Les programmes d’échange mortels des EU avec Israël
28 mai 2020, Nasim Ahmed
Un autre homicide commis sur la personne d’un noir américain par des agents des forces de l’ordre a fait les gros titres, ces derniers jours, en particulier dans les médias sociaux. George Floyd, 46 ans, était désarmé quand un agent de police de Minneapolis a provoqué sa mort en le menottant et en le clouant au sol, un genou lui écrasant le cou.
L’agent de police blanc a ignoré les supplications de Floyd, qui ne pouvait plus respirer, et on peut les entendre clairement sur une vidéo de l’incident qui a fait le tour du monde. Suite à ce meurtre, les protestations ont fait rage dans la ville.
De telles images révoltantes de brutalités policières sont devenues l’une des caractéristiques mêmes de la société américaine.
Être tué par la police est une importance cause de décès chez les jeunes noirs en Amérique, a établi un rapport récent.
Environ 1 noir sur 1 000 (adultes et enfants) aux États-Unis – une statistique plus forte que le nombre de décès résultant du diabète – peut s’attendre à perdre la vie à la suite de brutalités policières. En d’autres termes, si vous êtes noir, le risque que vous soyez tué par un agent des forces de l’ordre est 2,5 fois plus élevé que si vous êtes blanc.
L’Amérique a un long passé de racisme factuel et institutionnel. Cela ne devrait pas surprendre dans un pays bâti sur le génocide de la population autochtone et sur l’esclavage. Pour un certain nombre de groupes et d’activistes des droits humains, il existe toutefois une inquiétude plus immédiate qui, prétendent-ils, alimente le recours à la force mortelle – souvent pour des délits mineurs, voire pas de délit du tout – par des policiers blancs contre des noirs américains : la préparation et la formation des représentants américains de la loi par les agents israéliens de la sécurité.
Selon Jewish Voice for Peace (JVP – Voix juive pour la paix), la brutalité policière du genre de celle qui s’est traduite par la mort de George Floyd est une conséquence des « meilleures pratiques » et de l’expertise dans les techniques de contre-terrorisme enseignées aux policiers américains durant leurs stages d’entraînement en Israël.
Des milliers de ces policiers venus de partout aux États-Unis ont été envoyés en Israël pour des entraînements et des milliers d’autres ont participé à des conférences et à des ateliers animés par du personnel israélien.
JVP en parle dans son rapport intitulé Deadly Exchange (Échange mortel), qui met en lumière les « conséquences très dangereuses des entraînements de la police américaine en Israël ».
Ces programmes d’échange « mortels » ont été stimulés suite aux attentats terroristes du 11 septembre.
Des dizaines d’États américains, ainsi que le FBI et la CIA, envoient désormais des recrues et de hauts fonctionnaires afin qu’ils soient formés dans l’approche paramilitaire israélienne de l’application de la loi telle que la pratiquent leurs homologues de l’agence de sécurité interne, le Shin Bet, et du ministère israélien de la Defense.
Les programmes d’échange de la police américaine avec Israël sont désormais la norme et ils ont parfois lieu aussi sous la direction d’agents israéliens envoyés en Amérique.
JVP prétend que bon nombre des mesures draconiennes adoptées par les agences américaines d’application de la loi, y compris les forces de police, ont été peaufinées par le biais de ces programmes d’échange.
Le racisme inhérent de la société israélienne, au sein de laquelle chaque Palestinien est perçu comme une menace potentielle pour les citoyens juifs d’Israël, est reproduit par le personnel blanc chargé de faire respecter les lois dans ses points de vue concernant les noirs américains, les musulmans et les autres groupes minoritaires.
Dans un tel état d’esprit, de citoyens ayant des droits civils et autres qu’ils étaient normalement, les gens faisant partie de ces groupes se muent en menaces dont les Américains blancs doivent être protégés à tout prix.
Un rapport similaire publié par Amnesty International a examiné la
« haute fréquence des violations constitutionnelles, de l’application discriminatoire des lois et de la culture des représailles »
au sein du département de la police de Baltimore. L’association des droits humains prétendait que les entraînements suivis par les agents de police en Israël étaient entre autres responsables de leur conduite répréhensible.
Le rapport a été publié à la fin d’une enquête menée en 2016 par le département américain de la Justice sur la méconduite de la police de Baltimore. Ce rapport disait qu’il avait trouvé
« des motifs raisonnables de croire que le département de police de la Ville de Baltimore (BCPD) était engagé dans un modèle ou une pratique de conduite qui violait les Premier et Quatrième Amendements de la Constitution, ainsi que les lois fédérales contre la discrimination ».
Amnesty suggérait qu’il y avait une omission manifeste dans le rapport du département américain de la Justice : le rôle d’Israël dans la formation et l’entraînement des policiers mêmes qui avaient été réprimandés dans l’enquête. L’association prétend qu‘Israël « viole les droits humains de façon chronique » et qu’il exporte ses techniques de répression et que les policiers de Baltimore, en même temps que des centaines d’autres de Floride, du New Jersey, de Pennsylvanie, de Californie, d’Arizona, du Connecticut, de New York, du Massachusetts, de la Caroline du Nord, de la Géorgie, et l’État de Washington ainsi que de Washington, DC, se rendent en Israël pour des formations et entraînements, ce qui les familiarise avec ce genre de pratiques précisément dénoncées par le département américain de la Justice.
Amnesty a invité instamment les forces de police de Baltimore et d’autres villes à chercher des partenaires capables de former et entraîner leurs agents dans des techniques et réponses appropriées de désescalade afin de traiter avec des individus non violents, et de permettre à ces derniers d’exprimer leurs opinions. « Israël n’est en aucun cas le partenaire qui convient », a insisté Amnesty.
L’État du Minnesota, où Floyd a été tué, entraîne ses policiers dans ce qu’Israël a de « mieux » à offrir sur le plan de la répression. En 2012, une centaine au moins de ses agents ont assisté à une conférence sur le contre-terrorisme en compagnie de leurs homologues israéliens. Les inquiétudes selon lesquelles les opérations d’application de la loi pourraient violer les droits civils ont apparemment été discutées durant cette conférence.
Quand on considère les émeutes qui ont secoué Minneapolis ces quelques derniers jours, il est difficile de ne pas être d’accord avec l’auteur et militant de la paix israélien Jeff Halper quand il prétend que les peuples du monde sont en train de se faire « palestiniser », dans le même temps que leurs gouvernements et appareils policiers s’« israélisent » lorsque leurs citoyens exercent leur droit démocratique à défier l’injustice.
Avec plus de 70 ans d’expérience dans la répression des millions de Palestiniens qui ont le malheur de n’être pas de la « bonne » ethnicité, Israël a développé une culture du militarisme qui est devenue un sujet d’envie aux yeux des régimes autoritaires du monde entier, y compris certains qui se prétendent des démocraties.
Le meurtre de George Floyd est le plus récent exemple, mais sans doute pas le dernier, des « meilleures pratiques d’application des lois » proposées par Israël et utilisées à des fins mortelles dans les rues de l’Amérique. Si les existences des noirs comptaient vraiment dans l’Amérique du 21e siècle, il serait mis un terme sans attendre à ces « programmes d’échange mortels » avec Israël.
Publié le 28 mai 2020 sur Middle East Monitor
Traduction : Jean-Marie Flémal
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