Reconnaissance de la Palestine : Une hypocrisie contre les Palestinien.ne.s

Reconnaitre la Palestine dans le cadre de « solution à deux États » ce n’est pas une reconnaissance la Palestine : mais une reconnaissance de la légitimité du projet colonial israélien.

 

« Reconnaissance de la Palestine » , une hypocrisie contre les Palestinien·nes

 

Une analyse de l’accord gouvernemental belge du 3 septembre 2025

 

Dans la nuit du mercredi 3 septembre, alors que Gaza compte toujours ses morts et que les familles palestiniennes pleurent leurs disparu·es, que le peuple palestinien continue de résister face à la colonisation et au génocide …  le gouvernement fédéral belge s’est enfermé dans ses bureaux feutrés pour accoucher d’un « accord sur le conflit israélo-palestinien »  , pour utiliser ses termes.

Le ministre des Affaires étrangères Maxime Prévot sortait de cette réunion en comité restreint avec un communiqué aux allures de victoire diplomatique. Pourtant, derrière les grands mots et les annonces tonitruantes, se cache un compromis de façade, sans effet, hypocrite et en réalité à l’encontre des intérêts fondamentaux du peuple palestinien.

« L’essence de la soi-disant « solution à deux États » n’est rien d’autre que la légitimation de l’entité sioniste, la consécration de la défaite et la consolidation d’une entité coloniale raciste sur 90 % du territoire palestinien, et non pas seulement sur les 78 % couramment cités. En contrepartie, elle propose une entité palestinienne faible, fragmentée et fonctionnelle, confinée aux quelques îlots assiégés qui subsistent en Cisjordanie et à Gaza, dont la présence ne dépassera pas 10 % du territoire, sans aucune garantie quant au droit au retour, au démantèlement des colonies ou à la libération des prisonniers. Il ne s’agit pas d’un projet de solution juste, mais d’un projet de liquidation. Il vise à dépouiller le peuple palestinien de l’essence même de sa cause : la libération et le retour. »

a déclaré début août 2025, Khaled Barakat, écrivain palestinien et membre du comité exécutif de Masar Badil*, au sujet de la reconnaissance de la Palestine par une vague de pays.

Le retour sur le devant de la scène politique internationale, en plein génocide, de la « solution à deux États », prônée par des États alliés d’Israël, doit être compris comme une tentative de « liquidation » politique de la cause de libération palestinienne. Cette reconnaissance et la conférence de New York, s’inscrit dans la continuation des accords d’Oslo. Ces accords ont mené à la fragmentation de la résistance en Palestine, à la création de l’Autorité Palestinienne corrompue qui constitue un outil de domination pour l’État colonial israélien et l’impérialisme occidental. Les accords d’Oslo, et aujourd’hui la future conférence onusienne de New York, sont des processus de normalisation avec Israël, qui légitiment son projet colonial de peuplement en Palestine.

Ces derniers visent à faire de la Palestine

« Un « État » sans territoire, sans armes, sans résistance, sans pouvoir décisionnel, sans souveraineté, qui accepte la tutelle occidentale et saoudienne, n’est rien d’autre qu’un appendice sécuritaire du système sioniste. Il n’a rien à voir avec les aspirations de notre peuple à la libération et à la souveraineté. Il est encore plus grotesque que le tristement célèbre projet d’« autonomie » limitée. »

comme l’explique Khaled Barakat.

Reconnaitre la Palestine dans le cadre de « solution à deux États » ce n’est pas reconnaitre la Palestine : mais reconnaitre la légitimité du projet colonial israélien.

 

Analyse des « mesures » 

L’analyse des mesures annoncées révèle l’ampleur de cette mascarade. L’interdiction d’importation des produits des territoires occupés, présentée comme une sanction historique, concerne selon les chiffres de l’Agence belge du commerce extérieur à peine 2,2 millions d’euros sur les 1,43 milliard d’euros de marchandises importées annuellement d’Israël. Cette somme dérisoire représente moins de 0,2% du commerce total entre la Belgique et l’État colonial, une proportion si faible qu’elle en devient obscène face à l’ampleur des crimes commis.

Pendant que David Clarinval, vice-Premier ministre MR, se félicite de montrer que « ce qui se passe dans les colonies est inacceptable« , l’économie israélienne peut dormir sur ses deux oreilles. Les secteurs stratégiques, technologie, armement, finance, continuent de prospérer grâce aux partenariats belges, et les 1,4 milliard d’euros restants couleront à flots comme si de rien n’était. La Belgique se contente de suivre timidement l’Irlande et la Slovénie dans cette voie, se targuant d’être le « troisième pays européen » à agir. Mais où sont les sanctions économiques massives qui pourraient peser sur l’économie de l’occupant ? Cela n’a rien d’un boycott, même partiel. Cette mesure n’est qu’un pansement sur une jambe de bois, une façon de se donner bonne conscience à très peu de frais.

Les sanctions contre les ministres israéliens Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich relèvent du même registre théâtral. Ces individus d’extrême droite, artisans de la politique coloniale la plus agressive, ne venaient déjà pas en Belgique et continueront leurs exactions en toute impunité depuis leurs bureaux climatisés de Jérusalem.

Particulièrement révélatrice est la formulation concernant les « colons violents » en Cisjordanie, comme s’il pouvait exister des colons non-violents. Cette distinction sémantique trahit un aveuglement volontaire, de ce qu’est la colonisation.
Premièrement, l’entièreté des Israélien.nes vivant sur le territoire de la Palestine historique de 1948, participent au processus de colonisation. Il n’y a donc pas lieu de se référencer aux Israélien.nes qui colonisent la Cisjordanie, comme étant les seul.es colons en Palestine.

Secondement, au sujet de la violence des colons : Chaque colon qui s’installe sur en Palestine participe à un acte de violence structurelle. Chaque maison construite, participe au nettoyage ethnique. Chaque famille de colon qui cultive un champ volé perpétue la colonisation.
Il n’y a pas de « bons » colons face aux « méchants » colons : il n’y a que des participants à un projet colonial impérialiste, que nos états soutiennent par intérêt économique, politique et militaire.

« Nul ne colonise innocemment » , soulignait Aimé Césaire, dans Discours sur le colonialisme.

Le sommet de l’hypocrisie réside dans cette prétendue « reconnaissance » de la Palestine que nos dirigeants brandissent comme un geste politique fort et courageux. Comme cité ci-dessus, cette reconnaissance est la continuation des accords d’Oslo, soit une légitimation du projet colonial israélien.
Elle est, de plus, conditionnée à la libération de tous les otages israéliens encore détenus à Gaza, à l’éviction complète du Hamas de la gouvernance palestinienne ainsi qu’au désarmement de la résistance palestinienne. Conditions qui constituent une offensive politique frontale et évidente contre le peuple palestinien.

Derrière leurs airs de grands sauveurs, les États occidentaux appellent au démantèlement d’organisations politiques et élues – pour le  Hamas à Gaza par exemple – et de celles de résistances du peuple palestinien. Or, c’est précisément, ces organisations qui représentent le peuple palestinien et le défendent face au colonialisme et au génocide israélien. Ce sont ces organisations politiques et leurs branches armées qui mènent la lutte de libération du peuple palestinien.
Appeler à les démanteler, c’est appeler à démanteler la lutte de libération de la Palestine et laisser à la merci de son occupant le peuple palestinien.

Cette position révèle une logique coloniale profondément ancrée dans les politiques de l’occident :
Même après deux ans de génocide, on exige des Palestiniens qu’ils soient des victimes parfaites, des résistants sans armes, des opprimés exemplaires pour « mériter » le droit élémentaire à la libération. On exige d’elles et eux, qu’ils continuent à se faire tuer, et de préférence, passivement.

« Consciente du traumatisme vécu par les Israéliens en suite des attaques terroristes du Hamas du 7 octobre 2023, la Belgique ne formalisera cette reconnaissance de l’État palestinien par voie d’arrêté royal qu’une fois que le dernier otage aura été libéré et que les organisations terroristes telles que le Hamas auront été écartées de la gestion de la Palestine. » (Moyen-Orient, la souveraineté palestinienne – Accord au sein du Conseil ministériel restreint)

Aucune condition similaire n’est évidemment imposée à Israël, l’avant-post de l’impérialisme occidental au Proche-Orient, qui colonise depuis 77 ans la Palestine et commet depuis bientôt 2 ans un génocide. L’État colonial peut continuer à coloniser la Palestine, à annexer la Cisjordanie, à détruire Gaza, à emprisonner des milliers de Palestiniens sans procès, à tuer des journalistes, des travailleurs humanitaires, à tuer systématiquement des hommes, des femmes, des enfants … A mener son projet colonial de peuplement en Palestine.

Cette​ asymétrie politique est révélatrice : d’un côté, un État occupant jouit d’une impunité totale et d’un soutien concret car malgré les déclarations du gouvernement fédéral (qui en plus d’être insuffisantes​ doivent encore être traduites en actes et être appliquées), le soutien économique à Israël continu (les​ accords sont encore maintenus), celui logistique (les armes, la marchandise … continuent de transiter) et diplomatique (les politiques continuent à défendre «  le droit d’Israël ​ à​ se défendre » et à coloniser la Palestine) de l’autre, un peuple occupé sommé de remplir un cahier des charges contre ses intérêts les plus fondamentaux.

« La mise en œuvre des relations diplomatiques avec ce nouvel État palestinien, y compris l’ouverture d’une ambassade belge et la conclusion d’accords internationaux, sera réalisée à condition que les objectifs de la Déclaration de New York soient atteints, notamment la démilitarisation du Hamas et le renouvellement du gouvernement après des élections présidentielles et législatives, donnant ainsi à la Palestine une autorité renforcée et renouvelée ; toutes ces mesures visant à garantir la sécurité à la fois des populations israélienne et palestinienne. »  (Moyen-Orient, la souveraineté palestinienne – Accord au sein du Conseil ministériel restreint)

Cette reconnaissance conditionnelle permet au gouvernement belge de s’attaquer à la cause palestinienne, tout en prétendant l’aider. Elle satisfait les partisans, peu attentif.ves, d’une reconnaissance immédiate en leur donnant l’illusion d’une « victoire », tout en rassurant les opposants par ses conditions injustes et impossibles à remplir.

L’accord prévoit en outre quelques mesures ridicules : la fin de l’assistance consulaire pour les Belges résidant dans les colonies, le refus des vols militaires israéliens dans l’espace aérien belge, des poursuites contre les Belges coupables de violations du droit humanitaire. Mais ces dispositions, aussi symboliques soient-elles, ne remettent nullement en cause la structure générale des relations belgo-israéliennes. Elles permettent simplement au gouvernement de se draper de fausses symboliques tout en préservant l’essentiel des liens avec l’État occupant et en continuant à légitimer son projet colonial.

En définitive, la Belgique reste du mauvais côté de l’histoire, en continuant à légitimer et à soutenir – même d’une manière un peu gênée – un État qui colonise et commet un génocide. La Belgique se joint avec d’autres États à une nouvelle tentative de liquider la cause palestinienne. Il n’y a rien d’autre à dire de plus.

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Sources :

* Masar Badil, le Mouvement pour une voie révolutionnaire palestinienne alternative, est une organisation révolutionnaire palestinienne. Elle cherche à unir la diaspora palestinienne et à mettre en place un projet de retour mettant fin à l’occupation sioniste de la Palestine.

Khaled Barakat. (2025, 1 août). L’Arabie saoudite et la France dirigent un « génocide politique »

Khaled Barakat. (2021, 11 octobre). An Alternative Path for a Free Palestine. Palestinian Alternative Revolutionary Path Movement. 

RTBF Reconnaissance de la Palestine : le double visage paradoxal de la Belgique… et du MR

RTBF Actus. Reconnaissance sous conditions de la Palestine et sanctions à l’égard d’Israël : accord nocturne du gouvernement fédéral. 

RTBF Actus. Accord du gouvernement fédéral sur la Palestine, et après ? 

Prévot, M.  La Palestine sera reconnue par la Belgique lors de la session de l’ONU ! Et des sanctions fermes sont prises à l’égard du gouvernement israélien…

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Publié sur Bruxelles Dévie

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