« Boycottez totalement les institutions universitaires israéliennes »

Les professeurs et doctorants du Centre international pour l’urbanisme de la KU Leuven lancent un appel en faveur d’un boycott total de toutes les institutions universitaires israéliennes.

« Nous soutenons l’occupation de nos bâtiments universitaires par les étudiants. Nous appelons les autorités universitaires à faire preuve du même courage. Il est du devoir de l’université de se montrer critique à l’égard des crimes contre l’humanité, surtout lorsque les gouvernements ne prennent pas les mesures appropriées. »

 

Appel : "Boycottez totalement les institutions universitaires israéliennes". Photo : L'Université Al-Israa, à Gaza, quelques secondes avant sa destruction complexde.

L’Université Al-Israa, à Gaza, quelques secondes avant sa destruction complète. (©Yasser_Gaza)

 

Lettre ouverte : À toutes les universités : Boycottez totalement les universités israéliennes

Nous, professeurs et doctorants du Centre international pour l’urbanisme de la KU Leuven, nous nous voyons dans la nécessité de prendre position et de soutenir un boycott académique total des institutions israéliennes en guise de réaction au génocide imposé depuis plus de 250 jours à la Palestine et au peuple palestinien.

En tant qu’universitaires, nous sommes indignés par l’agression contre le savoir palestinien via la destruction délibérée et systématique des douze institutions d’enseignement supérieur de Gaza au cours des huit mois écoulés.

Cet « éducide » est encore aggravé par l’assassinat de plus de 100 universitaires (professeurs, doyens, recteurs et chercheurs) et par le fait que 88 000 étudiants sont ainsi privés de leur formation universitaire, dont on ne voit pas encore clairement quand elle pourra reprendre.

 

 

"Boycottez totalement les institutions universitaires israéliennes". Photo : Destruction de l'Université al-Israa à Gaza

Destruction de l’Université al-Israa à Gaza. (©Yasser_Gaza)

 

 

Nous sommes profondément peinés par les plus de 15 500 enfants tués, les nombreux blessés ayant subi de graves amputations, les innombrables personnes portées manquantes sous les décombres et les 25 000 enfants devenus orphelins et dont un grand nombre sont les seuls survivants de leur famille tout entière.

Au cours des deux décennies écoulées, notre centre s’est impliqué, et l’est toujours, dans la recherche en architecture, en urbanisme et en planification dans les territoires occupés et en Palestine. C’est pourquoi nous comprenons très précisément comment se sont produites la dépossession et l’oppression des Palestiniens en Israël, en Cisjordanie, à Gaza et ailleurs.

L’État d’occupation d’Israël est le résultat d’un projet colonial de peuplement qui s’appuie sur l’épuration ethnique du peuple palestinien depuis 1948. L’existence de cet État entraîne les crimes contre l’humanité qui lui sont inhérents.

 

 

"Boycottez totalement les institutions universitaires israéliennes". Photo : Destruction de l'Université al-Israa à Gaza

Destruction de l’Université al-Israa à Gaza. (©Yasser_Gaza)

 

 

Depuis l’année 2000 au moins, cet État entretient un système d’apartheid qui, aujourd’hui, commet le plus horrible des crimes contre l’humanité – un « génocide plausible », d’après la Cour internationale de Justice.

Indépendamment encore de la discussion autour du terme « génocide », un « urbicide » indubitable a lieu à Gaza : la destruction totale et délibérée du tissu urbain, laquelle rend toute vie humaine impossible à Gaza dans un proche avenir.

Cet « urbicide » en cours a lieu avec le soutien des universités israéliennes. Comme cela a été établi dans de nombreux rapports et confirmé dans le livre récent de l’anthropologue israélienne Maya Wind, ces institutions sans exception sont profondément impliquées dans l’oppression coloniale et ce, au moyen de diverses stratégies.

 

"Boycottez totalement les institutions universitaires israéliennes". Photo : Destruction de l'Université al-Israa à Gaza

Destruction de l’Université al-Israa à Gaza. (©Yasser_Gaza)

 

Primo, il y a leur situation géographique sur des terres épurées ethniquement et des territoires occupés en tant qu’avant-postes d’implantations coloniales.

Secundo, toutes sortes de disciplines, même apparemment innocentes comme l’archéologie, sont activement engagées afin de prouver l’héritage juif et d’effacer les couches palestiniennes.

Tertio, les universités coloniales israéliennes sont directement impliquées dans l’armée, dans le développement de l’armement, dans la recherche technologique en matière de surveillance, dans les mauvais traitements infligés aux détenus et dans des cours à l’usage des militaires.

Quarto, par leur silence, elles sont complices de l’« éducide » ou « scolasticide » en Palestine. Elles restent en grande majorité indifférentes envers la souffrance des Palestiniens et imposent activement le silence aux universitaires et étudiants palestiniens et israéliens qui s’opposent à l’occupation et à l’apartheid.

 

"Boycottez totalement les institutions universitaires israéliennes". Photo : Destruction de l'Université al-Israa à Gaza

Destruction de l’Université al-Israa à Gaza. (©Yasser_Gaza)

 

 

En outre, elles imposent des pratiques d’apartheid et une discrimination systématique aux étudiants et aux membres palestiniens de personnel, y compris sur le plan culturel, éducatif, politique, psychologique et financier.

Enfin, en tant qu’institutions, les universités soutiennent explicitement le génocide à Gaza en publiant des déclarations publiques sur leurs sites internet.

Nous rallions par conséquent le point de vue clair de Maya Wind, selon lequel aucune collaboration « innocente » dans la recherche n’est possible avec les institutions israéliennes (du savoir), puisque toute recherche équivaut à une légitimation du système d’apartheid dans lequel les universités sont activement complices.

 

Photo : couverture du livre de Maya Wind.

Couverture livre « Towers of Ivory and Steel » (Tours d’ivoire et d’acier ) de Maya Wind.

 

La poursuite de l’actuelle politique de screening des droits humains projet par projet à la KU Leuven ne fait que normaliser l’État colonial d’apartheid israélien en tant que partenaire légitime au sein du paysage du financement européen.

Nous refusons de nous retrancher derrière une attitude neutre et ressentons la nécessité d’agir. De ce fait, procéder à un boycott actif et ouvert des universités israéliennes équivaut à agir dans l’esprit de l’Article 2 de l’Accord associatif entre l’UE et Israël, lequel stipule explicitement que les parties contractantes doivent respecter les droits humains.

Nous rejetons le génocide en cours contre les Palestiniens et exigeons un cessez-le-feu immédiat. En réponse à l’appel palestinien, nous proposons de boycotter les collaborations actuelles avec toutes les institutions académiques israéliennes

Ce faisant, nous agissons dans l’esprit des conventions des Nations unies sur l’apartheid et le génocide, qui préconisent l’isolement et la criminalisation de toutes les institutions qui sont complices de ces crimes. Nous soutenons l’occupation par les étudiants de nos bâtiments universitaires.

Nous demandons aux autorités universitaires de faire preuve du même courage, de réclamer un cessez-le-feu immédiat, d’activer sérieusement leur soutien aux étudiants et universitaires palestiniens, d’interdire toute collaboration actuelle avec les universités israéliennes et de jouer un rôle de pointe dans l’exclusion d’Israël du consortium de recherche Horizon Europe.

Il est du devoir de l’université de se montrer critique à l’égard des crimes contre l’humanité, surtout lorsque les gouvernements ne prennent pas des mesures appropriées.

Avec cette position claire, nous espérons inspirer d’autres groupes de recherche et même notre propre département d’architecture afin qu’ils suivent notre exemple et qu’ils exercent des pressions de bas en haut sur les instances supérieures de la KU Leuven qui n’osent toujours pas opter pour le boycott, même si elles l’ont déjà fait pour l’Iran et la Russie.

Nous convions les autres groupes de recherche et sections des autres institutions universitaires à se joindre à notre action et à se proclamer eux aussi libres de génocide et d’apartheid. Nous invitons également le VLIR, la coordination des universités flamandes, à afficher enfin une position claire.

Le temps est venu de ne plus nous retrancher derrière les droits de l’homme et les comités éthiques à double emploi. Au vu des crimes contre l’humanité qui se perpètrent sous nos yeux, nous ne pouvons pas garder le silence et collaborer dans l’enseignement et la recherche comme si le business as usual était encore possible.

 

Liste signataires

Signataires

Prof. Luce Beekmans, faculteit ICfU
Prof. Lieven De Cauter, faculteit ICfU
Prof. Bruno De Meulder, faculteit ICfU
Prof. Hilde Heynen, faculteit ICfU
Prof. Kelly Shannon, faculteit ICfU

Liste complète des signataires

Sheeba Amir, ICfU PhD candidate
Zeba Amir, ICfU PhD candidate
Katerina Anastasiou, ICfU PhD candidate
Luce Beeckmans, ICfU faculty
Salma Begum, ICfU PhD candidate
Viviana d’Auria, ICfU faculty
Racha Daher, ICfU PhD candidate
Swagata Das, ICfU PhD candidate
Lieven De Cauter, ICfU faculty
Bruno De Meulder, ICfU faculty
Céline Drieskens, ICfU PhD candidate
Khalda Eljack, ICfU PhD candidate
Yuri Gerrits, ICfU PhD candidate
Hilde Heynen, ICfU faculty
Lei Wei, ICfU PhD candidate
Xenia Katsigianni, ICfU faculty
Jan Huimin Lim, ICfU PhD candidate
Ashim Manna, ICfU PhD candidate
Olga Peek, ICfU PhD candidate
Katja Roslevitch, ICfU PhD candidate
Dounia Salamé, ICfU PhD candidate
Kelly Shannon, ICfU faculty
Isye Susana, ICfU PhD candidate
Aliki Tzouvara, ICfU PhD candidate
Pieter Van den Broeck, ICfU faculty
Els Van Meerbeek, ICfU PhD candidate
Ellen Verbiest, ICfU PhD candidate
Heleen Verheyden, ICfU PhD candidate
Linh Vu, ICfU PhD candidate
Sinae Won, ICfU PhD candidate
Claire Bosmans, ICfU Postdoc candidate
Isye Nurhasanah, ICfU PhD candidate
Han Verschure, ICfU emeritus

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Publié le 16 juillet 2024 sur De Wereld Morgen
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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