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« Nous avons besoin de l’Autorité palestinienne », affirme le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou. « Nous ne pouvons la laisser s’écrouler. »
Asa Winstanley, 4 juillet 2023
La semaine dernière, les organes de presse israéliens ont rapporté que Netanyahou avait dit à une session à huis clos d’une commission parlementaire que, partout, l’Autorité palestinienne « travaille avec succès, elle fait notre travail à notre place ».
Il s’agit d’une admission on ne peut plus crue par Israël de ce que l’Autorité palestinienne est une entité collaborationniste, dont le principal but était de contribuer à préserver l’occupation israélienne de la Cisjordanie.
Comme l’a expliqué la chaîne satellite israélienne i24 dans son rapport sur cette affirmation de Netanyahou, bien qu’il y ait presque chaque jour des actions de résistance palestinienne dans le nord de la Cisjordanie, comme à Jénine et à Naplouse, la résistance armée dans les zones comme Ramallah et Bethléem est relativement rare.
Pourquoi ?
« Partout où l’Autorité palestinienne est forte et visible », expliquait i24, « les choses sont relativement calmes. Partout où elle est faible et peu visible, la terreur [sic] surgit. »
Très fréquemment, l’Autorité palestinienne arrête, torture et emprisonne des combattants de la résistance palestinienne, des activistes, voire des journalistes, rendant ainsi le travail d’Israël bien plus facile.
En septembre dernier, un Palestinien a été tué au moment où les forces sécuritaires de l’Autorité palestinienne ont effectué un raid dans la ville de Naplouse, en Cisjordanie occupée, afin de se livrer pour le compte d’Israël à des arrestations de combattants de la résistance. Il s’en est suivi de larges protestations
De vastes pans de la Cisjordanie ont été quasiment ingouvernables pendant longtemps.
Lors de la séance de la commission, Netanyahou avait discuté de l’avenir de l’Autorité palestinienne. Le chef non élu de cette même Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, qui est massivement impopulaire auprès des Palestiniens, a aujourd’hui 87 ans et il n’a pas de successeur bien défini.
On a longtemps craint que l’Autorité palestinienne ne s’effondre, à son décès. Mais le gouvernement israélien est bien décidé à ce que cela n’arrive pas.
« Nous sommes prêts à l’aider financièrement », a dit Netanyahou à la commission. Israël « se prépare pour les jours qui viendront après Abou Mazen », aurait dit Netanyahou, faisant allusion du nom de guerre paternaliste de Mahmoud Abbas.
Depuis sa création en 1994, l’Autorité palestinienne constitue une force collaborationniste brutale.
Abbas a un jour décrit la collaboration sécuritaire avec Israël comme « sacrée ».
En 2021, il y a eu plusieurs semaines de protestations après que les nervis d’Abbas avaient battu à mort l’un de ses plus éminents détracteurs, Nizar Banat, dont les vidéos influentes sur Facebook dénonçaient souvent la collaboration.
En mai dernier, à la suite d’une fuite, The Electronic Intifada révélait des documents qui montraient l’ampleur de la pénétration des services de renseignement britanniques au sein des forces armées de l’Autorité palestinienne, y compris les « directives journalières » émanant d’un officier de l’armée britannique.
D’après le compte rendu de l’un des officiers de l’armée britannique qui supervisaient l’Autorité palestinienne, ils étaient préparés à mener des « raids dans les camps de réfugiés palestiniens », dont ils prétendaient qu’ils étaient « des refuges sans loi pour les criminels et les activistes politiques armés ».
Joseph Massad est professeur de politique arabe moderne et d’histoire intellectuelle à l’université Columbia de New York. Il est l’auteur de nombreux livres et articles universitaires et journalistiques. Parmi ses livres figurent Colonial Effects : The Making of National Identity in Jordan, Desiring Arabs, The Persistence of the Palestinian Question : Essais sur le sionisme et les Palestiniens, et plus récemment Islam in Liberalism. Citons, comme traduction en français, le livre La Persistance de la question palestinienne, La Fabrique, 2009.
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Asa Winstanley est un journaliste freelance installé à Londres et qui a vécu en Palestine occupée, où il a réalisé des reportages. Son premier ouvrage : Corporate Complicity in Israel’s Occupation (La complicité des sociétés dans l’occupation israélienn e) a été publié chez Pluto Press. Sa rubrique Palestine is Still the Issue (La Palestine constitue toujours la question) est publiée chaque mois. Son site Internet est le suivant : www.winstanleys.org
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Publié le 4juillet 2022 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine
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Retrouvez aussi cette info dans l’article Jénine se soulève : la résistance palestinienne affronte l’agression sioniste soutenue par l’impérialisme
Alors que l’assaut sioniste et la direction fasciste du régime sont soutenus par les forces impérialistes, l’Autorité palestinienne est restée soumise, publiant des déclarations de condamnation tout en ordonnant à ses forces de sécurité de se tenir à l’écart et de permettre aux forces d’occupation d’envahir et de se déchaîner contre Jénine. Les forces de l’Autorité palestinienne ont même arrêté Murad Malaysheh et Mohammed Brahmeh, chefs des Brigades Al-Qods, alors qu’ils tentaient de se rendre à Jénine pour soutenir la résistance. Malgré les affirmations de l’Autorité palestinienne selon lesquelles elle protège Malaysheh, il refuse son arrestation et a entamé une grève de la faim pour sa libération. L’AP a été créée dans le cadre des accords d’Oslo pour servir de mandataire à l’occupation et pour s’engager dans la coordination sécuritaire, et non pour représenter ou défendre le peuple palestinien – et ces moments révèlent cette réalité avec une clarté exceptionnelle.
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Extrait de l’article Le déchaînement d’Israël à Jénine ne change rien
L’espoir du ministre israélien de la défense, Galant, que l’incursion à Jénine allait donner un bon coup de pouce à l’Autorité palestinienne, qui a perdu depuis longtemps le contrôle de la ville, a certainement été réduit en pièces mercredi. Un reportage en direct d’Al Jazeera en arabe a montré des gens en deuil qui chassaient des fonctionnaires du gouvernement de Ramallah d’un vaste cortège funèbre en l’honneur des tués :
https://twitter.com/ShehabAgency/status/1676542818943225856?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1676542818943225856%7Ctwgr%5E296c263e31ced8dc88f575a3a027c3ffd60f4e08%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Felectronicintifada.net%2Fblogs%2Fmaureen-clare-murphy%2Fisraels-rampage-jenin-changes-nothing
https://twitter.com/ShehabAgency/status/1676557503843258369?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1676557503843258369%7Ctwgr%5E296c263e31ced8dc88f575a3a027c3ffd60f4e08%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Felectronicintifada.net%2Fblogs%2Fmaureen-clare-murphy%2Fisraels-rampage-jenin-changes-nothing
Plutôt que de renforcer l’Autorité palestinienne – qui a été incapable de protéger les gens à Jénine, de la même manière qu’elle a été incapable de les protéger lors des récents pogroms des colons – le raid israélien n’a fait qu’illustrer sa faiblesse et enhardir les Palestiniens à lui témoigner tout leur mépris.
Ghassan Khatib, commentateur et ancien ministre palestinien, a déclaré que « l’une des victimes de l’invasion israélienne de Jénine n’est autre que l’Autorité palestinienne, qui s’en trouve plus marginalisée encore ».
La publication en ligne Middle East Eye a rapporté mercredi que
« un sentiment palpable de colère pouvait être perçu dans les rues de Jénine (…) avec de nombreuses personnes qui croyaient que l’AP avait été négligente et incapable de protéger les Palestiniens. »