Les enfants assument le poids des attaques israéliennes qui ciblent les maisons de Gaza

Fikr Shalltoot, le directeur de l’ONG britannique “Medical aid for Palestinians” à Gaza, a expliqué : « Nous sommes anéantis d’apprendre qu’une fois de plus, des enfants palestiniens ont subi le poids des attaques israéliennes contre les bâtiments résidentiels ici à Gaza. » Shalltoot a ajouté que « partout où les bombes se mettent à tomber, il n’y a pas d’endroit sûr pour les enfants ou pour n’importe laquelle des deux millions de personnes qui sont piégées ici par le blocus ».

 

Les enfants assument le poids des attaques israéliennes qui ciblent les maisons de Gaza. 9 mai. Des gens en deuil assistent aux funérailles des Palestiniens tués lors des frappes aériennes israéliennes contre la mosquée al-Omari à Gaza.

9 mai. Des gens en deuil assistent aux funérailles des Palestiniens tués lors des frappes aériennes israéliennes contre la mosquée al-Omari à Gaza. (Photo : Atia Darwish / APA images)

 

Maureen Clare Murphy et Ali Abunimah, 9 mai 2023

Mardi, en soirée, Israël a repris ses bombardements contre la bande de Gaza assiégée, tuant deux personnes près de Khan Younis.

Israël prétend que les hommes tués dans le sud de Gaza étaient des membres du Djihad islamique et qu’ils transportaient des missiles vers un site de lancement.

Ces morts portent à 15 le nombre de Palestiniens tués dans le territoire depuis qu’Israël a lancé son attaque surprise contre Gaza avant l’aube, mardi, tuant ainsi trois dirigeants du Djihad islamique ainsi que des membres de leurs familles et d’autres civils dans leurs domiciles.

 

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Les frappes aériennes ont débuté à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, ciblant une maison appartenant au dirigeant du Djihad islamique Jihad Ghanam. Ghanam et son épouse Wafa, tous deux âgés de 61 ans, ont été tués, alors que Hashim Ghanam, 30 ans et fils de Jihad, a été blessé et se trouve dans un état critique.

Tariq Izzedine, qui était impliqué dans les activités du Djihad islamique en Cisjordanie, où il est né et d’où il a été transféré de force vers Gaza, a été tué en compagnie de ses deux enfants, Ali, 8 ans, et Mayar, 12 ans, quand Israël a frappé leur immeuble résidentiel de plusieurs étages dans le centre de Gaza même.

 

Un organe d’information palestinien a publié une vidéo montrant Bahia al-Diyar, l’épouse d’Izzedine, se lamentant sur les corps de ses enfants, et accompagnée d’une prise de vue où on la voit envoyer sa fille à l’école :

https://twitter.com/ShehabAgency/status/1655917754531078145?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1655917754531078145%7Ctwgr%5Ee201ad3319e02f343289dc5e7c4bab800f9c364a%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Felectronicintifada.net%2Fcontent%2Fchildren-bear-brunt-israel-targets-gaza-homes%2F37711

 

Jamal Khaswan, un ressortissant russe qui a présidé le conseil d’administration de l’hôpital al-Wafaa, a été tué au cours de la même frappe que la famille Izeedine, ainsi que sa femme Mervat et son fils Youssef, 19 ans, quand le plafond de leur appartement s’est effondré sur eux pendant leur sommeil. La famille vivait juste au-dessus de la famille Izzedine, a déclaré l’organisation des droits humains Al Mezan.

 

Jamal Khaswan « était un dentiste bien connu parce qu’il proposait des soins gratuits aux familles démunies », a rapporté Reuters. Son fils Youssef, mort lui aussi, étudiait la médecine.

Les quatre autres enfants de Khaswan ont survécu avec des blessures moins graves, a déclaré son frère aîné à l’agence d’information.

 

Toujours à Gaza, des avions de combat israéliens fournis par les EU ont frappé une maison de deux étages, tuant le dirigeant du Djihad islamique Khalil al-Bahtini, sa femme Laila et leur fille de 4 ans, Hajar. Leur voisine, Dania Alaa Adas, 19 ans, a été tuée aussi, ainsi que sa sœur Iman, 17 ans, qui est décédée de ses blessures un peu plus tard dans la journée.

Dania Adas était censée se marier le mois prochain, dit-on.

 

Al Mezan a déclaré que 18 personnes avaient été blessés lors des frappes israéliennes, outre celles qui avaient été tuées, et que la majorité étaient des femmes et des enfants.

L’organisation de défense des droits a ajouté que les avions de combat israéliens avaient également visé des sites militaires et des zones ouvertes à Khan Younis, Rafah et dans la partie centrale de Gaza.

Bien qu’il soit conscient des pertes civiles, le porte-parole en chef de l’armée israélienne a expliqué que « l’opération avait été menée avec professionnalisme et précision dans sa planification et son exécution ».

Un autre porte-parole de l’armée a déclaré : « Nous sommes conscients de certains dégâts collatéraux et nous en apprendrons plus au fil de la journée. »

 

Appels à la désescalade

Tor Wennesland, l’envoyé au Moyen-Orient du secrétaire général des Nations unies, a condamné les morts de civils. Il a déclaré qu’il restait

« entièrement engagé avec toutes les parties dans une tentative en vue d’éviter un conflit plus large avec des conséquences dévastatrices pour tous ».

Mais, par un tour de passe-passe verbal, Wennesland n’a pas condamné l’attaque israélienne en soi. En effet, il s’avère qu’il a conféré au bombardement de logements civils au moment où il était certain que les familles dormaient, un vernis de légitimité en qualifiant l’action d’

« opération militaire visant des membres du mouvement palestinien du Djihad islamique ».

L’Union européenne n’a pas proposé la moindre critique à l’encontre de l’attaque israélienne et n’a exprimé en lieu et place que « sa grave préoccupation quant à l’escalade à Gaza, suite aux raids aériens d’Israël en ce jour » (les italiques ont été ajoutés par les auteurs).

Bruxelles a ajouté qu’il « déplorait la perte de vies civiles, dont des enfants ».

Pendant ce temps, comme le bain de sang se poursuivait à Gaza mardi soir, les diplomates européens sont allés de l’avant avec la soirée de la « Journée de l’Europe » à Tel-Aviv, sur le site du village palestinien de Jarisha, anéanti lors d’un nettoyage ethnique.

 

L’ambassade des EU à Jérusalem a déclaré qu’elle était « consciente » des rapports disant que 10 civils étaient morts tragiquement dans les frappes aériennes contre Gaza et elle a appelé « toutes les parties à apaiser la situation afin de protéger les non-belligérants et empêcher toutes nouvelles pertes de vies civiles ».

L’ambassade a ajouté que « l’engagement des EU dans la sécurité israélienne restait scellé dans la béton ».

Plusieurs heures avant que ne soit lancée la campagne de bombardement israélienne, Eli Cohen, le ministre israélien des Affaires étrangères, s’est entretenu avec son homologue américain Antony Blinken. Durant l’échange téléphonique, le secrétaire d’État américain a fait sciemment « remarquer l’importance des récentes rencontres d’Aqaba et de Sharm El Sheikh visant à réduire les tensions », a fait savoir un porte-parole.

D’autres ont pris le timing des bombardements pour vouloir dire le contraire de ce que prétend le département d’État – qu’au lieu d’encourager la désescalade, il a donné à Israël le feu vert pour viser les dirigeants de la résistance palestinienne à Gaza, et ce, malgré la politique bien connue de Tel-Aviv consistant à tuer des familles entières dans leurs foyers.

Les spécialistes des lois internationales peuvent très bien considérer que les trois dirigeants du Djihad islamique assassinés par Israël étaient eux aussi des civils protégés par les lois humanitaires internationales et que leurs morts peuvent être assimilées à des exécutions extrajudiciaires.

 

En tout cas, tant le principe de la distinction que celui de la proportionnalité font de ce ciblage par surprise et sans provocation par Israël des dirigeants dormant chez eux avec leurs familles un cas on ne peut plus transparent de crime de guerre.

Les rapports des médias israéliens ont suggéré que l’attaque surprise avait été planifiée très longtemps à l’avance. Le quotidien de Tel-Aviv, Haaretz, a rapporté qu’un important ministre israélien lui avait expliqué que

« le Premier ministre Benjamin Netanyahou avait révélé quelques mois plus tôt qu’il avait décidé de reprendre la politique des assassinats ciblés ».

Alors qu’il ne fait pas de doute qu’Israël échafaude toujours de tels plans d’intervention, le timing spécifique de l’attaque de mardi contre les trois personnalités du Djihad islamique et leurs familles est bizarre, même au vu du comportement fréquemment irrationnel de Tel-Aviv.

Comme le fait remarquer Anshel Pfeffer, de Haaretz,

« personne en Israël ne prétend qu’ils étaient des ‘bombes à retardement’ sur le point de déclencher une autre attaque imminente ».

Généralement, dans des circonstances similaires, fait remarquer Pfeffer, Netanyahou a toujours évité de choisir ce genre d’exécution extrajudiciaire, même présentée avec option par ses commandants militaires et ceux des renseignements.

Un accord de cessez-le-feu rapide a mis rapidement fin aux échanges de tir entre les forces israéliennes et les combattants de la résistance à Gaza, évitant soigneusement, de la sorte, une escalade plus large particulièrement crainte, après le décès de l’activiste du Djihad islamique, Khader Adnan, dans une prison israélienne suite à une très longue grève de la faim.

La raison pour laquelle Israël essaierait de provoquer une telle escalade si rapidement peut avoir trait à sa politique intérieure. La prise de décision par Netanyahou, dans ce cas, affirme Pfeffer,

« doit être perçue au vu de la situation politique dans laquelle il se trouve ».

Le ministre d’ultra-extrême droite de la sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, a suspendu la participation de son parti Force juive au gouvernement afin de protester contre ce qu’il a perçu comme des mesures insuffisamment sévères contre les Palestiniens.

Suite au bain de sang à Gaza, très tôt ce mardi, Ben-Gvir a été heureux de rentrer au bercail – évitant ainsi un nouveau jour de crise dans la coalition de Netanyahou.

Le parti Force juive a annoncé qu’il reprendrait sa participation

« suite à l’acceptation de notre position et à la transition entre la retenue et l’attaque dans les assassinats ciblés des importantes personnalités du Djihad islamique ».

Ben-Gvir lui-même a qualifié le massacre des familles endormies de « beau début », ajoutant : « Il est temps que nous changions notre politique concernant Gaza. »

Les autorités israéliennes ont ouvert des abris anti-bombes mardi en anticipation des représailles de la part de la résistance palestinienne.

Cette décision indique que les dirigeants israéliens non seulement méprisent les vies palestiniennes, mais sont préparés à jouer avec celles de leurs propres citoyens quand cela sert leurs étroits intérêts politiques.

 

Fermeture des check-points de Gaza

Pendant ce temps, Israël a fermé les check-points au nord de Gaza, où il contrôle le mouvement des marchandises et des personnes, empêchant les Palestiniens d’accéder à des traitements absolument vitaux en Israël et en Cisjordanie.

Al Mezan a déclaré mardi que les services élémentaires, telles l’eau et l’électricité à Gaza étaient déjà entravés par le siège israélien, imposé voici près de 16 ans.

Deux jours avant la toute dernière campagne de bombardement contre Gaza, le Programme alimentaire mondial a annoncé qu’il suspendrait son aide alimentaire à plus de 200 000 Palestiniens au début du mois prochain, en raison de « sévères pénuries de fonds ».

Reuters a rapporté que

« les familles les plus impactées se trouvent à Gaza, où l’insécurité alimentaire et la pauvreté sont les plus élevées, ainsi qu’en Cisjordanie ».

Al Mezan a ajouté que près de la moitié de tous les médicaments à Gaza ne sont plus en stock, et cela vaut pour bon nombre de médicaments destinés aux cancéreux.

La fermeture du seul carrefour commercial de Gaza empêche l’entrée des médicaments ainsi que du carburant nécessaire pour faire fonctionner la centrale électrique qui alimente le territoire.

Ashraf al-Qedra, porte-parole du ministère de la santé de Gaza, a déclaré qu’Israël empêchait l’importation dans le territoire d’appareils médicaux et de matériel de diagnostic depuis 18 mois.

L’ONG britannique Medical Aid for Palestinians a déclaré qu’elle avait fait livrer d’urgence aux hôpitaux divers médicaments « prélevés sur nos stocks d’urgence prépositionnés, parce qu’ils sont essentiels pour les anesthésies ».

 

« Pas d’endroit sûr »

Fikr Shalltoot, le directeur de l’ONG à Gaza, a expliqué :

« Nous sommes anéantis d’apprendre qu’une fois de plus, des enfants palestiniens ont subi le poids des attaques israéliennes contre les bâtiments résidentiels ici à Gaza. »

Shalltoot a ajouté que

« partout où les bombes se mettent à tomber, il n’y a pas d’endroit sûr pour les enfants ou pour n’importe laquelle des deux millions de personnes qui sont piégées ici par le blocus ».

Ayed Abu Eqtaish, un directeur de programme de Defense for Children International – Palestine, a déclaré que

« habituellement, les forces israéliennes se servent d’armes dans des zones civiles densément peuplées avec un mépris complet pour leurs effets indiscriminés ».

« Il n’y a pas d’endroit sûr, dans la bande de Gaza, pour les enfants palestiniens et leurs familles et ils assument de plus en plus le poids des offensives militaires répétées d’Israël », a-t-il ajouté.

Le Centre palestinien pour les droits humains, dont le siège est à Gaza, a mis en garder contre le fait que

“la situation dans le territoire était au bord de l’explosion en raison des conditions socioéconomiques et humanitaires particulièrement sévères »

résultant du siège israélien et de l’indifférence affichée par ce qu’on appelle la communauté internationale ».

L’organisation de défense des droits a invité Karim Khan, le procureur principal de la Cour pénale internationale,

« à hâter son enquête sur la situation en Palestine et à entreprendre des actions immédiates contre les auteurs de crimes de guerre ».

La prédécesseuse de Khan, Fatou Bensouda, avait ouvert une enquête sur les crimes de guerre en Cisjordanie et à Gaza en 2021, après un examen préliminaire particulièrement tiré en longueur. Il s’avère que cette enquête a été mise en veilleuse par Khan qui, au contraire de Bensouda, n’a pas fait de déclarations dissuadant Israël de commettre d’autres crimes de guerre encore.

« La sélectivité et la politique des deux poids et mesures détruisent la finalité tout entière des lois internationales »,

a ajouté le centre palestinien pour les droits humains, appelant à intervenir immédiatement

« afin de fournir une protection aux Palestiniens, y compris en responsabilisant Israël et en lui demandant des comptes ».

L’armée, la police et les civils armés israéliens ont jusqu’à présent tué 127 Palestiniens depuis le début de cette année, affirment les calculs de The Electronic Intifada. Ce nombre comprend les Palestiniens qui sont morts de blessures subies antérieurement.

Vingt-quatre des personnes tuées étaient des enfants, estime Defense for Children International – Palestine.

Durant la même période, vingt Israéliens et ressortissants étrangers sont morts suite à des attaques palestiniennes.

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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

                                        

 

 

Ali Abunimah, cofondateur et directeur exécutif de The Electronic Intifada, est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine, paru chez Haymarket Books.

Il a aussi écrit : One Country : A Bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impasse

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Publié le 9 mai 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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