Les limites du nationalisme palestinien dans la lutte contre l’apartheid
Le peuple palestinien a été fragmenté non seulement par Israël, mais aussi par sa propre direction corrompue. C’est à la base qu’il convient de corriger la capitulation d’Oslo.
Haidar Eid, 27 juillet 2021
Avant d’aller plus avant dans une critique de l’actuelle crise de la direction politique en Palestine, permettez-moi de dire très explicitement que l’une des réalisations les plus importantes de l’actuelle Intifada de l’Unité réside dans la montée de la visibilité régionale et internationale des Palestiniens à Gaza, en Cisjordanie et dans les territoires de 1948, à savoir la Palestine historique.
L’intégrité du peuple palestinien dérive exactement de la force de sa position vis-à-vis de l’état politique réel des choses. Dans ce contexte, il devient d’une importance cruciale de prêter l’oreille aux mises en garde critiques de l’Afrique du Sud, qui fournissent à la Palestine d’importantes leçons issues de l’expérience sud-africaine même. L’agitation actuelle et le mécontentement populaire un peu partout en Afrique du Sud constituent des avertissements pour nous tous, ici, en Palestine, de ce que des compromis peu scrupuleux à propos des droits socioéconomiques de communautés qui en ont été historiquement privées ne devraient jamais faire partie de notre agenda de libération.
En fait, à l’instar de la direction de l’ANC, la direction du mouvement national palestinien a déjà trahi ses propres principes. Nous sommes arrivés à une époque où nous pouvons affirmer qu’Israël a intellectuellement et moralement perdu la bataille. Nous, les Palestiniens, comme les Sud-Africains noirs avant nous, avons prouvé que nous étions aux tout premiers rangs du combat pour la justice universelle. Toutefois, à la fin de la deuxième décennie et du début de la troisième de ce millénaire, un esprit de dictature et de tyrannie s’est insinué dans l’âme du nationalisme palestinien tel qu’il est défini et contrôlé par la droite.
Il suffit d’examiner un bref instant ses échecs pour comprendre que le nationalisme palestinien touche à sa fin. Et je dis cela à partir d’un profond sentiment d’engagement envers la cause palestinienne, mais aussi d’un point de vue autocritique. Les réalisations du nationalisme palestinien ont été accomplies et, aujourd’hui, nous en sommes à l’hiver de son déclin, et ses promesses de libération et de retour n’ont pas du tout été tenues.
La droite palestinienne s’est arrangée pour fragmenter le cadre palestinien de l’identité collective en réduisant le peuple palestinien aux seuls Palestiniens vivant dans les territoires occupés en 1967 – ignorant les réfugiés palestiniens (la source de la cause palestinienne), de même que les Palestiniens qui vivent comme citoyens de troisième classe dans l’Israël de l’apartheid. Le nationalisme palestinien semble avoir pris congé de toute résistance critique ! Les activistes et intellectuels critiques, par conséquent, doivent faire face au fardeau historique consistant à corriger la poussée de capitulation de la vie pseudo-intellectuelle caractérisant Oslo.
Pour ajouter l’insulte à la blessure – et fragmenter encore un peu plus les composantes déjà passablement fragmentées du peuple palestinien – le caractère de classe de la Palestine (déguisé en discours nationaliste) s’est dernièrement révélé en un ressentiment à l’égard des Palestiniens de Gaza, qui sont perçus soit comme des partisans et membres du Hamas, soit comme des voix dissidentes indésirables et qui, par conséquent, constituent une sérieuse menace pour le prétendu « projet national ». La Palestine aujourd’hui est plus divisée que jamais entre l’écrasante majorité qui a été trompée par « l’industrie de la paix » et la toute petite minorité qui tire profit de cette dernière.
Mais, comme le disait Antonio Gramsci : « La crise consiste précisément dans le fait que ce qui est vieux est moribond et ce qui est nouveau ne peut naître : en cet interrègne apparaissent une grande variété de symptômes de morbidité. » Et l’un de ces symptômes est l’appel retentissant en faveur de programmes alternatifs, y compris l’appel en faveur de l’instauration d’un État démocratique laïque entre le Jourdain et la Méditerranée – un appel à s’éloigner de la bantoustanisation et du séparatisme.
Ils sont nombreux, dont certains de ceux qui se trouvaient aux premières lignes du combat pour un État palestinien selon les frontières de 1967, à avoir fini par comprendre que la solution raciste à deux États a toujours été utilisée pour justifier la poursuite de la capitulation palestinienne. Tout au long de l’histoire, la Palestine a toujours eu un caractère multiculturel ; celui-ci ne peut être restauré que dans un seul État démocratique représentant la volonté collective de tout son peuple : les juifs, les chrétiens, les musulmans et les autres. Une fois encore, et en tirant les leçons des erreurs de l’Afrique du Sud, cela ne devrait pas se faire au détriment des droits socioéconomiques fondamentaux de tous ceux qui ont toujours été privés de ces mêmes droits, et tout particulièrement les réfugiés qui vivent dans les camps misérables disséminés dans la région et dans la diaspora.
Publié le 27 juillet 2021 sur Mondoweiss
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine