Un document interne révèle que l’UE a tenté de tenir Israël à l’abri de sanctions

Un document interne révèle que de hauts fonctionnaires de l’Union européenne ont fait des efforts considérables afin de garantir à Israël qu’ils continueraient de coopérer avec lui au cours de la guerre génocidaire contre Gaza.

 

Des manifestants réclament des actions de l'UE contre Israël.

Des manifestants réclament des actions de l’UE contre Israël. (Photo : David Cronin)

 

David Cronin, 12 août 2025

 

Malgré le fait qu’on déclare souvent qu’on ne peut outrepasser les « lignes rouges », l’UE s’est soigneusement abstenue jusqu’à présent de sanctionner l’État israélien alors qu’il massacre et affame les Palestiniens.

La détermination à sauvegarder une approche de statu quo est évidente dans un document de septembre 2024, obtenu par le biais d’une requête au nom de la liberté d’information.

Ce mois-là, de hauts fonctionnaires de Bruxelles ont eu une discussion avec Dror Bin, le responsable de l’Autorité israélienne de l’innovation. Des notes de briefing préparées en vue de la réunion célébraient le partenariat de l’UE avec Israël dans la recherche scientifique en le qualifiant d’« excellent et avantageux pour les deux parties ».

Le document montre clairement que la Commission européenne – l’exécutif de l’UE – souhaitait sauvegarder, voire même renforcer ce partenariat.

Pour l’UE, il est « extrêmement important » de travailler avec Israël du fait de sa « capacité d’innovation de tout premier ordre », dit le document. Avec 5,44 pour 100 de son produit intérieur brut, les dépenses israéliennes dans la recherche et l’innovation sont considérablement plus élevées que les 2,26 pour 100 de moyenne pour les 27 pays de l’UE.

Plutôt que de présenter des détails spécifiques concernant le génocide de Gaza, le document se contentait de faire allusion à « l’actuel conflit au Moyen-Orient ».

Les organisations de solidarité avec la Palestine ainsi que de nombreux universitaires ont demandé qu’Israël soit exclu d’Horizon Europe, le programme de recherche scientifique de l’UE. Toutefois, le document soulignait que la Commission européenne était opposée à ces appels.

Mettre un terme à la participation à ce programme « uniquement sur base de la nationalité devrait être considéré comme une résiliation abusive équivalant à de la discrimination », dit le document – comme on peut le voir ci-dessous.

L’argument mis en évidence ici trahit la partialité pro-israélienne des institutions de l’UE.

Le génocide de Gaza implique un racisme sous sa forme la plus bestiale. Benjamin Netanyahou, le Premier ministre d’Israël, l’a maintes et maintes fois présenté comme une guerre de « la civilisation contre la barbarie ». À un moment, il est allé jusqu’à invoquer la Bible pour menacer apparemment une population tout entière d’anéantissement.

Bien sue les Palestiniens soient perçus comme des « bêtes humaines » que l’on peut massacrer en masse, l’UE s’est empressée de décrire Israël – l’État qui perpètre le génocide ! – comme une victime potentielle de discrimination.

 

Une « pression immense »

La formulation de l’UE ressemble beaucoup au langage d’un appel de l’Association israélienne des recteurs d’université quelques mois plus tôt.

En juin de l’année dernière, cette association avait qualifié les appels à l’exclusion d’Israël des activités de recherche de l’UE de « traitement discriminatoire ».

Ce même mois, l’association a adressé deux appels à Iliana Ivanova, à l’époque commissaire européenne en charge de la recherche scientifique. L’une des lettres disait que « les chargés de projet de l’UE avaient été utiles en résistant aux appels à l’exclusion des participants israéliens du financement de l’UE, mais qu’ils sont soumis à une pression immense et qu’ils ont besoin de conseils ».

La « pression immense » est presque certainement une allusion à la répulsion publique massive à l’égard des horreurs qu’Israël a infligées à Gaza.

En réponse à cette pression, la Commission européenne a finalement proposé le 27 juillet de la même année qu’Israël soit « partiellement » suspendu de la coopération à la recherche.

La proposition – rejetée par l’Allemagne, le plus important allié d’Israël parmi les gouvernements de l’UE – se serait appliquée à de petites sociétés qui fabriquent de la technologie pouvant avoir des applications militaires.

Selon les réglementations actuelles, tous les projets de recherche financés par l’UE sont nominalement limités à des usages civils.

La Commission européenne a néanmoins évalué un élargissement de son programme de recherche de façon à pouvoir financer le développement d’armes.

Le document préparé pour la réunion susmentionnée entre les responsables de Bruxelles et l’Autorité israélienne de l’innovation fait remarquer que l’élargissement avait été proposé au cours d’une discussion antérieure avec des diplomates représentant le gouvernement de Netanyahou.

Au cours de cette précédente discussion – qui s’était tenue en avril 2024 –, les Israéliens avaient exprimé des préférences à propos de la façon dont il convenait de traiter la recherche européenne à possible dimension militaire et il avait été convenu qu’il y aurait des consultations ultérieures au sujet des questions périphériques.

Il n’y a qu’une seule façon possible d’interpréter cette information : L’Union européenne a réfléchi à un futur développement d’armes avec Israël, à un moment où cet État mène une guerre d’extermination.

À la suite de la nouvelle annonce par Netanyahou qu’il allait étendre la guerre à Gaza, le chancelier allemand Friedrich Merz a interdit la fourniture d’armes à Israël s’il était prévu d’utiliser ces armes à Gaza.

L’interdiction de Merz ne diminue pas la culpabilité de l’establishment politique de Berlin. Les EU et l’Allemagne étaient les deux plus gros exportateurs d’armes vers Israël, juste avant le génocide, et tous deux ont maintenu le flux d’armes depuis octobre 2023.

Il ne faudrait pas oublier non plus que, récemment, Merz a remercié Israël parce qu’il faisait « le sale boulot » de l’Occident. Alors que sa remarque était concentrée sur l’Iran, les attaques contre ce pays ne peuvent être dissociées des décennies de soumission qu’Israël a infligées aux Palestiniens.

Toute la violence d’Israël peut être considérée comme un sale boulot. Un sale boulot dans lequel l’Europe est complice depuis des décennies.

 

PDF avec le document interne en question.

 

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