Ghassan Kanafi. L’histoire du monde, c’est l’histoire des faibles qui combattent contre les forts. Des faibles, dont la cause est juste, qui combattent les forts qui utilisent leur force pour exploiter les faibles.
Dans les combats qui ont eu lieu en Jordanie ces dernières semaines, votre organisation [le FPLP] représentait une part des affrontements. Qu’a t’elle accompli ?
Ghassan Kanafi. La cause pour laquelle nous combattons. Ce peuple, le peuple palestinien, préfère mourir debout que de perdre sa cause. Nous avons prouvé que le roi avait tort, nous avons réussi à prouver que cette nation combattra jusqu’à la victoire, nous avons réussi à prouver que notre peuple ne pourra jamais être vaincu, nous avons réussi à enseigner à chaque personne dans le monde que notre petite nation courageuse combattra jusqu’à la dernière goutte de son sang, qu’elle obtiendra la justice par elle-même après que le monde ait échoué à l’obtenir. Voici ce que nous avons accompli.
Il semble que la guerre civile en Jordanie ait été assez infructueuse
Ghassan Kanafi. Ce n’est pas une guerre civile. C’est le peuple qui se défend lui-même contre un gouvernement fasciste que vous défendez simplement parce que le roi Hussein de Jordanie a un passeport arabe. Ce n’est pas une guerre civile.
Ou un conflit ?
Ghassan Kanafi. Ce n’est pas un conflit. C’est un mouvement de libération qui combat pour la justice.
Bien, quoi que ça puisse être …
Ghassan Kanafi. Ce n’est pas « quoi que ce soit ». C’est là que le problème commence. Parce que c’est ce qui vous fait poser toutes vos questions. C’est exactement là où le problème commence. C’est un peuple qui est discriminé et se bat pour ses droits. C’est l’histoire. Si vous dites que c’est une guerre civile, vos questions sont justifiées. Si vous dites que c’est un conflit, bien sûr, c’est une surprise de savoir ce qui se passe.
Pourquoi votre organisation ne s’engage-t-elle pas dans des pourparlers de paix avec les Israéliens? Vous ne parlez pas de « paix ».
Ghassan Kanafi. Vous ne parlez pas de « paix ». Vous parlez de capitulation.
Pourquoi ne pas simplement parler ?
Ghassan Kanafi. Parler à qui ?
Aux dirigeants israéliens.
Dans une sorte de conversation entre l’épée et la nuque?
S’il n’y a ni épée ni fusil dans la pièce, vous pourriez parler.
Ghassan Kanafi. Non. Je n’ai jamais vu de conversation entre un colonisateur et un mouvement de libération nationale.
Mais malgré cela, pourquoi ne pas parler?
Ghassan Kanafi. Parler de quoi?
Parler de la possibilité de ne pas se battre.
Ghassan Kanafi. Pourquoi ne pas se battre ?
Pas de combats du tout. Peu importe pourquoi.
Ghassan Kanafi. Les gens se battent habituellement pour quelque chose. Et ils cessent de se battre pour quelque chose. Vous ne pouvez même pas me dire de quoi nous devons parler. Pourquoi devrions-nous parler d’arrêter le combat ?
Parler pour arrêter les combats, la mort et la misère, la destruction et la douleur.
Ghassan Kanafi. La misère, la destruction, la douleur et la mort de qui ?
Des Palestiniens. Des Israéliens. Des Arabes.
Ghassan Kanafi. Du peuple palestinien déraciné, jeté dans les camps, vivant affamé, massacré pendant vingt ans et interdit même d’utiliser le nom de « Palestiniens » ?
C’est mieux que d’être mort.
Ghassan Kanafi. Peut-être pour vous. Mais pour nous, ce n’est pas le cas. Pour nous, libérer notre pays, avoir la dignité, avoir le respect, avoir nos droits fondamentaux, c’est quelque chose d’aussi essentiel que la vie elle-même.
Vous traitez le roi Hussein de fasciste. À quels autres leaders arabes êtes-vous totalement opposé?
Ghassan Kanafi. Nous considérons deux types de gouvernements arabes. Quelque chose que nous appelons les réactionnaires, qui sont complètement liés aux impérialistes, comme le gouvernement du roi Hussein, comme le gouvernement de l’Arabie saoudite, comme le gouvernement marocain, le gouvernement tunisien. Et puis, nous avons d’autres gouvernements arabes que nous appelons les gouvernements des petites bourgeoisies militaires. Comme la Syrie, l’Irak, l’Égypte, l’Algérie, etc.
Pour terminer, revenons sur le détournement d’avion. Après réflexion, pensez-vous que c’était une erreur?
Ghassan Kanafi. Dans le contexte, ce n’était pas une erreur. C’est l’une des choses les plus correctes que nous ayons jamais faites.
Publié le 7/7/2013 sur la page FB Palestine et Révolution
Palestinien, né à Jaffa en 1936, Ghassan Kanafani entame le chemin de l’exil en 1948 à l’âge de 12 ans. Après un bref séjour au Liban, sa famille s’établit à Damas où il poursuit ses études. Exclu de l’université de Damas pour son engagement dans le mouvement des nationalistes arabes (MAN – pan-arabist Movement of Arab nationalists), fondé par Georges Habache, il s’en va pour le Koweït. Il retourne à Beyrouth en 1960 où il poursuit son travail de journaliste engagé. L’aile palestinienne du MNA devient en 1967 le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) et Ghassan Kanafani en devint le porte-parole. En 1972 Ghassan Kanafani est assassiné par les services secrets israéliens dans un attentat à la voiture piégée, en même temps que sa nièce adolescente et fait ainsi partie de la longue liste de dirigeants palestiniens éliminés par le Mossad.
Ghassan Kanafani n’a cessé de joindre l’écriture et l’action politique. Journaliste révolutionnaire le jour, romancier la nuit, il avait l’art d’exprimer la tragédie des palestiniens de la diaspora et leur désenchantement désespéré.
Il a écrit dix-huit livres, et écrit des centaines d’articles sur la culture, la politique et la lutte du peuple palestinien. Ses livres parlent essentiellement de la Palestine et de la lutte palestinienne et il évoque souvent ses propres expériences en tant que réfugiés.
Ses œuvres les plus connues sont « Des Hommes dans le Soleil » et « Retour à Haifa ».