 pour 100 des infrastructures de l’eau, faisant de l’accès à l’eau un combat quotidien tant pour les individus que pour les hôpitaux »,

a-t-elle ajouté.

Un enfant palestinien arrêté

Du côté de la Cisjordanie occupée, notre contributrice Zena Al Tahhan a couvert l’offensive militaire israélienne contre le camp de réfugiés d’al-Faraa, dans le nord, offensive menée dans le cadre d’une large série d’attaques qui ont débuté à la mi-janvier dans les zones de Jénine, Naplouse et Tulkarem.

Zena écrit que, depuis le début de l’opération, au moins 60 Palestiniens ont été tués et des dizaines d’autres blessés dans tout le nord de la Cisjordanie. Quelque 40 000 Palestiniens ont été forcés de quitter leurs foyers du fait que les camps de réfugiés de Jénine, Tulkarem et Nur Shams ont été presque complètement vidés.

La présente offensive israélienne est la plus longue depuis plus de deux décennies en Cisjordanie occupée et c’est également la plus vaste opération de déplacement forcé depuis 1967.

L’organisation palestinienne des droits humains Al-Haq a déclaré que toute la ville de Jénine avait été

« complètement bouclée, toutes les entrées et sorties avaient été bloquées au 43e jour (c’est-à-dire le 4 mars) de l’offensive militaire israélienne à grande échelle ».

Entre-temps, Defense for Children International – Palestine rapporte que deux semaines après que les forces israéliennes ont arrêté et incarcéré un enfant de 14 ans dans sa maison à Beit Fajjar, au sud de Bethléem, lors d’un raid d’avant l’aube, une ordonnance de détention administrative de quatre mois a été décrétée contre lui cette semaine.

Israël bloque les passages vers Gaza. Photo : le jeune garçon Muin Ghassan Fahed Salahat, arrêté par l'occupation


Muin Ghassan Fahed Salahat
, un écolier de neuvième année, est le plus jeune Palestiniens placé sous ordonnance d’arrestation administrative depuis que DCI-P s’est mis à contrôler les arrestations administratives d’enfants en 2008.

« L’arrestation administrative viole les droits fondamentaux à un procès équitable. N’empêche que les forces israéliennes étendent désormais cette politique draconienne à l’enfermement sans limite définie d’enfants palestiniens, et ce, sans accusation ni procès »,

a déclaré Ayed Abu Eqtaish, directeur du programme de responsabilisation de DCI-P.

« Le cas de Muin crée un dangereux précédent et montre qu’aucun enfant palestinien, quel que soit son âge, n’est à l’abri d’un emprisonnement arbitraire, sous le pouvoir militaire israélien. »

À la date du 31 décembre 2024, les forces israéliennes gardaient 112 enfants palestiniens en détention administrative. C’était le nombre le plus élevé depuis que le DCI-P a commencé à contrôler cette pratique en 2008.

Mise en exergue de la résilience

Enfin, selon notre habitude, nous avons voulu partager des images de personnes exprimant leur détermination et leur résilience un peu partout en Palestine.

En Cisjordanie occupée, Mohammed al-Malh, qui a été en prison pendant 29 ans et a été récemment libéré lors d’un échange de prisonniers, a enfin pu retrouver sa famille et rompre le jeûne avec elle le premier jour du Ramadan.

Il dit :

« Malgré toutes les tragédies et circonstances que nous avons connues jour après jour, nous avons toujours la capacité de trouver des moments de joie et cette réunion est l’un de ces moments. »

Un parent plus âgé dit que ce Ramadan est spécial parce que leur héros est de retour.

Israël bloque les passages vers Gaza. Photo : la résilience du peuple palestinien

Et, à Gaza, parmi les décombres de Rafah, des tables ont été alignées aussi loin que porte le regard dans l’attente d’un repas d’iftar.

Israël bloque les passages vers Gaza. Photo : La résilience du peuple palestinien, préparation de l'iftar à Gaza.

Le texte ci-dessus provient de la synthèse de l’actualité proposée au cours du livestream du 6 mars 2025. Visionnez la totalité de l’épisode ICI.

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Publié le 7 mars 2025 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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