Israël double ses restrictions sur les vivres et les médicaments aux points de passage de Gaza
En août, Israël a réitéré ses refus d’entrée à Gaza de toute aide humanitaire, y compris les vivres.
Nora Barrows-Friedman, 31 août 202
Gaze, langes et antibiotiques.
Ustensiles de cuisine, lait maternisé pour bébé, légumes frais et shampooing.
Ces fournitures élémentaires font partie d’une longue liste de produits dont Israël restreint l’entrée à Gaza depuis des mois, alors que les maladies et la faim se répandent dans l’enclave côtière.
Historiquement, ces produits et autres denrées essentielles du même genre ont é té interdits ou n’ont bénéficié que d’une entrée limitée à Gaza durant les 17 années du siège imposé par Israël.
Mais les agences humanitaires mettent en garde : après près de onze mois d’attaques génocidaires d’Israël, les Palestiniens de Gaza ont atteint un point de rupture.
En août, par rapport à juillet, Israël a quasiment doublé son précédent taux de refus d’entrée aux missions, font savoir les Nations unies.
Les organisations d’aide affirment qu’environ 1 600 camions chargés de médicaments essentiels, de matériel sanitaire et hygiénique et de vivres sont actuellement coincés à des points de passage à la frontière de Gaza et qu’il n’y a « aucune progression » dans leur mouvement.
Les ordres de déplacement répétés et incessants d’Israël, qui poussent les Palestiniens vers une zone de plus en plus exiguë de Gaza, ont également impacté les entrepôts de stockage de l’aide humanitaire, déplorent les organisations.
« De nombreux entrepôts, dont quatre de l’ONU et un de HI [Handicap International], ont fait savoir qu’ils ne se trouvaient plus en « zone humanitaire », ce qui ne leur laissait plus la moindre possibilité de stocker des marchandises acheminées vers Gaza »,
déclarent les organisations.
En outre, les dégâts sévères infligés aux infrastructures clés tels routes, distribution d’eau et équipements sanitaires – auxquels il convient d’ajouter les risques de munitions non explosées – ont également empêché la livraison de l’aide humanitaire.
Vendredi, plus de deux douzaines d’organisations humanitaires internationales ont mis en garde contre
« l’imminent effondrement de la réponse humanitaire à Gaza, ce qui laisserait sans aide des millions de civils. »
Le 27 août, Médecins sans frontières (MSF) rapportait que, depuis trois mois, l’équipe de l’organisation à Gaza tentait d’importer 4 000 kits hygiéniques contenant
« des articles élémentaires d’usage quotidien tels savon, brosses à dents, shampooing et poudre à lessiver »
et MSF ajoutait que la pénurie de ces produits essentiels les avait rendus hors de prix, au point que plus personne à Gaza ne pouvait les acheter.
« Depuis trois mois, l’exportation de ces kits est bloquée par les autorités israéliennes »,
à déclaré l’ONG médicale.
À la mi-août, le bureau gouvernemental des médias de Gaza a tenu une conférence de presse marquant le 100e jour consécutif de la fermeture et de la destruction par Israël du passage de Rafah.
Le bureau a estimé que plus d’un millier d’enfants, de patients et de blessés ont perdu la vie en conséquence directe de la fermeture du passage et de l’impossibilité d’accès qui s’en est suivie aux soins médicaux vitaux ou aux équipes humanitaires pouvant livrer les vivres, les médicaments et autres denrées nécessaires.
L’affamement utilisé comme arme
Les restrictions imposées par Israël sur les livraisons de vivres à Gaza, combinées à la multiplication de ses ordres de déplacement, accélèrent sa politique de l’affamement intentionnel perçu comme châtiment collectif.
Le bureau gouvernemental des médias de Gaza a déclaré le 20 août qu’Israël et ses homologues américains « recouraient explicitement à la politique d’affamement et de refus de nourriture contre les civils de la bande de Gaza comme moyen de pression politique, et ceci constitue un crime de guerre en même temps qu’un crime contre l’humanité ».
Avec la fermeture depuis le 7 mai du passage de Rafah à la frontière égyptienne, Israël
« exacerbe la catastrophe humanitaire d’une manière sans précédent », et ce, « avec le feu vert des États-Unis »,
ajoutait le bureau des médias.
Les retards aux rares passages restés ouverts ont impacté l’entrée de vivres frais à Gaza. Les organisations humanitaires disent que les légumes
« sont toujours interdits d’entrée aux passages clés, tel Zikim, et que la viande transportée à bords de camions réfrigérés est toujours bloquée elle aussi en attendant une autorisation de passage ».
Hanady Muhiar, de l’American Friends Service Committee (Comité de services des amis américains), une organisation quaker, a déclaré qu’en raison des ordres de déplacement forcés émis par Israël, son personnel avait dû suspendre à maintes reprises ses opérations de distribution d’eau.
« Les Palestiniens de Gaza sont soumis à des bombardements constants suite aux frappes de l’aviation israélienne et ils souffrent d’un manque d’accès à la nourriture, à l’eau et à des fournitures médicales vitales »,
a déclaré Muhiar.
Le Programme alimentaire mondial a mis en garde cette semaine en disant qu’il allait devoir
« réduire le contenu des colis de vivres à Gaza alors que les flux d’aide et autres approvisionnements ont diminué »
ces deux derniers mois.
L’agence a ajouté qu’environ la moitié seulement de l’aide en vivres requise était entrée à Gaza en juillet et que
« le mois d’août est en voie de se terminer par un résultat similaire ».
Le PAM a déclaré que, lorsque débutera la saison pluvieuse, les routes qui sont déjà endommagées par la guerre
« deviendront impraticables »
au moment où la pluie et les inondations attendues apparaîtront.
« En sus des besoins désespérés d’aujourd’hui, il nous faut penser à ce qui se prépare »,
a déclaré Antoine Renard, du PAM.
« Nous ne serons pas en mesure d’apporter des vivres à la population de Gaza, à moins que des réparations urgentes soit apportées à ces routes. Nous devons être en mesure de faire entrer la machinerie lourde nécessaire et de travailler avec les communautés, et nous avons donc pour tâche de réparer les routes avant que viennent les pluies. »
Entre-temps, Israël continue de cibler et d’attaquer les convois de l’ONU à l’intérieur de l’enclave.
Le 28 août, les forces israéliennes ont ouvert le feu sur un véhicule clairement identifié du Programme alimentaire mondial et qui faisait partie d’un convoi dont les mouvements avaient été entièrement coordonnés avec l’armée israélienne.
Le porte-parole de l’ONU, Stéphane Dujarric, a déclaré que le véhicule avait été touché à dix reprises et que l’armée israélienne n’avait pas répondu quand on lui avait posé des questions à propos de cette attaque.
Les vaccinations contre la polio en pleine incertitude
Le ministère palestinien de la santé à Gaza ainsi que plusieurs agences des Nations unies se préparent à entamer une vaccination massive contre le virus de la polio, détecté à Gaza en juin et confirmé en juillet.
La maladie hautement contagieuse affecte surtout les jeunes enfants et les cas graves peuvent se traduire par une paralysie permanente et par la mort.
Dans un camp pour personnes déplacées à Deir al-Balah, un enfant de 10 mois, le petit Abdul Raman Abu Al-Jidyan, a été le premier cas confirmé du poliovirus de type 2. C’est le premier cas à Gaza depuis 25 ans.
Le bébé est déjà partiellement paralysé.
À partir du 1er septembre, les agences de santé vont tenter d’administrer le premier vaccin oral, d’une série de deux, dans la partie centrale de Gaza, où est concentrée aujourd’hui plus de la moitié de la population de l’enclave.
Les campagnes de vaccination débuteront ensuite dans les zones du sud et du nord de Gaza.
Plus de 1,2 million de doses d’un vaccin polio oral ont été livrées à Gaza et il est prévu que 400 000 doses supplémentaires arrivent.
Rik Peeperkorn, un représentant de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), a déclaré qu’au cours des toutes prochaines semaines, près de 400 sites seront ouverts dans toute l’enclave afin que les parents ou les thérapeutes puissent y amener les enfants qui devront recevoir le vaccin.
La COGAT, le bras bureaucratique de l’occupation militaire israélienne, a affirmé que les campagnes de vaccinations seraient coordonnées avec des « trêves » de huit heures dans les attaques.
Mais les experts médicaux sont profondément inquiets au sujet de ces « trêves », pour autant qu’elles se matérialisent vraiment, et ils craignent qu’elles ne fassent une brèche dans la santé globale des Palestiniens, surtout chez les enfants, s’il n’est pas mis immédiatement et entièrement aux attaques génocidaires d’Israël.
Reuters a reconnu que
« les pauses dans les combats ne couvriront pas la totalité de chaque zone »
spécifiée comme site de vaccination.
D’après une carte parvenue à l’agence d’information – en provenance de la COGAT –
« la trêve aura lieu dans un espace plus restreint à l’intérieur de chaque zone ».
Les plans en vue de « trêves » sporadiques – prises en sandwich entre la routine des massacres quotidiens et des destructions généralisées – constituent
« un strict minimum. Et ce n’est même pas une pause »,
a déclaré Dorotea Gucciardo, du Glia Project, une organisation médicale, à The Electronic Intifada.
Gucciardo a expliqué qu’
« il n’y aura pas de frappes dans les zones où la vaccination aura lieu à certaines heures spécifiques. En bref, cela revient à demander à Israël de respecter les lois internationales en n’attaquant pas les soins de santé, les secteurs de soins ou les gens qui cherchent à se faire soigner ».
Gucciardo a travaillé à Gaza un peu plus tôt cette année.
« Entre-temps, le génocide se poursuit »,
a-t-elle dit.
« Et les enfants que nous tentons d’empêcher d’attraper cette maladie dévastatrice courent toujours un risque élevé de se faire tuer ou mutiler, de perdre des membres de leur famille ou des êtres chers, voire leurs communautés – et, s’ils survivent, ils vont devoir vivre avec le traumatisme mental provoqué par cette violence qui n’a pas cessé au cours des 11 derniers mois du génocide. »
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Publié le 31 août 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine