À une majorité écrasante, l’AG de l’ONU vote en faveur d’un cessez-le-feu à Gaza
Mardi, à une majorité écrasante, et pour la seconde fois, l’Assemblée générale de l’ONU a voté en faveur d’une résolution réclamant un cessez-le-feu immédiat à Gaza.
Maureen Clare Murphy, 13 décembre 2023
Plus de 150 pays ont voté pour le cessez-le-feu, gagnant ainsi 33 supporters depuis le dernier vote du 27 octobre. Dix pays ont voté contre l’appel au cessez-le-feu, dont les EU, Israël et l’Autriche, et 23 se sont abstenus.
NEW: Nations of UN General Assembly vote overwhelming for Gaza ceasefire. Screenshot of vote here. (153 in favor, 10 against, 23 abstentions)
Compared to same vote Oct 27 (Previous tweet) https://t.co/N0aPAz04us pic.twitter.com/K71cHFlSZt
— Gabriel Elizondo (@elizondogabriel) December 12, 2023
La résolution de l’Assemblée générale est non contraignante, mais reflète une vision plus globale que le Conseil de sécurité, où les EU se sont opposés à un appel au cessez-le-feu vendredi dernier.
La résolution adoptée mardi met le doigt sur
« la situation humanitaire catastrophique dans la bande de Gaza et les souffrances de la population civile palestinienne ».
Outre le fait de réclamer un « cessez-le-feu humanitaire immédiat », la résolution appelle toutes les parties à respecter leurs obligations vis-à-vis des lois internationales et à s’employer à la « libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages, ainsi qu’à garantir un accès humanitaire ».
Mardi, lors d’un événement séparé des Nations unies, Riyad al-Maliki, le ministre des Affaires étrangères de l’Autorité palestinienne, a déclaré qu’Israël affamait délibérément les Palestiniens de Gaza et qu’il utilisait cela « comme une arme de guerre ».
La famine sévit partout à Gaza
Une consommation insuffisante de nourriture est pratiquement universelle à Gaza aujourd’hui.
Environ la moitié de tous les ménages interrogés par le Programme alimentaire mondial dans la partie nord de Gaza au cours de la trêve temporaire de fin novembre ont fait état de graves niveaux de famine. Quelque 40 pour 100 des ménages ont déclaré la même chose dans le sud de Gaza.
Une majorité des ménages de l’enclave – 90 pour 100 dans le nord et 66 pour 100 dans le sud – disent avoir passé au moins une journée et toute une nuit sans nourriture. Dix-huit pour 100 des ménages dans le nord ont dit avoir subi cette expérience pendant plus de dix jours dans le courant du mois dernier et 13 pour 100 des ménages ont dit la même chose dans le sud.
Un convoi de camions acheminant de l’aide vers Gaza est arrivé mardi au passage commercial de Kerem Shalom. Après des pressions internationales, le passage est désormais utilisé pour inspecter les secours et ce, pour la première fois depuis sa fermeture par Israël le 7 octobre.
Israël a imposé un siège complet à Gaza le 9 octobre, coupant par la même occasion la livraison de courant, de vivres, de carburant, de fournitures médicales, d’eau et d’autres nécessités vitales.
Des livraisons limitées d’aide ont repris le 20 octobre, mais les quantités sont bien trop faibles pour subvenir aux besoins massifs de Gaza, où la plupart des habitants ont été déplacés de leurs foyers et où une très grande partie du parc de logements a été endommagée ou détruite.
Israël a exigé que toute l’aide destinée à Gaza passe par le carrefour de Rafah, un passage piétonnier qui n’est pas équipé pour faciliter la livraison de marchandises, au contraire de Kerem Shalom.
Jusqu’à mardi, l’aide introduite via Rafah était inspectée au passage de Nitzana – « un processus qui a provoqué des engorgements et des retards », selon Reuters. L’ajout de Kerem Shalom – appelé également Karem Abu Salem – accélérera en théorie la procédure d’inspection, mais Israël exercera toujours un contrôle total sur ce qui peut entrer à Gaza et sur la date et l’heure de cette entrée.
Israël exige toujours que l’aide apportée à Gaza passe par Rafah et il ne permettra pas les transferts via Kerem Shalom.
Précédemment, les agences humanitaires acheminaient leur assistance à Gaza via Israël et le passage de Kerem Shalom. Devoir passer par l’Égypte et traverser la péninsule du Sinaï s’est avéré onéreux pour les organisations d’aide, tant en termes de temps que de coût financier.
Des civils arrêtés qui ont ensuite disparu
Alors qu’Israël continue de massacrer des Palestiniens dans la bande de Gaza, où plus de 18 200 personnes ont été tuées depuis le 7 octobre, les soldats sont accusés d’arrêter arbitrairement et de torturer des civils un peu partout sur le territoire.
Les organes de la propagande israélienne ont présenté des vidéos et des photos tentant de faire passer des prisonniers civils pour des combattants du Hamas qui se seraient rendus.
Trois éminentes organisations palestiniennes – Al-Haq, Al Mezan et le Centre palestinien pour les droits humains (CPDH) – ont publié des témoignages glaçants de personnes qui ont été arrêtées par les troupes israéliennes à Gaza.
Les trois organisations juridiques ont demandé que soit mis
« un terme à la disparition forcée de centaines de prisonniers palestiniens, dont des douzaines de femmes »,
et la révélation immédiate de leurs noms ainsi que des endroits où ces personnes se trouvent.
Elles ont également demandé que soit mis fin « aux tortures et violences en cours » infligées aux personnes arrêtées arbitrairement à Gaza.
Une femme résidant pour l’instant dans une école de l’UNRWA à Beit Lahiya, dans le nord de Gaza, a témoigné que les soldats israéliens avaient ordonné aux femmes et aux enfants de se rassembler dans la cour de l’école pendant qu’ils emmenaient tous les hommes et garçons de 14 ans et plus vers une destination inconnue.
Un autre témoin oculaire a déclaré que les forces israéliennes avaient ordonné à tous les habitants d’un quartier résidentiel de Beit Lahiya de quitter leurs logements
« et les avaient menacés d’incendier leurs maisons avec leurs occupants à l’intérieur s’ils n’obéissaient pas ».
Le témoin a ajouté que l’armée avait ordonné aux femmes, aux enfants et aux personnes de plus de 60 ans de se rendre à l’hôpital Kamal Adwan et à tous les autres de se dévêtir et de ne plus garder que leurs sous-vêtements.
Les hommes de ce dernier groupe sont restés assis sur le sol, les mains liées, pendant des heures, avant d’être chargés dans des camions et emmenés vers la côte. Là, on les a divisés en trois groupes.
Le témoin certifie que l’un des groupes
« a été soumis à des interrogatoires violents, coercitifs, un autre groupe n’a pas été interrogé et le troisième a été emmené dans un camion vers une destination non révélée ».
« J’étais dans le groupe qu’ils ont décidé de relâcher »,
a déclaré le témoin.
Des femmes torturées et maltraitées
Une photographie montre qu’une femme au moins a été emmenée dans un camion en compagnie de douzaines d’hommes dévêtus au cours de ce que les organisations des droits palestiniennes ont qualifié de « violation flagrante de la dignité humaine ».
Israël détient quelque 142 femmes et filles palestiniennes, « dont des enfants et des femmes âgées » qui ont été arrêtées à Gaza au cours de l’invasion terrestre, rapportent la Commission palestinienne des Affaires des détenus et la Société des prisonniers palestiniens.
« Nos équipes ont reçu des informations et des témoignages concernant des prisonniers de Gaza, dont des femmes, qui ont été soumis à la torture et maltraités sans autre raison que d’être des habitants de Gaza »,
ont ajouté les organisations des droits.
Une détenue originaire de Cisjordanie relâchée récemment a expliqué aux organisations de défense des droits que quatre femmes avaient été amenées dans le centre de détention où elle-même était détenue et qu’elles avaient
« les mains et les pieds entravés, avec un bandeau sur les yeux et leur foulard de tête enlevé ».
Les femmes portaient des uniformes de la prison marqués d’une lettre en hébreu disant qu’elles étaient de Gaza et elles étaient soumises aux quolibets et aux insultes des gardien.ne.s de prison.
La détenue libérée a témoigné que l’une des femmes de Gaza avait dit qu’elle était de Jabaliya et qu’elle avait été arrêtée alors qu’elle quittait le nord du territoire pour se rendre vers le sud.
La détenue libérée a déclaré :
« J’ai aussi rencontré une autre femme qui m’avait raconté qu’en raison de son arrestation, elle avait laissé derrière elle ses quatre enfants en compagnie d’une personne qu’elle ne connaissait pas et qui faisait partie des personnes déplacées. Une autre femme avait gardé son bébé avec elle. »
Les femmes de Gaza
« ont raconté les expériences brutales des autres prisonnières, décrivant comment les soldats les forçaient de dormir à même le sol, les privaient de nourriture et les soumettaient à d’humiliantes fouilles complètes, dans une nudité totale, par des soldates »,
a encore témoigné la détenue libérée en provenance de la Cisjordanie.
Les centaines de Palestiniens arrêtés à Gaza depuis le 7 octobre sont transférés sous les ordres d’Itamar Ben-Gvir, le ministre israélien de la sécurité nationale, d’extrême droite, vers une section tristement célèbre de la prison de Nitzan à Ramla,
« connue pour être la pire et la plus ancienne prison d’Israël »,
ont ajouté les organisations palestiniennes de défense des droits.
« Jusqu’à présent, aucun avocat n’a pu s’assurer des identités des prisonniers ni enquêter sur les conditions de leur détention »,
ont ajouté les organisations.
« Inquiétudes et preuves donnent lieu de croire qu’ils pourraient être soumis à des tortures systématiques ».
L’arrestation de résidents d’un territoire occupé comme Gaza et leur incarcération dans des prisons situes en dehors de l’enclave, comme celle de Ramla, située en Israël, constitue une violation de la Quatrième Convention de Genève. C’est également
« reconnu comme un crime de guerre, selon l’Article 8 des Statuts de Rome de la Cour pénale internationale »,
fait savoir Addameer, l’organisation palestinienne de défense des droits humains et des prisonniers.
Cinq jours sous la torture
Un garçon de 14 ans interviewé par Al Jazeera a déclaré que son père et lui, qui faisaient partie des centaines de Palestiniens arrêtés près de la ville de Gaza,
« avaient enduré cinq jours de tortures et de dégradations avant d‘être libérés – sans la moindre explication ».
Le père et le fils faisaient partie d’un groupe d’hommes, de femmes et d’enfants à qui on avait bandé les yeux et que l’on avait chargés dans un camion avant qu’on ne sépare les hommes et les adolescents des femmes et qu’on ne les emmène vers un entrepôt où ils avaient été « battus, interrogés et passablement agressés verbalement », rapporte Al Jazeera.
L’adolescent, prénommé Mahmoud, a expliqué à Al Jazeera que
« l’un des soldats a dit que je ressemblais à son neveu et que son neveu avait été tué sous les yeux de sa grand-mère prise en otage par le Hamas et il a encore dit que les soldats allaient nous massacrer tous ».
Un autre garçon de 14 ans, appelé Mohammed, a été emmené par les soldats israéliens dans la même zone que Mahmoud. Les familles des deux garçons avaient été piégées dans leurs maisons pendant des journées entières, sans nourriture, au moment où les troupes israéliennes progressaient dans le secteur.
« Ils m’ont frappé dans le dos, là où sont les reins, et aux jambes. Ils ont emmené ma famille et je ne sais pas où ils sont passés »,
a déclaré l’adolescent à Al Jazeera, ajoutant que des soldates crachaient sur les hommes pendant qu’ils étaient gardés dans l’entrepôt.
Les soldats battaient l’un des prisonniers pendant que les autres étaient forcés d’écouter.
« Certains ne sont pas revenus des séances de torture »,
a raconté Nader, le père de Mahmoud, à Al Jazeera.
« On a entendu leurs cris et puis plus rien. »
Nader et Mahmoud faisaient partie de la douzaine d’hommes qui, le cinquième jour, ont été emmenés à Nitzarim, l’emplacement d’une ancienne colonie au sud de la ville de Gaza. Ils
«ont été libérés en cet endroit et on leur a dit de se diriger vers le sud »,
a expliqué Al Jazeera.
Après avoir marché deux heures, ils ont rencontré un groupe de Palestiniens qui leur ont donné des vêtements et de l’eau, après quoi, ils ont été évacués en ambulance vers l’hôpital des Martyrs d’al-Aqsa.
Omar Shakir, un directeur de programme de Human Rights Watch, a déclaré que la publication par l’armée israélienne
« de photos choquantes de Palestiniens arrêtés à Gaza, dévêtus et les yeux bandés, constitue ‘une atteinte à la dignité personnelle’– une forme de traitement inhumain qui équivaut à un crime de guerre ».
« Les perpétrateurs devraient être sommés de rendre des comptes »,
a ajouté Shakir.
Un patient meurt après qu’Israël a retardé le convoi d’aide
Entre-temps, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a déclaré mardi que deux travailleurs de la Société du Croissant-Rouge de Palestine (SCRP) avaient été arrêtés au moment où un convoi de l’ONU avait été bloqué au check-point de Wadi Gaza, là où les soldats israéliens contrôlent les mouvements entre le nord et le sud de la bande de Gaza.
L’OMS a expliqué que l’un des travailleurs du Croissant-Rouge avait été
« forcé de s’agenouiller à la pointe d’un fusil, puis qu’il avait été emmené hors de vue avant d’être, paraît-il, harcelé, tabassé, déshabillé et fouillé intégralement ».
Un camion transportant des fournitures médicales ainsi qu’une ambulance ont été touchés par des balles au moment où le convoi entrait dans la ville de Gaza.
Quand le convoi a repris la direction du sud, en transportant des patients évacués de l’hôpital al-Ahli, l’un des deux travailleurs du Croissant-Rouge qui avaient été arrêtés un peu plus tôt a été de nouveau arrêté et interrogé une fois de plus.
L’OMS a déclaré que cette mission avait tenté d’obtenir la libération du travailleur du Croissant-Rouge mais qu’au bout de 2 h 30, elle avait dû prendre
« la pénible décision de quitter la zone, particulièrement dangereuse, et de s’en aller, pour la sécurité et le bien-être des patients et des travailleurs humanitaires ».
Durant le transfert, l’un des patients était décédé de ses blessures restées sans soins. Quant au travailleur du Croissant-Rouge, il avait été libéré plus tard le soir même « après les efforts conjugués des Nations unies ».
« Il a déclaré qu’il avait été harcelé, battu, menacé, dépouillé de ses vêtements et couvert d’un bandeau sur les yeux »,
a déclaré l’OMS.
« Une fois libéré, on l’a fait marcher vers le sud, les mains toujours liées dans le dos, sans vêtements ni chaussures ».
L’organisation de la santé des Nations unies a fait remarquer que six travailleurs du ministère de la santé et du Croissant-Rouge avaient été arrêtés au cours d’une mission de transfert de patients médicaux le 18 novembre.
Quatre d’entre eux restent en détention sans que l’on ait « la moindre information sur leur état ou sur l’endroit où ils se trouvent », a déclaré l’OMS mardi.
L’agence a dit qu’il était de plus en plus difficile pour les acteurs humanitaires d’opérer à Gaza et que
« le système de soutien humanitaire était sur le point de s’effondrer ».
« La seule solution viable est un cessez-le-feu prolongé »,
a dit l’OMS, de sorte que l’agence et ses partenaires pourraient
« prévenir les maladies, la famine et d’autres souffrances dans la bande de Gaza ».
Le ministère palestinien de la santé a déclaré mardi que les troupes israéliennes étaient en train de prendre d’assaut l’hôpital Kamal Adwan dans le nord de Gaza et qu’elles avaient arrêté son directeur, Ahmed al-Kahlout, et tout le personnel médical.
Le porte-parole du ministère a dit aux médias que les troupes israéliennes avaient bouclé les hommes et les adolescents dans la cour de l’hôpital de Beit Lahiya. Des milliers de personnes déplacées s’étaient réfugiées dans les bâtiments, au moment de la prise d’assaut par l’armée israélienne.
L’hôpital et ses environs étaient sous attaque de l’armée israélienne depuis plusieurs jours avant qu’il ne soit envahi mardi. Deux mères ont été tuées quand le département maternité a été touché lundi, rapporte l’ONU.
Douze enfants recevaient des soins dans l’unité des soins intensifs et six bébés nouveau-nés étaient dans des incubateurs à l’hôpital, a expliqué l’ONU.
L’armée israélienne avait laissé mourir plusieurs bébés palestiniens quand elle avait envahi l’hôpital pédiatrique al-Nasr en novembre. Plus de deux semaines plus tard, on a retrouvé les bébés morts et en état de décomposition dans leurs lits d’hôpital, toujours connectés à la ventilation et à leurs équipements de perfusion intraveineuse.
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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.
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Publié le 13 décembre 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine
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