Le Hamas poursuit son combat contre sa désignation comme organisation terroriste par le Royaume-Uni

Mardi, le Hamas a officiellement accusé la ministre britannique de l’Intérieur d’avoir indûment soumis son autorité au « sionisme et à l’État d’apartheid d’Israël ».

 

Le Hamas poursuit son combat contre sa désignation comme organisation terroriste. Photo : Des partisans du mouvement Hamas assistent au festival du 35e anniversaire de la fondation de l’organisation, dans la ville de Gaza, le 14 décembre 2022.

Des partisans du mouvement Hamas assistent au festival du 35e anniversaire de la fondation de l’organisation, dans la ville de Gaza, le 14 décembre 2022. (Photo : Omar Ashtawy/APA Images)

 

 

Jeremy Scahill, 19 août 2025

 

Au moment où Israël poursuit son intense campagne de bombardements de terreur dans la bande de Gaza et promet de mener la plus grande opération de nettoyage ethnique de ces 22 mois de génocide, le Hamas livre un second combat à quelque 3 500 kilomètres de là, à Londres.

Mardi, Mousa Abu Marzouk – l’un des plus anciens membres du Hamas et l’un de ses dirigeants importants – a soumis un appel à une commission du gouvernement britannique contestant la décision de la ministre de l’Intérieur de maintenir la désignation du Hamas en tant qu’« organisation terroriste interdite ».

Dans un dossier juridique de six pages, les avocats du Hamas ont prétendu que la ministre de l’Intérieur Yvette Cooper « avait agi selon une motivation inappropriée », en rejetant l’appel du Hamas, du 9 avril 2025, contre la désignation de terrorisme, et ils ont dit qu’elle n’avait pas soumis cet appel donné à un avis approprié ni n’avait engagé ses propres arguments juridiques en raison de

« son soutien au sionisme et à l’État d’aparteid d’Israël, et de sa foi en eux, et/ou de son hostilité apparentée et raciste à l’égard des Palestiniens non juifs ».

Les avocats avaient accusé Cooper d’avoir

« bridé son pouvoir discrétionnaire en subordonnant sa décision à une politique gouvernementale préalable, de longue date et inflexible de soutien au sionisme – une idéologie raciste et fasciste ».

Dans son dossier du 9 avril, le Hamas avait prétendu que le gouvernement britannique devait annuler sa désignation en tant qu’organisation terroriste interdite et reconnaître son rôle légitime en tant que mouvement de la résistance palestinienne engagé dans une lutte pour l’autodétermination et la libération. La désignation du Hamas comme terroriste est entrée en vigueur en 2021. Le gouvernement britannique avait catalogué les Brigades Qassam, l’aile armée du Hamas, d’organisation interdite en 2001, mais pas le mouvement politique dans son ensemble. Quand, en 2021, il avait officiellement ajouté le Hamas à la liste des organisations terroristes désignées, le ministère de l’Intérieur avait affirmé :

« Le gouvernement estime désormais que l’approche consistant à faire la distinction entre les diverses parties du Hamas est artificielle. Le Hamas est une organisation terroriste complexe, mais unique. »

Moins de 24 heures après que le Hamas avait introduit son appel de 106 pages, la ministre britannique de l’Intérieur était apparue sur LBC Radio et, quand on l’avait questionnée sur l’affaire, Cooper avait dit :

« Le Hamas est une organisation terroriste. C’est une attaque terroriste barbare, qui a eu lieu le 7 octobre en Israël et le Hamas est depuis longtemps une organisation terroriste, interdite au Royaume-Uni. Nous maintenons notre point de vue sur la nature barbare de cette organisation. »

C’est mardi que le Hamas a soumis son dossier à la Commission d’appel des organisations interdites et ses avocats y faisaient savoir qu’« il aurait été impossible » pour le ministère de l’Intérieur d’avoir évalué les mérites juridiques de l’affaire en moins de 24 heures et qu’en lieu et place, il avait émis un rejet politique – et non un rejet juridique. Dans le cadre du dossier original, les avocats soumettaient des rapports émanant de 26 experts en la matière et couvrant en tout 728 pages. Ils accusaient

« la décision [de Cooper] concernant la demande d’être injuste tant sur le plan de la procédure que sur celui de sa substance ».

« Nous affirmons qu’elle est partiale. Nous affirmons qu’elle avait fermé son esprit à la décision avait même d’avoir eu l’occasion de lire correctement la demande sur laquelle on lui demandait de trancher »,

a déclaré Franck Magennis, l’un des deux avocats représentant le Hamas, dans une interview réalisée par Drop Site.

« Elle a le pouvoir discrétionnaire de décider de cette demande. Et ce pouvoir discrétionnaire a été entièrement soumis à une politique préalable, très profondément intégrée, de soutien à un État d’apartheid. »

Le 5 juillet, le gouvernement britannique désignait également comme organisation terroriste le collectif d’action directe Palestine Action. Tout au long du génocide de Gaza, ce mouvement non violent s’est engagé dans une série de protestations ciblant directement le soutien britannique au génocide israélien à Gaza, principalement par des dommages matériels dans les entreprises, dont Elbit Systems, qui fournissent de la technologie militaire à Israël. Depuis l’entrée en vigueur de la désignation, plus de 700 personnes ont été arrêtées au Royaume-Uni pour avoir exprimé leur soutien à l’organisation – un discours qui est désormais illégal en Grande-Bretagne.

« C’est un affront aux libertés civiles. C’est une exagération, cela ne correspond pas à la compréhension du terrorisme par les gens ordinaires. Mais c’est très différent de ce qui se passe dans le cas du Hamas. Le Hamas a gagné les seules élections à Gaza de ces deux dernières décennies, et le gouvernement britannique n’aime pas cela »,

a déclaré Magennis.

« Il a puni le peuple palestinien d’avoir voté pour ce qu’il appelle le mauvais parti. Et cette logique – le logique disant que le peuple de Palestine est en quelque sorte coupable d’avoir voté pour les gens qu’il ne fallait pas – constitue la logique fondatrice de ce génocide. Et voici donc le point central : la décision du gouvernement britannique d’interdire le Hamas fait partie de la logique profonde de ce génocide. »

Le 8 juillet, le ministère de l’Intérieur rejetait officiellement la contestation de la désignation terroriste émise par le Hamas en avril.

« L’interdiction du Hamas soutient l’application de la loi dans l’approche des activités nuisibles au Royaume-Uni ; elle souligne le soutien par le Royaume-Uni de la non-violence en Palestine et dans la région, et elle renforce l’engagement du Royaume-Uni à combattre le terrorisme à l’étranger »,

affirmait le ministère de l’Intérieur dans sa décision d’une page et demie.

« Maintenir l’interdiction du Hamas est nécessaire et proportionné en vue de protéger la sécurité nationale du Royaume-Uni et de soutenir le combat mondial contre le terrorisme. »

Les avocats du Hamas ont rejeté cette caractérisation et déclaré que l’organisation

« ne posait aucune menace contre la sécurité nationale du Royaume-Uni. En fait, il n’a jamais mené la moindre opération en dehors de la Palestine historique, et encore moins dans l’un ou l’autre territoire du Royaume-Uni. »

Ils ont déclaré que les affirmations du ministère de l’Intérieur disant que le Royaume-Uni défend la non-violence en Palestine et dans la région

« sont perverses, ce qui rend la décision perverse elle-même. C’est de façon persistante et permanente que le Royaume-Uni a utilisé et défendu le recours à la violence en Palestine et dans la région. »

Magennis a déclaré que la position du gouvernement du Royaume-Uni était que les Palestiniens n’ont pas de droit fondamental à résister à l’occupation et au génocide, puisque ce droit est exclu par la désignation terroriste du Hamas.

« Qui se soucie de ce que pense le gouvernement britannique sur la façon de résister au colonialisme ? Qui se soucie de ce que pense le gouvernement britannique à propos de ceux pour qui le peuple palestinien devrait voter ? Cela ne le regarde pas »,

a-t-il dit.

« Le peuple palestinien vote pour qui bon lui semble. Et le gouvernement britannique n’a pas à faire la leçon à qui que ce soit : ‘Oh ! Vous avez voté pour le Hamas ? Ils sont trop violents !’ On dirait une mauvaise blague. »

« C’est le gouvernement britannique qui a mené une guerre illégale en Irak et qui a détruit un pays tout entier »,

a ajouté Magennis.

« Et il va et vient en faisant la leçon à des organisations, comme le Hamas, qui résistent à un génocide dans lequel le gouvernement britannique participe activement dans le cadre d’un projet sioniste qui n’existe qu’en raison de la politique du gouvernement britannique. Le gouvernement britannique pense-t-il être en position de faire la leçon au peuple palestinien et au mouvement islamique de résistance, sur ces questions de violence, de légitimité et de démocratie ? C’est écœurant. C’est grotesque. »

Dans leur dossier d’avril, les avocats ont affirmé :

« Le Hamas est la seule force militaire réelle qui résiste – et qui cherche à y mettre fin et à les empêcher – aux actes de génocide en cours et autres crimes contre l’humanité commis par l’État sioniste contre les Palestiniens à Gaza. La poursuite de son interdiction entrave intentionnellement – et en tout cas pratiquement – les efforts du peuple palestinien en vue d’utiliser la force militaire pour faire cesser et empêcher ces actes de génocide en cours. »

Magennis a déclaré que, si le Hamas n’existait pas, une autre organisation palestinienne se serait constituée à Gaza pour diriger la lutte armée contre les décennies de siège et de guerre d’annihilation de la part d’Israël.

« C’est le sort d’un mouvement de libération nationale que vous vous attendriez à voir surgir dans tout contexte où des gens s’entendent explicitement dire qu’ils sont des bêtes humaines – et de la mauvaise race – qui ont été confrontées à un projet de nettoyage ethnique explicite depuis plus d’un siècle ».

Les avocats qui défendent le Hamas ont affirmé dans le dossier de mardi que « l’idéologie qui anime le régime d’apartheid [d’Israël] (…) n’est pas digne de respect dans une société démocratique ». Les avocats ont également prétendu que les lois britanniques de désignation terroriste sont si larges qu’elles équivalent à une criminalisation de la parole protégée et que, de plus, elles fournissent des bases afin de catégoriser bon nombre d’armées nationales, y compris l’armée britannique, en tant qu’organisations terroristes.

« Le Hamas ne nie pas que ses actions s’inscrivent dans la définition large du « terrorisme » telle que reprise dans la Loi de 2000 sur le terrorisme »,

ont-ils écrit.

« Au lieu de cela, il remarque que la définition couvre aussi tous les groupes et organisations dans le monde qui recourent à la violence pour concrétiser des objectifs politiques, dont les forces armées israéliennes, l’armée ukrainienne et, bien sûr, les forces armées britanniques. »

 

Appel du Hamas

Le dossier avec l’appel du Hamas en vue d’être retiré de la liste des organisations interdites au Royaume-Uni.

L’appel du Hamas, a déclaré Magennis, va maintenant passer en audience devant la Commission d’appel des organisations interdites.

« Le Hamas va avoir sa journée au tribunal. Il aura une possibilité de prétendre que la décision prise par Yvette Cooper de rejeter sa demande est illégale »,

a-t-il dit. Si la Commission rejette l’appel du Hamas, l’affaire pourrait finalement se frayer un chemin vers la Cour suprême et, ensuite, vers la Cour européenne des droits de l’homme.

« Je pense que le gouvernement britannique traverse une crise de légitimité, parce qu’il participe activement à un autre génocide encore »,

a déclaré Magennis.

« Le soutien à cet État d’apartheid a toujours été douteux sur le plan de la loi et de la moralité. Mais après [maintenant] 22 mois de génocide, auquel le gouvernement britannique participe activement, le soutien permanent du gouvernement britannique à cette politique du sionisme est absolument indéfendable. »

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Publié le 19 août sur Drop Site News
Traduction : Jean-Marie Flémal,  Charleroi pour la Palestine

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