Abbas va-t-il réellement mettre un terme à la collaboration de l’AP avec Israël ?

Ali Abunimah, 20 mai 2020

Mardi, le chef de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a annoncé pour la tantième fois qu’il annulait tous les accords avec Israël, en protestation contre les plans de la puissance occupante en vue de progresser dans l’annexion de parties importantes de la Cisjordanie.

Pendant ce temps, l’Union européenne s’est courbée une fois de plus sous les pressions israéliennes.

Capture d'écran de l'intervention d'Ali Abunimah sur Al Jazeera concernant les déclarations de Mahmoud Abbas

Capture d’écran de l’intervention d’Ali Abunimah sur Al Jazeera concernant les déclarations de Mahmoud Abbas

« L’Organisation de libération de la Palestine et l’État de Palestine sont dégagés, dès aujourd’hui, de tous accords et arrangements avec les gouvernements américain et israélien »,

a déclaré Abbas lors d’un rassemblement d’officiels à Ramallah, ajoutant que ceci comprenait les accords sécuritaires.

J’ai fait savoir à Al Jazeera qu’Abbas était coutumier de ce genre de déclarations, mais qu’il n’y avait aucune raison de prendre celle-ci plus au sérieux que les précédentes.

Les armes ne seront plus pointées que sur les Palestiniens

L’Autorité palestinienne, créée après qu’Israël et l’OLP avaient signé les accords d’Oslo en 1993, existe dans un seul et unique but : agir en tant que force de police auxiliaire indigène au service d’Israël.

J’ai fait remarquer qu’Israël permet aux forces de sécurité de l’Autorité palestinienne de porter des armes, mais que ces armes ne peuvent servir que contre d’autres Palestiniens. Cette collaboration entre l’AP et Israël porte officiellement un nom : la « coordination sécuritaire ».

De façon remarquable, au moment même où Abbas y allait de son annonce, des officiels de l’AP rassuraient les médias israéliens en leur disant que pas grand-chose n’était susceptible de changer.

Haaretz a rapporté que

« les officiels palestiniens qui assistaient à la réunion ont dit que le président voulait mettre un terme à la coordonation, mais qu’il n’avait pas encore ‘fermé la porte’ ».

Selon le quotidien de Tel-Aviv, un officiel palestinien l’a informé que

« les forces de sécurité pouvaient réduire le niveau d’engagement avec leurs homologues en Israël, mais qu’il n’était pas encore possible de déterminer si la coordination allait cesser complètement ».

« Un officiel de la sécurité palestinienne a déclaré qu’en dépit des déclarations d’Abbas, chaque démarche entreprise par l’AP requérait la coordination avec Israël »,

a rapporté Haaretz. Selon la même source,

« Abbas a déclaré que l’autorité était engagée dans la lutte contre le terrorisme, telle qu’elle était définie, et que cette lutte requérait une coordination sécuritaire permanente entre les États ».

Le représentant d’Al Jazeera m’a demandé si la déclaration d’Abbas pouvait être considérée comme un vulgaire bruit de sabre. J’ai répondu : Pour faire du bruit avec un sabre, encore faut-il en avoir un.

La seule démarche sensée que pourrait entreprendre Abbas serait celle que l’AP a précisément exclue : dissoudre l’autorité et forcer Israël à endosser la totalité des responsabilités juridiques, des coûts et des conséquences de son occupation de millions de Palestiniens et de leur terre.

Voyez la vidéo ci-dessous.

 

L’UE se met à plat ventre une fois de plus devant Israël

Pendant ce temps, il s’avère que l’Union européenne a laissé tomber complètement toute menace de demander des comptes à Israël à propos de ses plans d’annexion.

Lundi, le chef de la politique étrangère du bloc des 27 nations, Josep Borrell, a sorti une déclaration accueillant favorablement la prestation de serment du nouveau gouvernement unitaire israélien.

Borrell a fait remarquer que l’UE comptait travailler avec Israël afin de

« développer nos relations dans tous les domaines, en particulier dans des questions comme le Covid-19, l’éducation, la recherche et le développement, ainsi que tout autre domaine d’intérêt mutuel ».

Mais il a également exprimé les « graves préoccupations » du bloc à propos du plan du gouvernement israélien en vie d’annexer d’importantes parties de la Cisjordanie.

« Nous pressons instamment Israël de s’abstenir de toute décision unilatérale qui aboutirait à l’annexion du moindre territoire palestinien occupé et qui serait en tant que telle contraire aux lois internationales »,

a ajouté Borrell.

Ce langage édenté, truffé de lieux communs comme « pressons instamment » et « préoccupations », ne diffère en rien des innombrables déclarations produites par l’UE au cours des décennies écoulées et qui faisaient objection à la mise en place de colonies israéliennes en Cisjordanie, dans le même temps que cette même UE récompensait Israël avec des milliards d’euros de transactions commerciales, d’apport d’aide et de vente et achat d’armes.

Une chose est absolument absente de la toute dernière déclaration de l’UE, et c’est la moindre mention des conséquences.

Rappelons qu’en février dernier, Borrell avait prévenu Israël que « si des démarches en vue d’une annexion devaient être effectuées, la chose ne se ferait pas impunément ».

Cependant, Israël a mobilisé une importante campagne diplomatique en vue de saper le discours de Morrell et enfoncer un coin entre les États de l’UE – tous en fait sont très pro-israéliens, même si c’est à des degrés légèrement différents.

L’Autriche et la Hongrie, paraît-il, on bloqué une déclaration plus virulente de l’UE mettant en garde Israël contre l’annexion.

Le ministre français des Affaires étrangères, dont le gouvernement soutient fermement Israël, a sorti sa propre déclaration ce mercredi, et recourant à ce langage plus musclé précisément abandonné par l’UE. .

Le ministre français, Jean-Yves Le Drian, a mis en garde contre le fait que l’annexion de la Cisjordanie « ne pourrait avoir lieu sans conséquences pour les relations entre l’UE et Israël ».

L’Allemagne, pendant ce temps, affirmait son plein accord avec la déclaration absolument dépourvue de mordant de Borrell :

En théorie, une politique étrangère unifiée de l’UE est censée renforcer le poids du bloc sur le plan mondial. En réalité, la position combinée tend vers le plus petit dénominateur commun et le statu quo.

Tout cela est toujours à l’avantage d’Israël.


Publié le 20 mai 2020 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal

Ali Abunimah, cofondateur de The Electronic Intifada, est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine, paru chez Haymarket Books.

Il a aussi écrit : One Country: A Bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impasse.

 

 

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