La sonde spatiale fonce vers Vénus avec l’aide d’un profiteur du génocide

Le rapport de Francesca Albanese ne laisse planer aucun doute : Elbit, la première entreprise d’armement israélienne, participe directement au génocide.

 

L’Agence spatiale européenne (ESA) travaille en relation étroite avec une filiale d’Elbit Systems, le géant israélien de l’armement. (Photo : ESA)

David Cronin    10 juillet 2025   The Electronic Intifada

 

Certains se font un tas d’argent, avec l’oblitération de Gaza.

Les fabricants d’armes Elbit Systems et Israel Aerospace Industries figurent en bonne place dans un nouveau rapport sur l’« économie du génocide », lequel a été compilé par Francesca Albanese, la rapporteuse spéciale de l’ONU sur les droits humains dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, avant l’annonce, cette semaine, que les EU allaient la sanctionner.

Le rapport d’Albanese insiste sur le fait que le génocide en cours s’est avéré une « entreprise rentable », pour ces firmes.

Elles ont bénéficié massivement de l’augmentation de 65 pour 100 des dépenses militaires israéliennes entre 2023 et 2024. Avec 46,5 milliards de USD, le budget de la guerre a situé Israël parmi les pays aux dépenses militaires les plus fortes par habitant au monde, fait remarquer Albanese.

Son rapport ne laisse planer aucun doute : Elbit, la première entreprise d’armement israélienne, participe directement au génocide. Elbit a « coopéré étroitement » aux opérations militaires, insiste Albanese, « en intégrant des membres clés de son personnel » au ministère de la Défense et, en 2024, s’est même vu décerner le Prix israélien de la Défense.

Du fait qu’Elbit contribue au génocide – le pire des crimes – l’entreprise et ses ailes internationales devraient être ostracisées.

L’Agence spatiale européenne (ESA) fait partie des organismes qui ont continué de traiter avec le réseau commercial d’Elbit au cours du génocide.

Le mois dernier encore, OIP – une filiale d’Elbit installée en Belgique – s’est vantée d’avoir été choisie par l’agence pour développer un « spectromètre dispersif infrarouge thermique à haute résolution ». Les utilisations potentielles de cette « technologie nouvelle » incluent « l’identification de cibles » et le contrôle de la qualité de l’air, a déclaré OIP.

En mai, OIP a partagé ce qu’elle a appelé des « toutes dernières nouvelles excitantes ». L’entreprise faisait la promotion de la façon dont l’ESA l’avait choisie pour développer un spectromètre destiné à une « mission vers Vénus ».

Avant de mettre le cap sur Vénus, OIP visait le soleil. En décembre dernier, la firme s’est vantée de ce qu’on lui avait « confié » de contribuer à de « très importants composants » d’un projet de l’ESA, lequel implique d’envoyer deux engins spatiaux afin d’observer la couronne solaire.

L’ESA, dont le siège est à Paris, est un organisme financé par des fonds publics. Cela signifie qu’une filiale d’Elbit, un géant israélien de l’armement, tire profit d’activités financées par les contribuables mais sans le consentement de ces derniers.

Bien que l’ESA ne soit pas une institution européenne, elle a un partenariat avec l’UE concernant Copernic, un programme de satellites d’« observation de la Terre ». Un peu plus tôt cette année, l’entreprise OIP a crié sur tous les toits qu’elle avait signé un contrat avec Thales, en France, afin de fournir un « imageur cloud » à Copernic.

 

Peu bavarde

OIP est très évasive à propos de ses connexions israéliennes.

L’annonce de la mission vers Vénus disait que son objectif était de comprendre comment cette planète « avait évolué si différemment de la Terre et était devenue si inhabitable ». Il n’était fait aucune mention de la façon dont la maison mère d’OIP, Elbit Systems, avait joué un rôle énorme pour faire en sorte que Gaza soit tout aussi inhabitable.

Pendant quelque temps, OIP a fait la promotion de ses produits en les qualifiant de « made in Belgium ». Quand Elbit et d’autres fabricants d’armes israéliens ont été interdits d’exposer le mois dernier au Paris Air Show, la filiale d’Elbit, OIP, a pu contourner cette interdiction en se présentant comme une entreprise belge.

La sensibilisation au fait qu’OPI appartient à Elbit a néanmoins augmenté considérablement. Un média flamand a même catalogué OIP d’« entreprise la plus décriée de Belgique » en raison de cette relation.

Après que son principal site a subi un blocus dans les premiers stades du génocide, OIP a entamé des procédures contre les activistes en raison de prétendus dommages financiers.

Le procès n’a pas empêché de nouvelles manifestations. Un autre site OIP a été bloqué par de nombreux activistes au cours des dernières semaines.

Malgré les tentatives de la firme en vue de se distancier d’Israël, elle a manifestement employé des gens qui ont également travaillé pour sa maison mère, Elbit.

Marc Allegaert, un ancien directeur d’OIP, est aujourd’hui installé aux Pays-Bas en tant que conseiller financier d’Elbit, à en juger par son profil LinkedIn.

L’ingénieur en software Wim Coelus spécifie dans son bref CV qu’il a été responsable du « transfert de savoir » entre Elbit et OIP (où il a travaillé pendant cinq ans).

Gilad Weitman a quitté son poste de vice-président d’Elbit pour une fonction à peu près similaire à OIP en Belgique. Ici, il a « dirigé et exécuté de nouveaux programmes de développement commercial ainsi que la pénétration de nouveaux marchés », s’il faut en croire sa page LinkedIn.

Rachetée par Elbit en 2003, OIP a été la première filiale en Europe de la firme israélienne. Comme le fait remarquer Weitman, OIP a joué un rôle déterminant dans l’expansion d’Elbit.

Aujourd’hui, Elbit est le premier exportateur d’armes d’Israël et l’Europe compte pour 27 pour 100 dans son revenu total.

La firme se porte bien, sans toutefois se reposer sur ses lauriers.

Le dernier rapport annuel d’Elbit fait remarquer que les actions de boycott se sont multipliées depuis le début de l’opération « Swords of Iron War » (Épées de la guerre du fer) – le nom de code du génocide de Gaza. « « Des lois, des mesures ou des pratiques restrictives dirigées contre Israël ou contre les entreprises israéliennes ou une décision de réduire le commerce avec les entreprises israéliennes pourraient avoir un effet matériel contraire pour nos entreprises, notre réputation, notre situation financière, les résultats de nos opérations et notre trésorerie », dit le rapport.

L’anxiété à propos des dommages à la réputation d’Elbit devrait être contextualisée.

Si l’entreprise a été à même d’alimenter un tel génocide sans avoir à subir ces dommages, c’est parce que ses clients et collaborateurs ont continué de traiter avec elle. Des Palestiniens sont massacrés et mutilés à l’aide des armes d’Elbit et ces gens s’en fichent complètement.

 

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David Cronin est un journaliste et activiste vivant à Bruxelles. Il est l’auteur de l’ouvrage Europe-Israël : une alliance contre nature (Pluto, 2011). Son livre le plus récent s’intitule How Big Business Sets Policies on Food, Climate and War (Pluton, 2013).

Son blog  sur The Electronic Intifada

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Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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