Une nouvelle génération de femmes palestiniennes s’est dressée…

Maath Musley,  mai 2012

Les femmes ont joué un rôle actif dans la lutte palestinienne, au cours du premier soulèvement de l’Intifada.

Néanmoins, après la signature des accords d’Oslo, en 1994, leur rôle s’est réduit. Dix-sept ans plus tard, une nouvelle génération de femmes palestiniennes s’est dressée, plus forte encore qu’auparavant.

La première Intifada a débuté en décembre 1987. Depuis la révolution de 1936, c’était le premier soulèvement de masse issu de l’intérieur même de la Palestine.

Les années précédentes, et particulièrement depuis 1965, la lutte avait été dirigée depuis l’extérieur du territoire palestinien, depuis les pays voisins.

De 1965 à 1987, la lutte palestinienne avait surtout été militarisée. La situation des pays, tels le Liban, la Syrie et la Jordanie, facilitait l’engagement des Palestiniens dans les factions militaires. Et c’était le cas aussi pour les femmes palestiniennes. Mais, malgré cela, la direction politique palestinienne resta dominée par les hommes.Une femme activiste palestinienne face aux soldats de l'occupation

Lors de la première Intifada, la lutte menée jusque-là depuis l’étranger gagna la Palestine même.

Et, puisqu’il s’agissait d’une résistance populaire non armée, les femmes y eurent un rôle plus important à jouer.

« Les femmes participaient à toutes les activités, y compris organiser des manifestations, jeter des pierres, couvrir les murs de graffiti, distribuer des manifestes et des tracts et coudre des drapeaux »,

explique Fadwa Al-Labadi, une responsable féminine de la première Intifada et ancienne membre du FDLP.

« Ces comités populaires travaillaient main dans la main avec la Direction unifiée de l’Intifada en vue de mener à bien le programme mensuel »,

déclare Amal Wahdan, ancienne membre du FDLP.

« Les femmes étaient les piliers des comités populaires de quartier. »

Le rôle des femmes fut plus important que dans le passé et, en particulier, que lors de la révolution de 1936. Ensuite, ce rôle fut affecté par les développements sociaux. En dépit des restrictions sociales que connut la société palestinienne, spécialement dans les villages, les femmes parvinrent à rompre le cycle et à assumer une part active dans le soulèvement populaire.

« Les femmes palestiniennes ont eu un grand effet sur les activités nationales au cours de la première Intifada, au point que les Israéliens installèrent à Abu Kbeer, près de Jaffa, une nouvelle prison destinée aux prisonnières politiques palestiniennes ainsi qu’à des détenus israéliens de droit commun »,

explique Mme Wahdan.

« Les femmes palestiniennes furent soumises à toutes sortes de punitions et persécutions. »

Bien que ces punitions ne soient pas parvenues à décourager les femmes, elles vinrent s’ajouter aux obstacles sociaux que celles-ci durent surmonter au début du soulèvement.

« Après deux ans de soulèvement et après que de nombreuses femmes eurent été arrêtées, les familles se mirent à craindre pour leurs filles, en particulier lorsque des rapports se mirent à circuler à propos d’une augmentation des abus sexuels et des cas de viol pratiqués par les Forces israéliennes d’occupation (FIO) »,

explique Fadwa Al-Labadi.

« Le principal obstacle qui, plus tard, entrava la participation des femmes, fut l’évolution du Hamas en une force politique de la rue. Le Hamas empêchait les femmes de participer aux actions du soulèvement si elles ne respectaient pas certaines normes de décence. »

Dans les dernières années de la première Intifada, la participation des femmes ralentit et se mit à disparaître à la suite des interventions « de la direction politique à l’étranger, du début des négociations et de l’institutionnalisation de la lutte palestinienne ».

Les pressions émanant de la direction politique détournèrent de plus en plus le militantisme féminin vers le travail social local contrôlé par des organisations bénéficiant de financement.

« La défaite la plus importante pour les femmes palestiniennes réside dans leur ‘direction féminine’, qui a trahi non seulement la cause des femmes, mais également la cause nationale »,

déclare Mme Wahdan, actuellement rédactrice en chef de l’Arab Gazette Online.

« Une fois que les dirigeants d’un peuple se consacrent à rechercher leurs propres intérêts au détriment de ceux de leur peuple, le rôle de toutes les classes de la société, y compris les femmes, est voué à l’échec. »

Après la fin de la première Intifada et la signature des accords d’Oslo, et en raison de leur absence au sein de la direction politique, le rôle des femmes disparut presque entièrement.

Lorsque la seconde Intifada débuta fin 2000, les femmes ne furent pas en mesure d’y contribuer grandement.

« Après la militarisation de la seconde Intifada, les rôle des femmes disparut du fait qu’elles n’étaient pas qualifiées pour participer à une lutte militaire »,

explique Mme Al-Labadi.

La seconde Intifada prit fin peu après le décès du chef de l’OLP, Yasser Arafat. Du fait que les dirigeants politiques étaient de plus en plus engagés dans le processus politique, le peuple palestinien souffrit de plus en plus de l’installation des colonies, des pratiques de l’occupation et de l’extension des « lois d’apartheid » israéliennes.

Dans plusieurs villages de Cisjordanie se constituèrent de nouveaux comités populaires, lesquels organisèrent des manifestations pacifiques hebdomadaires afin de protester contre l’occupation sous ses divers aspects.

Protestations à Nabi Saleh, en janvier
Protestations à Nabi Saleh, en janvier

La montée bien réelle du nouveau mouvement des jeunes fut influencée par le Printemps arabe de 2011.

Les femmes ont eu un rôle actif, dans ce nouveau mouvement.

À l’heure qu’il est, comme ce mouvement est resté non politisé, il a attiré un plus grand nombre de femmes.

Dans la rue, le rôle des femmes était plus dominant que celui des hommes, cette fois. Les chants et les manifestations étaient dirigés par de jeunes activistes féminines, tant contre l’occupation que contre la direction locale.

La nouvelle génération des femmes semblait davantage décidée à défier les restrictions sociales de la société palestinienne.

« Le défi le plus important auquel je suis confrontée, et le plus sérieux aussi, dirais-je, consiste à obtenir l’approbation – ou la bénédiction – de mes parents »,

affirme Linah Al-Saafin, une activiste de la résistance populaire.

« Quoi qu’il en soit, je me suis arrangée pour passer outre à leur obstination à vouloir m’interdire de participer aux protestations dans les villages de Cisjordanie. »

Chaque semaine, dans les divers villages de la résistance populaire, on peut voir clairement les femmes se tenir aux tout premiers rangs des manifestations. La plupart de ces jeunes femmes quittent leurs maisons en secret afin d’assister à ces manifestations.

« Le fait d’être une femme, une Palestinienne de 48 et une personne handicapée m’a valu à maints égards des difficultés extraordinaires, dans le cadre de mon militantisme en général »,

explique Budour Hasan, étudiante en droit et femme militante.

« Le principal défi que je continue à affronter, c’est l’opposition obstinée de ma famille. Ce qui fait que je dois assumer le plus gros de mes activités politiques en catimini. »

Lors des meetings organisés des nouveaux groupes de jeunes, le nombre des femmes est très souvent plus élevé que celui des hommes.

Vu le rôle prépondérant des femmes dans la rue, elles ont un rôle égal à celui des hommes, dans le processus décisionnel au sein des nouveaux groupes de jeunes.

Néanmoins, il reste encore de nombreux défis et la crainte de la répétition du scénario de la première Intifada existe toujours.

« Je n’ai pas eu de problèmes lors des protestations mêmes »,

déclare Melle Al Saafin.

« Il y a bien eu au début un peu de sexisme sournois de la part des types autour de moi, mais plus nous avons appris à nous connaître les uns les autres dans le cercle étroit des activistes, plus nous avons été traitées en égales. »

« En tant que femmes, nous sommes confrontées à des modèles patriarcaux, et cela vaut aussi bien pour l’activisme que pour la société en général »,

explique Abir Kopty, une activiste et ancienne membre élue du conseil local de Nazareth.

« Je suis active dans la lutte parce que c’est mon devoir envers mon peuple et que je veux être une partenaire à part entière. La Palestine assiste à une recrudescence de l’activisme et de la direction des femmes au sein de la résistance populaire. Quand de plus en plus de femmes nous rejoindront, nous opérerons un changement dans le statut des femmes. »

L’implication des femmes dans le mouvement des jeunes n’est pas simplement une tendance du nouveau Printemps arabe comme c’est davantage le cas chez les hommes.

C’est l’ouverture d’une opportunité pour prouver que les femmes peuvent être des partenaires égales dans une société qui  pratique toujours d’importantes discriminations à leur égard.

« La libération pour laquelle nous, femmes palestiniennes, luttons, n’est pas uniquement la libération nationale »,

déclare Mme Hasan.

« Nous croyons que, par le biais de la résistance populaire, nous pouvons également combattre la subordination sexuelle et les stéréotypes les plus enracinés. »

« Je suis engagée parce que je vaux que mon peuple dispose de ses droits »,

dit Mme Kopty.

« Je ne puis ignorer les injustices que je vois quotidiennement et elles ne cesseront certainement pas si je me confine chez moi. »

Lorsqu’on s’adresse à ces femmes qui exposent leur vie aux avant-postes de la résistance, on sent une détermination qui ne ressemble nullement au désespoir.

« Notre forte présence dans la société civile et sur la ligne de front de la plupart des manifestations est une pierre angulaire de la libération complète et totale »,

ajoute Mme Hasan.

«  Ce qui me pousse à persévérer, c’est l’incessante motivation en faveur de la dignité, de la liberté et de la justice, et cette motivation anime chaque Palestinienne, chaque personne opprimée. »

Les hommes impliqués dans la résistance populaire tendent à coordonner davantage les jeunes femmes que les hommes mêmes.

« Elles sont très actives et on peut s’appuyer sur elles »,

déclare un activiste de 25 ans, membre du Fatah et qui préfère s’exprimer dans l’anonymat.

« Leur courage au cours des manifestations hebdomadaires suscite notre respect et notre confiance à leur égard. »

En dépit du rôle important qu’ont acquis les femmes activistes dans le récent mouvement des jeunes et dans la lutte contre l’occupation, la route reste longue pour une mobilisation à grande échelle des femmes dans le combat palestinien.

Il reste bien des restrictions sociales qui doivent être brisées.

Mais l’année 2011 a certainement poussé le rôle des femmes dans la lutte palestinienne vers un nouvel échelon.

Pour la première fois, les femmes ont décidé d’agir en égales plutôt que de demander la permission de pouvoir avoir un rôle égalitaire.


Maath Musleh est un journaliste free-lance, installé à Jérusalem. Vous pouvez le suivre sur Twitter : @MaathMusleh

Article publié le 16 avril 2012 sur le site Deliberation.
Traduction pour ce site : Jean-Marie Flémal.

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