Von der Leyen et Blair ont toujours l’intention de commander aux Palestiniens

La déclaration de soutien de von der Leyen à la guerre génocidaire contre Gaza a suscité une attention considérable. Mais la portée entière de ses efforts en vue de soutenir Israël reste nettement moins connue.

 

 

David Cronin, 11 décembre 2025

 

Quatre mots suffisent pour prouver que les dirigeants supposés de l’Europe ont choisi le mauvais camp.

Ces quatre mots sont : « L’Europe soutient Israël. »

Ces quatre mots devraient être indissociables à jamais d’Ursula von der Leyen. La présidente de la Commission européenne a délivré ce message alors qu’elle était en visite chez Benjamin Netanyahou, Premier ministre d’Israël, en octobre 2023.

La déclaration de soutien de von der Leyen à la guerre génocidaire contre Gaza a suscité une attention considérable. Mais la portée entière de ses efforts en vue de soutenir Israël reste nettement moins connue.

Les médias traditionnels ont négligé le fait que Tony Blair, ancien Premier ministre du Royaume-Uni, avait eu une discussion avec von der Leyen à Bruxelles le 24 octobre 2023, soit moins de deux semaines après que von der Leyen avait formellement promis le soutien de l’Europe à Israël.

La veille de la rencontre entre Blair et von der Leyen avait été une journée particulièrement sanglante pour Gaza. Plus de 300 enfants avaient été tués en une période de 24 heures.

Le nombre total d’enfants tués par Israël entre le 7 et le 24 octobre 2023 avait été de 2 360, selon les données officielles.

Ce chiffre ne comprend que les décès confirmés par les hôpitaux. On estime qu’environ 870 autres enfants ont été enterrés sous les décombres des bâtiments détruits, durant cette même période.

Le chiffre de 2 360 enfants morts devrait être placé en perspective, tout en reconnaissant qu’aucun enfant ne devrait être ramené à un numéro.

En Ukraine, quelque 560 enfants ont été tués entre février 2022 – au début de l’invasion russe – en octobre 2023.

Il a été confirmé, par conséquent, qu’Israël avait tué quatre fois plus d’enfants à Gaza en une période de deux semaines et demie que la Russie n’en avait tué en Ukraine au cours des 18 mois précédents.

On peut affirmer avec une quasi-certitude qu’Ursula von der Leyen et Tony Blair n’ont pas utilisé leur petite conversation intime du 24 octobre 2023 pour analyser la façon dont Israël s’était montré incomparablement plus violent que la Russie.

Après avoir initialement rejeté une requête introduite à ce propos au nom de la liberté d’information, les fonctionnaires européens m’ont finalement envoyé le document d’information qu’ils avaient rédigé pour von der Leyen alors qu’elle se préparait à recevoir Blair.

D’après ce texte,  la Russie mène « une guerre d’agression » contre l’Ukraine. Israël, d’autre part, est décrit comme une victime d’« attaques terroristes brutales et sans discrimination ».

Il est d’une importance fondamentale, ajoute le document,

« de rester fermement engagé en faveur de la sécurité d’Israël et de son droit à l’autodéfense ».

« Il n’y a pas de contradiction à être solidaire avec Israël et à agir pour soutenir les besoins humanitaires des Palestiniens »,

dit encore le document.

« Les pays de la région ont un rôle clé à jouer ici »,

ajoute-t-il.

« C’est pourquoi nous voulons nous engager largement avec tous les partenaires qui veulent avoir un rôle positif à jouer en empêchant la poursuite de l’escalade, y compris les autorités palestiniennes légitimes. »

Qu’est-ce qui confère à Ursula von der Leyen ou à Tony Blair le droit de décider si les autorités palestiniennes sont légitimes ou pas ?

Comme tout autre peuple, les Palestiniens devraient être libres de choisir qui les représente. Pourquoi von der Leyen et les fonctionnaires qui l’informent veulent-ils priver les Palestiniens de leur droit le plus fondamental ?

Et que signifie « légitime », en fait ?

Au vu du contexte dans lequel les conseillers de von der Leyen utilisent le terme, il s’avère que des autorités « légitimes » sont des autorités qui agissent pour le compte d’Israël et de son occupation violente.

Il est instructif de savoir que les fonctionnaires européens ont senti que, pour aborder une discussion avec Tony Blair, il était nécessaire de rédiger des points de discussion autour de la « légitimité » des autorités palestiniennes.

Blair a passé toute une décennie – de 1997 à 2007 – en tant que Premier ministre britannique à une époque où personne n’avait encore jamais entendu le terme « Brexit ». Au cours de cette décennie, la Grande-Bretagne avait occupé à deux reprises la présidence tournante de l’Union européenne.

La première de ces deux occasions se présenta en 1998, quand Blair fit la promotion d’un projet de l’UE en vue d’aider à la « coopération sécuritaire » entre Israël et la relativement nouvelle Autorité palestinienne. Le résultat du travail qui avait impliqué Blair fut qu’il fallut transmettre à Israël le signalement complet de la totalité des policiers palestiniens.

En raison de l’agenda encouragé par Blair, on a effectivement dit aux Palestiniens qu’ils devaient rester soumis à Israël.

Passons directement en 2025 : Tony Blair est toujours en train d’essayer d’imposer ses vues aux Palestiniens.

Le document d’information préparé pour von der Leyen admet que « l’héritage de Blair reste controversé » – la sous-évaluation est énorme.

Malgré son rôle déterminant dans le déclenchement de guerres illégales contre l’Irak et l’Afghanistan, Blair est devenu en quelque sorte un candidat idéal pour siéger au soi-disant Conseil de la paix pour Gaza. Du moins, c’est ce que son copain Donald Trump pensait il y a quelque temps ; il y a eu ces derniers temps de nouveaux rapports d’information indiquant toutefois que Blair pourrait être soit largué du « Conseil de la paix » soit ne plus y occuper une position centrale comme le souhaitait le président américain.

 

Business as usual

L’idée même d’Ursula von der Leyen et de Tony Blair décidant des Palestiniens pouvant être perçus comme « légitimes » montre que l’Occident a généralement conservé une approche « routinière » des choses alors qu’un génocide est perpétré.

Il y a eu une brève période au cours de laquelle il a semblé que l’UE pourrait adopter une approche sensiblement différente.

En septembre, la Commission européenne de von der Leyen a finalement proposé quelques sanctions contre Israël. C’était presque un mois après qu’une famine avait été officiellement confirmée officiellement à Gaza et, en gros, deux années après le début d’une guerre génocidaire.

Les sanctions ne sont pas entrées en vigueur. Le prétendu « cessez-le-feu » annoncé par Trump en octobre a permis à l’Union européenne de continuer à se comporter selon un cours normal des choses et ce, même si les Palestiniens se font toujours massacrer et continuent de mourir de faim.

L’approche « routinière » a signifié qu’Israël et l’Union européenne ont entrepris en fait des démarches concrètes vers l’intégration de leurs économies et ce, même dans le contexte du génocide à Gaza.

En janvier dernier, Israël avait introduit une mesure significative, bien que peu remarquée. Son énoncé est rien moins qu’accrocheur :

« Ce qui est bon pour l’Europe est bon pour Israël. »

L’effet de cette réforme commerciale – puisqu’elle a été étiquetée comme telle – est qu’une large variété de produits autorisés à la vente au sein de l’UE peuvent entrer en Israël sans avoir à subir de nouvelles inspections.

L’approche de routine est exemplifiée par le comportement de Michael Mann, l’ambassadeur de l’Union européenne à Tel-Aviv.

Récemment, Mann a participé à un événement organisé par la Fédération des Chambres israéliennes de Commerce. Par le biais d’une requête au nom de la liberté d’information, j’ai obtenu le discours prononcé par Mann lors de cet événement.

Mann y est allé de quelques observations sur le volume du commerce entre l’UE et Israël ces quelques dernières années.

« Je suis content », a-t-il dit, « que, malgré les défis géopolitiques, les relations d’affaires entre l’UE et Israël se sont mieux déroulées que prévu, même si l’on tient compte de certaines perturbations dans la marge.»

Remarquez le choix des mots par Mann.

Israël a un gouvernement d’extrême droite, qui supervise un génocide à Gaza, accélère sa colonisation violente de la Cisjordanie, menace d’exécuter des prisonniers palestiniens et rend sans cesse plus extrême le système d’apartheid qu’il applique. Ces derniers temps, Israël a attaqué le Liban, l’Iran, le Yémen, la Syrie et le Qatar.

Toute personne un tant soit peu attentive sait pertinemment bien qu’Israël commet les crimes de génocide et d’agression.

Pourtant, au lieu de dénoncer Israël pour ces crimes, Michael Mann se contente de faire allusion à des « défis géopolitiques ».

Mann a cité des données indiquant que les exportations de l’Union européenne vers Israël sont à la hausse.

Entre janvier et août 2025, la valeur de ces exportations à été de 21,4 milliards de USD. C’était près de 1,4 milliard de USD de plus que le chiffre pour la même période en 2024.

Mann a suggéré que la réforme connue sous l’étiquette « Ce qui est bon pour l’Europe est bon pour Israël » pourrait avoir contribué à cette hausse.

« La réforme est win-win »,

a-t-il dit.

« Elle est bonne pour les opérateurs économiques et consommateurs israéliens, mais aussi pour les exportateurs de l’UE, qui tirent profit de cette réforme leur permettant d’accéder au marché israélien. »

L’Union européenne est le plus gros partenaire commercial d’Israël.

En juillet, le SOMO, le Centre de recherche sur les sociétés multinationales, dont le siège est à Amsterdam, a publié une étude qui montrait que la valeur totale du commerce entre l’UE et Israël – importations et exportations – avait été approximativement de 49,5 milliards de USD en 2024. C’était quelque 12,8 milliards de USD de plus que la valeur du commerce entre Israël et les EU.

L’UE pourrait exercer de fortes pressions sur Israël. En refusant d’imposer des sanctions économiques, elle cautionne pleinement un génocide.

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Publié le 11 décembre 2025 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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