Les prisonniers politiques palestiniens se lancent dans la désobéissance civile massive dans les prisons israéliennes
La résistance s’accroît contre les conditions de plus en plus pénibles au vu des nouvelles punitions collectives imposées par Israël aux prisonniers.
Rédaction MEE, 15 février 2023
Les prisonniers politiques palestiniens dans l’ensemble des prisons israéliennes ont entamé une série d’actions de désobéissance civile massive pour protester contre les mesures punitives imposées par le nouveau gouvernement d’extrême droite du pays.
Mardi, les prisonniers ont lancé une campagne dans l’infâme prison de Nafha, dans le désert du Néguev (sud-est d’Israël)
Mercredi, ils ont été rejoints par les prisonniers politiques palestiniens des prisons de Rimon, Ofer, Megiddo, Gilboa et celle du Néguev.
La désobéissance culminera par une grève de la faim dès le début du Ramadan, fin mars, disent les prisonniers.
« Notre seule revendication est la liberté »,
a déclaré le Comité d’extrême urgence pour les prisonniers dans un communiqué transmis mardi.
« Tout le monde doit recevoir notre message et entendre notre voix, car nous ne pouvons plus tolérer les violations commises contre nous jour et nuit. »
« Cette grève, qui porte la bannière de la liberté ou du martyre, est une grève qui sera assumée par tout prisonnier en état de la faire, quelle que soit la faction à laquelle il appartient »,
a ajouté le comité.
« L’ampleur de l’agression que nous subissons depuis le début de l’année requiert que tout notre peuple nous soutienne par tous les moyens possibles. »
« Une agression contre leurs vies »
Le ministre de la sécurité Itamar Ben-Gvir n’a pas perdu son temps pour faire part de ses plans en vue de durcir considérablement les conditions de détention des prisonniers palestiniens dans les geôles israéliennes.
Le 6 janvier, une semaine après son investiture, il a visité la prison de Nafha, considérée comme l’une des plus dures d’Israël pour les Palestiniens et il a tweeté par la suite :
« Ceux qui ont assassiné des juifs ne devraient pas recevoir des conditions meilleures que celles qui existent »,
avant de faire état de son objectif, qui est de faire adopter
« la loi de la peine de mort pour les terroristes ».
Depuis lors, le Service carcéral israélien (IPS) s’est mis à muter les détenus et à les transférer dans les vingt prisons utilisées exclusivement pour les prisonniers politiques palestiniens.
Quelque 140 prisonniers palestiniens ont été transférés à Nafha en janvier. La prison est tristement célèbre pour ses horribles conditions de détention, décrites comme « inhumaines » par certains prisonniers.
« La situation en prison ces quelques dernières semaines a été terrible. Le transfert de ces prisonniers est une agression contre leurs vies »,
a déclaré le commissaire des affaires des prisonniers palestiniens, Hassan Abid Rabbah, à Middle East Eye en janvier.
« Les médias israéliens parlent de transférer 2 000 prisonniers entre les prisons. C’est une stratégie qui vise à affaiblir et déstabiliser la résistance palestinienne à l’intérieur des prisons. »
L’IPS met également un point d’honneur à transférer des dirigeants politiques internes, comme le dirigeant vétéran du Fatah, Marwan Barghouti, dans le but de dissoudre les factions palestiniennes au sein même du système carcéral. Ces factions constituent les fondations mêmes de la société carcérale palestinienne et elles reflètent les partis politiques à l’extérieur des murs des prisons israéliennes.
Début février, Ben-Gvir a ordonné la fermeture des boulangeries gérées par les prisonniers palestiniens dans les prisons du pays.
Son cabinet a fait savoir dans une déclaration que cette mesure était destinée à refuser « tous bienfaits et indulgences aux terroristes » en Israël même, alors qu’ils sont déjà refusés aux prisonniers ordinaires, a-t-il prétendu.
Les prisonniers palestiniens des prisons de sécurité de Rimon et de Ketziot gèrent des boulangeries internes qui fournissent du pain à d’autres détenus.
En s’adressant à Israel Hayom, Ben-Gvir a déclaré qu’il « était devenu fou » en apprenant l’existence de ces boulangeries.
« Des prisonniers ne peuvent jouir d’un tel privilège. Comment peuvent-ils avoir du pain frais chaque jour ? Quelle est cette absurdité ? »,
aurait-il dit.
La mesure a été considérée comme une vengeance par les organisations de défense des droits et par l’Autorité palestinienne.
Muhammad Shehada, chef de la communication à l’Euro-Med Human Rights Monitor, a tweeté que cette démarche témoignait d’une exceptionnelle « étroitesse d’esprit ».
« Cela lui donne-t-il du plaisir d’être aussi inutilement cruel ? »
Ben-Gvir a déclaré lundi que « les détenus terroristes » ne disposeraient que de quatre minutes pour se doucher.
Parmi les autres mesures punitives qui sont discutées, on trouve la limitation des visites de la famille, la fin de la vente de certaines denrées alimentaires et autres dans les cantines, les restrictions dans l’envoi de vêtements aux prisonniers par les familles.
« Grève de la faim pour la liberté »
Les mesures de désobéissance civile comprennent la désobéissance aux gardiens de prison et la perturbation des contrôles de sécurité.
En réponse, les gardiens de Nafha ont coupé l’eau chaude, selon Arab 48.
Les prisonniers prévoient de lancer « une grève de la faim pour la liberté » qui commencera le premier jour du Ramadan, le 22 mars.
Les organisations des droits humains condamnent depuis longtemps les prisons israéliennes peuplées de détenus sécuritaires, en raison de leur façon particulièrement inhumaine de traiter les Palestiniens.
Les Palestiniens ont recours à des grèves de la faim depuis 1968 afin de combattre des problèmes comme le confinement solitaire, le refus des visites familiales, les traitements médicaux inadéquats et autres conditions dégradantes.
Actuellement, les prisons israéliennes « hébergent » 4 780 prisonniers politiques palestiniens, dont 160 enfants et 5 membres du Conseil législatif palestinien. Tous seront affectés par l’application par Israël des mesures punitives.
*****
Publié le 15 février 2023 sur Middle East Eye
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine