Chrétiens pour Israël construit dans les territoires occupés avec le soutien de la N-VA

La section belge de Chrétiens pour Israël a financé la construction d’une maison dans une colonie israélienne, maison censée servir d’espace de détente pour militaires. De la sorte, l’organisation stimule l’occupation de la Cisjordanie, qui est contraire au droit international.

 

Des grues de construction surplombent la zone industrielle de la colonie de Barkan, près de Salfit en Cisjordanie, le 8 février 2019.

Des grues de construction surplombent la zone industrielle de la colonie de Barkan, près de Salfit en Cisjordanie, le 8 février 2019. Photo : Anne Paq, ActiveStills

 

Frank Olbrechts, 19 mai 2025

 

Depuis des années, le député N-VA Michael Freilich entretient des relations avec des organisations chrétiennes sionistes et qualifie leurs activités de « bénies de Dieu ».

« Apprendre à mieux se connaître. Mais c’est surtout visiter des projets que soutient le club d’affaires. »

Pour Aktueel, le mensuel de la section néerlandaise de Chrétiens pour Israël, voilà les raisons pour lesquelles, depuis octobre 2022, 35 entrepreneurs de Bouwen met Israël (Bâtir avec Israël) se sont rendus dans ce pays.

Bâtir avec Israël est le club d’affaires de Chrétiens pour Israël, une organisation d’évangélistes chrétiens qui, sur l’autorité des textes bibliques, croient dur comme fer en la fondation de l’État d’Israël et au « retour » des juifs vers leur terre promise, retour qui marquera la venue du Messie chrétien en même temps qu’une ère de paix mondiale.

L’un des projets visités par les hommes d’affaires au cours de leur voyage était la création d’un « espace de détente pour soldats » à Barkan. Aktueel Israël écrit qu’il a été financé par Chrétiens pour Israël – Belgique. Sur une photo du mensuel, on voit, parmi les Belges et Hollandais qui fêtent l’événement, leur président David Vandeputte, censé d’après le reportage inaugurer les festivités.

Barkan n’est pas situé sur le territoire d’Israël, mais est une colonie qui se trouve en Cisjordanie occupée par Israël en 1967. Depuis 1980, quelque 2 000 colons s’y sont emparés des terres de Qarawat et de Sarta, deux communautés villageoises palestiniennes.

 

Violations des droits humains

Soutenir la colonisation par des investissements est contraire à une décision prise l’an dernier par le Cour internationale de Justice. Israël et les autres pays ont le devoir juridique de mettre un terme immédiatement à l’occupation. Récemment, avec le soutien de la Belgique, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a adopté une résolution qui exhorte ces États à « prendre les mesures adéquates contre les violations des droits de l’homme par les entreprises ». La résolution n’est pas encore juridiquement exécutoire.

De même, le service public fédéral des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et de la Collaboration au développement souligne que, selon l’Union européenne et ses États membres, les colonies israéliennes

« sont illégales aux yeux du droit international, constituent une entrave à la paix et risquent de compromettre pour de bon une solution à deux États du conflit israélo-palestinien ».

Pour cette raison, le SFP insiste sur les « risques » liés à des activités économiques et financières dans les colonies. D’ici peu, les violations du droit international risquent encore plus d’entrer dans une spirale infernale du fait que, le 11 mai, le gouvernement israélien a approuvé des projets de grande envergure en vue d’annexer la Cisjordanie.

Les journalistes hollandais de la plate-forme Investico ont visité Barkan dans le cadre d’une enquête largement conçue sur le soutien à « l’occupation biblique ». D’après l’enquête, des dons particuliers internationaux (des Pays-Bas, mais également de la Belgique) contribuent à rendre possible les premières phases de la colonisation de la Cisjordanie.

 

Des drones pour les colons

Le bâtiment construit avec de l’argent belge est une sorte de cabane en rondins. À l’extérieur flotte un drapeau israélien. La maison propose aux patrouilles de l’armée qui assurent l’occupation israélienne l’occasion de se reposer un peu après leur service.

De l’enquête d‘Investico (en collaboration avec BOOS, Het Nederlands Dagblad et De Groene Amsterdammer), il s’avère qu’en 2023, Bâtir avec Israël a collecté près d’un demi-million d’euros. Grâce à des dons perçus cette même année, la fondation a atteint un volume de plus de 13 millions d’euros. Avec cet argent, Chrétiens pour Israël  finance le journal des membres Aktueel et il organise des voyages en Israël et dans les territoires occupés.

À Revava, une autre colonie située en Cisjordanie, Chrétiens pour Israël, assisté par Christian Friends Of Israeli Communities (Amis chrétiens des communautés israéliennes) et Kenneth Copeland Ministries (Missions Kenneth Copeland d’enseignement de la foi), a financé tout une série d’habitations en préfabriqué pour au moins dix familles. Les entreprises chrétiennes étudiées par Investico ont ensuite apporté de l’argent elles aussi pour l’achat de caméras de surveillance et de drones pour les colons.

D’après Chrétiens pour Israël, malgré ce que prétend le droit international, le territoire de la rive gauche (la Cisjordanie, donc) de la Jordanie appartient bel et bien aux Juifs (israéliens), parce qu’ils ont des prétentions bibliques à ce sujet. C’est ce qu’explique l’organisation dans une prose publiée en 2016 sur son site internet et intitulée Pourquoi la Judée et la Samarie appartiennent à Israël. La Judée et la Samarie sont les noms bibliques du territoire de la Cisjordanie qu’Israël a occupé illégalement lors de la guerre des Six-Jours, en 1967.

Les colonies illégales

Chrétiens pour Israël encourage activement les juifs à « retourner » en Israël. Ces juifs sont en partie logés dans les colonies illégales, comme à Revava. C’est en faveur de cet idéal que le président David Vandeputte de la section belge de Chrétiens pour Israël s’engage depuis le début des années 1990. Il s’est alors rendu en Ukraine en tant que volontaire avec son frère Benjamin Vandeputte dans le cadre du projet Exodus, qui faisait partie de la campagne « Ramenez les juifs chez eux ».

C’est également à ce projet que se consacre l’ancien chauffeur routier belge Koen Carlier depuis la seconde moitié des années 1980. Un documentaire stimulant de 2016 montre comment, en tant que missionnaire obstiné, il interpelle sans arrêt les Juifs ukrainiens. Inlassablement, il essaie de les décider à partir définitivement pour la terre promise.

« Jésus ne pourra revenir comme messie que s’il ne reste plus aucun juif dans la dispersion (la diaspora, FO) »,

explique-t-il. Carlier est toujours membre de CPI en tant que prospecteur en faveur de l’aliyah. Aliyah est le mot hébreu pour émigration (ou, littéralement, « montée ») vers la Terre promise.

Le groupe tend au fondamentalisme et cela ressort très bien du fait qu’il prend à la lettre les citations de la Bible. Un écriteau placé dans la « maison de repos » sponsorisée par les sionistes chrétiens belges à Barkan cite Isaïe, 62:1 :

« À cause de Sion je ne me tairai pas. À cause de Jérusalem, je n’aurai de cesse que sa justice paraisse comme l’aurore, et son salut, comme un flambeau qui s’allume. »

 

La seule patrie

Dans ses interviews, Vandeputte ne laisse planer aucun doute sur la question : Israël, y compris les territoires occupés, est la seule patrie des juifs. Les prophéties bibliques le confirment. Quant à nos questions sur les activités et les croyances de son organisation, il refuse de les aborder.
Envers ses propres frères croyants, il s’exprime toujours avec ambition. Il entend conscientiser les chrétiens en Belgique des « agissements de Dieu dans le monde ». À un autre moment, il dit qu’entre-temps, il y a déjà quelques milliers de familles qui, en Flandre, lisent Israël Aktueel.

Sa conviction, il la doit, selon lui, à Dieu, qui a semé en son cœur l’amour du peuple juif.

« Nous sommes redevables de beaucoup de choses aux juifs, ils ont d’ailleurs enfanté Jésus et c’est d’eux que nous avons reçu la Bible, la parole de Dieu »,

dit-il dans le mensuel de CPI.

Divers experts, dont l’ancienne théologienne hollandaise de la patrie, Janneke Stegeman, estiment que les chrétiens sionistes évangéliques instrumentalisent les juifs dans le cadre de leur propre attente de la fin des temps. Quoi qu’il en soit, ils trouvent grâce auprès des activistes juifs pro-israéliens et des hommes politiques comme le député N-VA Michael Freilich.

 

Glorification de la guerre à Gaza

En 2013 et 2014, alors qu’il était encore rédacteur en chef de Joods Actueel, Freilich avait dispensé un programme de cours intitulé « Israël source d’inspiration » à l’usage des membres de Chrétiens pour Israël. Fin 2024, en sa qualité d’homme politique nationaliste flamand, il avait également chanté en long et en large les louanges de CPI lors d’une interview réalisée par Israël Aktueel.

« J’ai un regard très positif sur CPI. Cela réchauffe le cœur de voir comment les membres de l’organisation nous assistent coup après coup, même durant les périodes difficiles. Nous apprécions leur soutien, qui fait une grande différence pour nous. Le fait de savoir que nous ne sommes pas seuls dans cette lutte est extraordinairement rassurant. Je crois que votre travail sera certainement béni par Dieu. »

L’une des activités où les activistes pro-israéliens chrétiens et juifs font la fête ensemble n’est autre que le festival annuel Shalom subsidié par la Ville d’Anvers. On y retrouve généralement sur l’estrade Freilich et son collègue de la N-VA André Gantman, mais aussi l’ambassadrice d’Israël. Fin octobre 2024, Freilich y faisait encore un discours triomphaliste sur la stratégie militaire d’Israël dans la guerre contre Gaza.

En 2023 est également apparue sur scène l’échevine N-VA de l’époque, Annick De Ridder (actuellement ministre flamande de la Mobilité, des Travaux publics, des Ports du Sport) et ce, dans le sillage de l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.

 

Les responsabilité politique

Le demandeur de subsides du festival est Koinonia, une autre association de chrétiens évangéliques qui, en compagnie de Chrétiens pour Israël, fait partie de la Coalition belge pour Israël. L’an dernier, Marc Cogan y a pris la parole. Cogen est un partisan de la ligne dure qui est administrateur de l’organisation de lobbying pro-israélienne Hart voor Israël (Un cœur pour Israël), laquelle catalogue comme antisémite toute forme de critique à l’égard d’Israël.

En 2024, Sam Van Rooy, du Vlaams Belang, qui lance régulièrement ses foudres contre le fondamentalisme islamique, était parmi les personnes présentes au festival Shalom. En compagnie de Cogen et du rabbin Aaron Malinsky, il avait dansé dans une ronde sur la musique du groupe de Paul « Boogie Boy » Ambach.

Le fait que des organisations et figures politiques flamandes contribuent à un projet qui déborde des frontières du droit international soulève des questions sur leur responsabilité politique. Remarquables aussi sont les parallèles avec les récents développements politiques aux États-Unis.

Déjà lors du premier mandat du président Donald Trump, l’ancien vice-président Mike Pence était déjà une forte voix pro-israélienne. Le directeur de propagande de Trump à l’époque, Steve Bannon, qui, en février 2024, avait fait le salut hitlérien lors d’une conférence de la Conservative Political Action Conference (CPAC), s’était lui-même targué d’être un sioniste chrétien pendant un congrès de l’Organisation sioniste d’Amérique. Et le nouvel ambassadeur des États-Unis en Israël, Mike Huckabee, un évangéliste lui aussi, a déclaré que son soutien à Israël n’était pas seulement géopolitique, mais aussi d’inspiration divine.

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Publié le 19 mai 2025 sur Apache.
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

Vous trouverez des photos de « l’espace de détente pour militaires en Cisjordanie. » ( © Romy van der Burgh),  sur Apache.

 

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