Les Palestiniens fuient Rafah alors que les passages restent fermés
De nombreux Palestiniens ont quitté Rafah dès qu’Israël s’est mis à pilonner la zone et a diffusé de nouveaux ordres d’évacuation dans la ville la plus au sud de Gaza, dans le même temps que les pourparlers de trêve ont cessé.
Maureen Clare Murphy, 11 mai 2024
Samedi, Israël a ordonné à des Palestiniens déplacés à Jabaliya – dans le nord de Gaza, où les forces du Hamas se sont regroupées, dit-on – et dans près d’une douzaine d’autres lieux voisins du territoire, de s’en aller immédiatement.
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On a fait état ces tout derniers jours de lourds combats entre les combattants de la résistance palestinienne et les forces terrestres israéliennes au sud de la ville de Gaza, ainsi que dans la partie orientale de Rafah, y compris dans les environs immédiats des passages de Rafah et de Kerem Shalom.
Israël a pris le contrôle du passage de Rafah un peu plus tôt dans la semaine et a fermé Kerem Shalom lundi après une attaque meurtrière à la roquette, la veille, contre ses troupes positionnées à proximité.
« La fermeture des passages signifie qu’il n’y aura pas de carburant. Pas de camions, pas de générateurs, pas d’eau, pas d’électricité, aucun mouvement de personnes ou de marchandises »,
a déclaré jeudi Martin Griffiths, le responsable humanitaire de l’ONU.
« On affame et on tue les civils de Gaza et on nous empêche de les aider »,
a-t-il ajouté.
« Rien ni personne n’avait pu entrer ou sortir de Gaza »
ces trois derniers jours, a encore dit Griffiths jeudi.
Les agences d’aide de l’ONU ont prévenu que les opérations humanitaires allaient être forcées de s’arrêter au cours des prochains jours, si les passages devaient rester fermés et que « cela allait se traduire par des morts d’enfants », a expliqué Hamish Young, un coordinateur de l’UNICEF, le fonds des enfants de l’ONU.
Seule une très faible quantité de marchandises a pu passer par le check-point d’Erez dans le nord de Gaza, alors que les passages du sud restaient fermés.
Vendredi, Israël a permis l’entrée par Kerem Shalom de quelque 157 000 litres de carburant mais aucune aide humanitaire, aucune nourriture, aucune fourniture médicale n’ont pu entrer à Gaza par les principaux passages de marchandises depuis dimanche, a déclaré au New York Times un haut responsable de l’UNRWA, l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens.
Cette livraison de carburant à Gaza, où l’on se débat avec une pénurie d’électricité depuis le début octobre, empêche provisoirement un effondrement complet, mais les responsables de l’effort d’aide disent que les réserves restent dangereusement basses et que la crise de la faim ne cesse de s’intensifier, toujours d’après The New York Times.
La fermeture du passage de Rafah a empêché près de 160 patients dans un état critique, dont des cancéreux, de quitter Gaza pour recevoir des traitements médicaux à l’étranger, selon le bureau gouvernemental des médias dans le territoire.
L’accès à des traitements à l’extérieur de Gaza était déjà sévèrement restreint avant la fermeture de Rafah cette semaine. Un peu plus de la moitié de tous les patients avec des requêtes d’évacuation médicale de Gaza avaient été approuvés par Israël, et quatre personnes sur cinq ayant reçu cette approbation pouvaient quitter le territoire, selon l’ONU.
Vendredi, quatre soldats israéliens ont été tués par un engin explosif dans la quartier de Zaytoun, près de Gaza, et deux autres ont été grièvement blessés par un tir de missile dans le sud de Gaza, a rapporté Haaretz, le quotidien de Tel-Aviv.
Le Hamas a déclaré vendredi qu’il avait lancé un tir de barrage de roquettes depuis Gaza vers Bir al-Saba (Beersheva, en hébreu). Des roquettes tirées depuis le Liban ont touché Kiryat Shmona, le long du front nord d’Israël.
Les négociations entre Israël et le Hamas ont été de retour à la case départ après qu’Israël a rejeté une proposition du Qatar et de l’Égypte apparemment soutenue par les États-Unis et approuvée par le Hamas en début de semaine, selon une déclaration de la faction.
Le Hamas a déclaré qu’il allait consulter les autres factions palestiniennes « afin d’examiner notre stratégie de négociation ».
Israël poursuit sur sa lancée à Rafah
Vendredi, les cabinets israéliens de la sécurité et de la guerre ont voté pour intensifier l’offensive contre Rafah, malgré l’opposition déclarée de Washington.
Mercredi, deux jours après que les forces terrestres israéliennes ont commencé à entrer dans Rafah, le président américain Joe Biden a déclaré dans une interview sur CNN :
« J’ai expliqué clairement que s’ils entraient à Rafah (…) je ne fournirais pas les armes qui ont été utilisées historiquement pour traiter Rafah, pour traiter les villes, les armes qui traitent ce problème. »
Washington a déjà suspendu un acheminement de plusieurs milliers de bombes de 2 000 et de 500 livres destinées à Israël.
« Des civils ont été tués à Gaza comme conséquences de ces bombes et des autres manières dont elles sont utilisées contre les centres de population »,
a déclaré Biden à propos de ces munitions lourdes livrées par les EU.
Mais des milliards de dollars d’armes américaines sont toujours dans le pipeline pour Israël, rapporte Reuters.
Parmi ces armes figurent des
« munitions d’attaque directe conjointe (DJAMS) qui transforment des bombes aveugles en armes de précision, et des obus de char, ainsi que des munitions pour mortiers et véhicules blindés tactiques »,
selon Reuters, qui citait le sénateur Jim Risch, le principal républicain du Comité des relations étrangères du Sénat.
Le report de l’acheminement des bombes lourdes constitue en fait un avertissement à l’adresse du gouvernement israélien ainsi qu’une démarche tendant à notifier la désapprobation intérieure du soutien inconditionnel de l’administration Biden à la campagne militaire israélienne à Gaza.
De même, la ligne rouge supposée de l’administration Biden contre une offensive militaire majeure à Rafah semble avoir été calculée pour avoir l’air d’être opposée aux actions d’Israël.
En réalité, il s’avère qu’Israël suit l’approche incrémentielle recommandée par le Pentagone pour son offensive de Rafah, qui se traduit par des pertes civiles, des déplacements massifs et l’effondrement des opérations humanitaires dans le territoire – les résultats mêmes que l’administration Biden a recommandé à Israël d’éviter.
Des enfants palestiniens tués
On rapporte que, le 7 mai, deux enfants palestiniens ont été tués et dix-sept autres blessés dans une frappe contre une maison de la partie sud de Rafah, selon l’Office de coordination des Affaires humanitaires de l’ONU (OCHA). Le lendemain, cinq Palestiniens ont été tués et seize autres blessés dans une frappe contre une maison du quartier de Tel al-Sultan, dans la partie occidentale de Rafah.
Des frappes israéliennes ont tué des Palestiniens partout à Gaza, au cours de la semaine.
Le 7 mai, sept Palestiniens ont été tués et quatorze autres blessés lors d’une frappe contre une maison qui abritait des personnes déplacées dans le quartier de Zaytoun, à Gaza même.
Treize Palestiniens ont été tués et de nombreux autres blessés quand une clinique dentaire a été frappée place Shawa, dans l’est de la ville de Gaza le lendemain. Le 8 mai également, 11 Palestiniens, dont quatre enfants, ont été tués dans une frappe à proximité d’une mosquée du quartier d’al-Tuffah, dans la partie orientale de la ville de Gaza.
Samedi, le ministère palestinien de la santé à Gaza a rapporté que 37 Palestiniens, dont la majorité dans la partie centrale de l’enclave, avaient été tués par des frappes aériennes israéliennes au cours de la nuit.
Le ministère de la santé a déclaré vendredi que 39 Palestiniens avaient été tués et 58 autres blessés au cours de « six massacres perpétrés contre des familles », et ce, au cours des dernières 24 heures.
Le ministère a ajouté qu’environ 35 000 Palestiniens avaient été tués à Gaza depuis le 7 octobre. Le nombre réel de victimes est vraisemblablement bien plus élevé, puisque de nombreuses personnes sont toujours manquantes sous les décombres des immeubles détruits, à moins que leurs corps ne gisent dans les rues de zones inaccessibles aux équipes de la défense civile.
Le bureau gouvernemental des médias à Gaza a annoncé la mise à jour jeudi d’une troisième fosse commune à l’hôpital al-Shifa de Gaza. Cette dernière découverte porte à sept le nombre de fosses communes autour des hôpitaux de Gaza, dont trois à al-Shifa, trois au Complexe médical Nasser à Khan Younis et une à l’hôpital Kamal Adwan à Beit Lahiya, dans le nord de Gaza.
Plus de 500 corps ont été dégagés de ces fosses communes, selon le bureau des médias.
Les Palestiniens fuient Rafah
L’UNRWA a déclaré samedi qu’on estimait à 150 000 le nombre de Palestiniens qui avaient fui Rafah depuis lundi, et parmi ceux-ci, nombreux étaient ceux qui avaient déjà été déplacés de force à plusieurs reprises.
Les gens « cherchent la sécurité là où elle n’est pas », estime l’UNRWA.
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L’armée israélienne a estimé samedi que 300 000 s’étaient déplacés vers al-Mawasi, une zone déjà surpeuplée manquant de services élémentaires et qu’Israël a néanmoins qualifiée unilatéralement de « zone humanitaire ».
Plus d’un million de Palestiniens déplacés d’ailleurs à Gaza ont été concentrés à Rafah avant que, ce lundi, Israël ne sorte des ordres d’évacuation dans la partie orientale de la zone.
Les gens qui fuient Rafah paient des centaines de dollars en frais de transport et certains plantent leur tente au milieu des décombres d’immeubles détruits où dans les écoles vides de l’UNRWA, fait savoir l’ONU.
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« De multiples sites non officiels de déplacement sont apparus »
dans le centre de Gaza, ajoute l’ONU.
« Ces zones sont totalement dépourvues des infrastructures et des services de base nécessaires pour soutenir l’accès des gens à la nourriture, à l’eau et aux soins de santé. »
« Les pannes de carburant continuent d’entraver la capacité des acteurs humanitaires à aborder les besoins prioritaires des déplacés internes, y compris la possibilité de s’abriter, la nourriture, l’eau, le volet non alimentaire et celui de l’hygiène, et les installations sanitaires »,
poursuit l’ONU.
Le manque de carburant provoquera bientôt la fermeture des hôpitaux restants et autres dispensaires de soins de santé à Gaza, ajoutant ainsi un grave risque pour la vie des patients des unités de soins intensifs (USI),
« y compris les nouveau-nés des USI néonatales, les patients à traumatisme requérant des opérations chirurgicales urgentes et les femmes enceintes ayant impérativement besoin d’une césarienne »,
ajoute l’ONU.
La diminution des stocks de carburant met également en danger immédiat la vie des patients avec des problèmes rénaux.
À quelque 1 500 patients recevant un traitement pour dysfonctionnement rénal à l’hôpital al-Najjar de Rafah,
« il ne reste désormais que des choix limités, lesquels sont également dépendants de la disponibilité en carburant »,
déclare l’ONU, en raison du nombre limité des appareils à dialyse aujourd’hui installés au Complexe médical Nasser, récemment dévasté par l’armée israélienne, ainsi qu’à l’hôpital al-Aqsa, à Deir al-Balah.
Entre-temps, huit boulangeries dans le sud de l’enclave ont été forcées de fermer et quatre autres vont bientôt suivre à cause du manque de carburant et de fournitures. Quatre boulangeries opérant pour l’instant dans le nord de Gaza, où la famine est très répandue après que l’aide a été coupée pendant quatre mois, « disposent d’une semaine de marchandises afin de produire du pain », dit l’ONU.
Israël enfreint les ordres de la Cour internationale
Mardi, Human Rights Watch a déclaré qu’
« Israël enfreignait les ordres contraignants de la Cour internationale de justice en empêchant l’entrée à Gaza de l’aide humanitaire et des services d’une importance vitale ».
« Bien que des enfants meurent de faim et de famine à Gaza, les autorités israéliennes bloquent toujours l’aide d’une importance cruciale pour la survie de la population de Gaza, et ce, en défiant le Cour internationale »,
a déclaré Omar Shakir, un directeur de programme de Human Rights Watch.
« Chaque jour où les autorités israéliennes bloquent cette aide vitale, plus de Palestiniens encore risquent de perdre la vie. »
Fin janvier, la Cour internationale de justice (CIJ), connue également sous l’appellation de Tribunal mondial, a déclaré qu’il y avait un risque plausible de génocide à Gaza et a décrété des mesures provisoires dont l’ordre notifié à Israël de permettre la fourniture d’aide humanitaire et de services élémentaires.
À cet effet, la cour a sorti d’autres mesures provisoires en avril.
Vendredi, l’Afrique du Sud a introduit une requête urgente auprès de la CIJ, lui demandant de décréter de nouvelles mesures provisoires, y compris l’obligation pour Israël
« de se retirer immédiatement et de mettre un terme à son offensive militaire »
contre Rafah.
L’Afrique du Sud prétend que les mesures précédemment ordonnées par la cour ne suffisaient pas en raison du risque extrême posé par l’offensive israélienne contre Rafah pour les opérations humanitaires
« et la survie même des Palestiniens de Gaza en tant que groupe ».
L’offensive de Rafah
« ne constitue pas seulement une escalade de la situation qui prévaut actuellement, mais elle donne naissance à des faits nouveaux qui causent un préjudice irréparable pour les droits du peuple palestinien à Gaza »,
estime l’Afrique du Sud.
La Cour pénale internationale (CPI), une institution séparée qui traite de la responsabilité des individus plutôt que de celle des États, examine elle aussi la conduite d’Israël à Gaza.
Karim Khan, le procureur principal de la CPI, a mis précédemment en garde Israël à propos du blocage de l’aide humanitaire vers Gaza.
Khan a déclaré en février que
« ceux qui ne respectent pas la loi ne devront pas se plaindre plus tard quand mon bureau entreprendra des actions dans la poursuite de son mandat. »
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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.
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Publié le 11 mai 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine
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