Hussein al-Sheikh : Le pion d’Israël à Ramallah

Ancien colonel de la très brutale agence « sécuritaire » de l’AP, Hussein al-Sheikh est aujourd’hui largement perçu comme héritier apparent du régime en plein effritement de Mahmoud Abbas, aujourd’hui âgé de 89 ans.

 

Hussein al-Sheikh (à droite) sert la main à l'occupation israélienne.

 

Asa Winstanley, 7 mai 2025

 

Le mois dernier, l’Autorité palestinienne, autrement dit l’entité collaborationniste d’Israël en Cisjordanie, a désigné un vice-président pour la première fois.

Ancien colonel de la très brutale agence « sécuritaire » de l’AP, Hussein al-Sheikh est aujourd’hui largement perçu comme héritier apparent du régime en plein effritement de Mahmoud Abbas, aujourd’hui âgé de 89 ans.

Le statut d’élu d’Abbas en tant que président de l’AP a expiré il y a plus de 16 ans et, depuis lors, il a maintes fois annulé des élections – dont les sondages indiquent qu’il les perdrait au profit du Hamas.

Israël et ses appuis aux EU et en Europe ont longtemps craint que, sans successeur évident, le décès d’Abbas n’entraîne l’effondrement de l’AP.

Dans une conversation privée, en 2023, Benjamin Netanyahou avait dit explicitement :

« Nous avons besoin de l’Autorité palestinienne (…) Nous ne pouvons nous permettre qu’elle s’effondre. »

Le Premier ministre israélien expliquait que partout où l’AP opère avec succès dans une zone, elle y fait notre boulot pour nous ».

Dans une présentation surtout sympathique d’al-Sheikh dans Foreign Policy en 2023, l’engagement du nouveau « vice-président » à aider Israël à poursuivre son occupation de la terre palestinienne est on ne peut plus clair.

Faisant allusion à la capitale de fait de l’AP en Cisjordanie, un important espion israélien s’adressant à la publication américaine avait défini explicitement le rôle d’al-Sheikh :

« Il est notre homme à Ramallah. »

L’agent des renseignements resté anonyme a pris sa retraite mais il est toujours actif en tant que réserviste.

Abbas a longtemps été un collaborateur ouvert de la collaboration avec l’occupation israélienne. Il a un jour décrit de manière notoire la « coopération sécuritaire » des forces armées de l’AP avec les troupes d’occupation israéliennes comme un principe « sacré ».

Cela fait longtemps que les planificateurs américains voient en al-Sheikh leur successeur préféré à Abbas. Ou, comme l’a dit expliqué récemment le journal libanais de gauche, Al-Akhbar :

« La montée d’al-Sheikh n’est pas qu’un remaniement de postes, mais une démarche calculée par certaines forces arabes et occidentales extérieures afin de concevoir un processus de succession taillé à l’aune de leurs intérêts. »

La présentation de Foreign Policy n’était qu’une pièce montée visant apparemment à booster l’image d’al-Sheikh aux yeux des lecteurs de la publication – surtout des planificateurs impérialistes et leurs larbins. Elle contient également des détails de son histoire et de son caractère.

Avant sa désignation en tant que « vice-président » non élu, al-Sheikh était déjà le « principal intermédiaire de l’AP avec Israël en Cisjordanie occupée », expliquait la publication.

« Il parle couramment l’hébreu, porte des costumes savamment taillés et prône ardemment la coopération, et non l’affrontement avec Israël »,

s’extasiait Foreign Policy.

« L’officiel sportif et globe-trotter à la Rolex travaille désormais en coulisse pour empêcher l’effondrement de l’AP. »

 

La bourgeoisie compradore

L’article débutait par une description de la façon dont, en février 2022, al-Sheikh

« était entré dans une salle de conférence fortifiée de l’imposant siège du ministère israélien de la Défense à Tel-Aviv ».

Il expliquait comment

« peu de Palestiniens entrent dans le saint des saints de l’armée israélienne mais, comme le rappelait al-Sheikh, il y a été accueilli par les hauts gradés de l’armée et par la direction de l’appareil secret du renseignement qu’est le Shin Bet ».

Les journalistes de Foreign Policy admettent que la plupart des Palestiniens de Cisjordanie considèrent que l’Autorité palestinienne n’existe que « pour faire le sale boulot de l’occupation israélienne » et que, « pour beaucoup, al-Sheikh est précisément l’homme qui fait ce sale boulot ».

L’article poursuit :

« Il est le visage de l’élite de l’AP, qui fait l’expérience de ce qu’un ancien responsable officiel palestinien avait appelé une ‘occupation de VIP’. Les hauts responsables palestiniens sont autorisés à franchir les barrages routiers israéliens et ils engrangent de gros salaires. »

Faisant allusion au monarque brutal qui avait dirigé l’Iran jusqu’à la révolution islamique de 1979, un haut fonctionnaire travaillant pour l’administration du président américain Joe Biden avait admis devant les journalistes de Foreign Policy

« qu’al-Sheikh est à peu près aussi populaire aux yeux du peuple palestinien que ne l’était le shah ».

Al-Sheikh est un véritable représentant de la classe compradore palestinienne – cette riche minorité d’hommes d’affaires palestiniens qui tirent profit des liens économiques étroits avec Israël et de son occupation de la Cisjordanie, au détriment de tous les autres.

 

La corruption

Sa famille étendue, les Tarifi, expliquait Foreign Policy,

« avait un passé de liens étroits avec les Israéliens. Un de ses proches, Jamil, un homme d’affaires prospère et propriétaire de carrières, avait profité de ses relations avec des responsables israéliens pour obtenir des permis et privilèges pour des Palestiniens qu’il connaissait ».

Les journalistes expliquaient :

« En un sens, al-Sheikh a hérité l’entreprise familiale : assurer la liaison entre les autorités [d’occupation] israéliennes et les Palestiniens. »

L’article explique également comment al-Sheikh se sert de ces liens au profit de son propre enrichissement personnel, dans un système de corruption bien établi, qui semble encouragé activement par les Israéliens. Dans un sondage de 2022,

« près d’un quart des Palestiniens admettaient avoir payé un pot-de-vin ou proposé un cadeau, ou reconnaissaient qu’un de leurs proches l’avait fait, en échange de l’obtention de l’un ou l’autre service public ».

Le bureau d’al-Sheikh est responsable de la collaboration avec les Israéliens dans l’octroi de permis VIP qui permettent à des fonctionnaires palestiniens de haut rang

« de franchir les check-points normalement réservés aux Israéliens. Les hommes d’affaires aisés peuvent demander une ‘carte d’homme d’affaires‘ (ou BMC, pour ‘businessman card’), un passe qui permet d’entrer quasiment sans entrave en Israël et d’accéder à son aéroport international près de Tel-Aviv ».

Ces cartes sont souvent octroyées d’une manière effrontément corrompue :

« Quand des commerçants approchent des fonctionnaires du ministère d’al-Sheikh dans l’espoir d’obtenir une BMC, il est possible qu’on leur demande l’une ou l’autre faveur ou quelques liquidités. »

Al-Sheikh a également été accusé – de façon crédible – de harcèlement sexuel d’une employée. Une plainte officielle du mari de cette employée (qui, selon Foreign Policy, est influent au sein du Fatah, le parti politique d’Abbas et d’al-Sheikh), a abouti à un versement de 100 000 USD en échange du silence.

Cette corruption qui règne parmi les collaborateurs palestiniens d’Israël constitue un important levier contre la possibilité pour eux de se retourner contre leurs maîtres de Tel-Aviv.

 

La violence

Les agressions de l’AP à l’encontre de la résistance palestinienne à l’occupation israélienne sont généralement violentes de nature et ciblent à la fois les critiques politiques ou médiatiques palestiniens – comme Nizar Banat, notoirement battu à mort par des hommes de main de l’AP en 2021 – ainsi que les combattants de la résistance.

Très récemment, entre décembre et janvier, des troupes de l’AP ont travaillé en étroite collaboration avec les forces d’occupation israéliennes dans le nord de la Cisjordanie en attaquant des combattants de la résistance palestinienne cantonnés dans le camp de réfugiés de Jénine.

L’offensive de l’occupation israélienne, toujours en cours, contre Jénine et les zones proches qui a suivi en janvier s’est traduite par des dizaines de tués palestiniens. Près de 40 000 personnes ont été déplacées de chez elles.

En mars, les journalistes de The Electronic Intifada à Jénine ont rapporté que les forces de l’AP travaillaient en étroite collaboration avec les forces de l’occupation israélienne et avaient pris possession du dernier étage de l’hôpital public de la ville et qu’elles avaient ouvert le feu depuis cette position au sein de l’hôpital même.

L’officialisation d’al-Sheikh en tant que successeur d’Abbas assure un long futur à l’AP pour qu’elle remplisse le rôle pour lequel elle a été créée : la liquidation de la résistance palestinienne sous toutes ses formes.

 

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Publié le 7 mai 2025 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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Vidéo EI : Joseph Massad, à propos de l’histoire de l’Autorité palestinienne et autres collabos…

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