L’Autorité palestinienne tue ses compatriotes et prouve sa servilité envers Israël

Voilà plus d’un mois que l’Autorité palestinienne (AP) a lancé une opération militaire meurtrière contre le camp de réfugiés de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie occupée.

 

Lors de la manifestation contre le génocide à Gaza, le 28 décembre 2025 à Charleroi, la Plateforme Charleroi-Palestine a rappelé également  la situation en Cisjordanie et particulièrement à Jénine où l'Autorité palestinienne collaboratrice mène actuellement des actions contre la population, la jeunesse et la résistance, effectuant la sale besogne de l’occupant. Photo : Calicot porté lors de la manifestation.

Lors de la manifestation contre le génocide à Gaza, le 28 décembre 2024 à Charleroi, la Plateforme Charleroi-Palestine a rappelé également la situation en Cisjordanie et particulièrement à Jénine où l’Autorité palestinienne collaboratrice mène actuellement des actions contre la population, la jeunesse et la résistance, effectuant la sale besogne de l’occupant.

 

Tamara Nassar, 12 janvier 2025

Jusqu’à présent, 14 personnes, dont six membres des forces de l’AP, ont été tuées au cours de l’opération, qui cible surtout les Palestiniens armés du camp, dans le but de les désarmer.

Mais, à l’instar des attaques israéliennes sur lesquelles elles semblent copiées, la violence et les tactiques de siège de l’Autorité palestinienne frappent sans discrimination aucune les résidents locaux.

Parmi les résidents palestiniens du camp qui ont perdu la vie figurent un père et son fils adolescent, ainsi qu’une journaliste palestinienne.

Les camps de réfugiés du nord de la Cisjordanie, dont Nur Shams à Tulkarem, al-Faraa à Tubas, Balata à Naplouse et le camp de Jénine, ont compris qu’il était urgent qu’apparaissent des organisations palestiniennes armées afin de contrer l’empiétement israélien et les saisies de terre, ainsi que de défendre les résidents des camps contre les attaques israéliennes.

Depuis qu’Israël a entamé son génocide des Palestiniens dans la bande de Gaza le 7 octobre 2023, il a également mené des raids répétés contre les camps de réfugiés de Cisjordanie.

Les raids comprenaient des bombardements aériens, la destruction de routes et d’infrastructures essentielles comme l’eau et l’électricité, et l’assassinat de combattants palestiniens armés et de civils, dont des enfants.

La campagne meurtrière de Jénine a tout d’une proposition de l’Autorité palestinienne de prouver sa loyauté et son efficacité à ses suzerains israéliens, ainsi qu’à la prochaine administration américaine du président élu Donald Trump.

Depuis sa création au milieu des années 1990, l’AP a maintenu cette collaboration étroite avec les forces israéliennes d’occupation et ce, sous la bannière de la « coordination sécuritaire ».

Intégrée aux accords d’Oslo en fonction desquels l’AP a été créée, il y a son obligation de combattre la résistance palestinienne – appelée « terrorisme » par Israël – pour le compte même d’Israël.

 

Le fantasme de Gaza

La démonstration de loyauté renouvelée de l’Autorité palestinienne tombe au milieu d’informations concernant son ambition d’être impliquée dans le gouvernement de Gaza et ce, dans le cadre d’un scénario d’après le cessez-le-feu.

Apparemment, c’est en contradiction avec des ambitions similaires que nourrissent les Émirats arabes unis (EAU).

Les EAU ont discuté avec les États-Unis de la possibilité de participer à une « administration provisoire » jusqu’à ce qu’une AP « réformée » soit à même de gouverner, rapportait Reuters la semaine dernière en citant une douzaine de diplomates étrangers et de responsables occidentaux.

« Les EAU ne participeront à aucun plan qui n’inclura pas l’importante réforme de l’Autorité palestinienne, de son pouvoir et de l’instauration d’une feuille de route crédible vers la création d’un État palestinien »,

a expliqué à Reuters un haut responsable des EAU.

L’AP s’est sentie marginalisée par les ambitions des EAU, qui se sont révélées davantage alignées sur les desiderata de Trump. Cette frustration a incité l’AP à lancer son raid meurtrier et à grande échelle contre Jénine, plutôt qu’une opération de moindre envergure à Tulkarem telle que la recommandaient initialement les EU, s’il faut en croire la publication Middle East Eye, qui cite sans les nommer des responsables tant anciens que actuels de l’Égypte, des EU et d’Israël.

Pour l’Autorité palestinienne, pour que se réalisent les ambitions émiraties ou américaines à Gaza, Israël devrait d’abord concrétiser ses objectifs militaires déclarés – un résultat toujours très loin d’être atteint.

De tels plans ne se déroulent pas toujours comme on l’espère et peuvent s’avérer de très courte durée, à l’instar de l’infortunée jetée de 230 millions de USD construite par les EU au large de la côte de Gaza en fonction d’objectifs très discrets avant que le projet ne soit abandonné et la jetée en partie remorquée jusqu’au rivage d’Ashdod, dans le sud d’Israël.

Les hommes politiques extrémistes d’Israël démolissent l’AP en public, malgré sa collaboration étroite avec Israël.

La campagne militaire de Jénine est un exemple clair d’action au nom d’Israël et Israël et les EU s’avèrent contents de la performance meurtrière de l’AP.

« Israël a été surpris par la détermination dont ont fait preuve les forces palestiniennes de sécurité au cours des combats »,

a rapporté The Wall Street Journal, citant un haut responsable de la « sécurité » israélienne, sans toutefois le nommer.

Aujourd’hui, l’Autorité palestinienne demande que les EU approuvent un plan de 680 millions de USD étalé sur quatre ans afin de former ses forces et de donner un coup de pouce à ses munitions et à ses véhicules blindés, ont révélé des sources anonymes des EU et de l’AP dans la publication Middle East Eye.

Tout cet armement ne pourra être utilisé que contre ses compatriotes palestiniens.

« Les responsables de l’AP ont demandé lors de la réunion que leurs besoins en véhicules blindés et en munitions soient satisfaits de toute urgence, vu la difficulté des affrontements et son incapacité à résoudre la situation dans le camp de Jénine »,

a expliqué une source à Middle East Eye.

La demande, introduite à la mi-décembre lors d’une réunion avec des responsables américains au ministère de l’Intérieur de l’Autorité palestinienne à Ramallah, résultait des expressions de frustration de la part du camp palestinien à propos de l’incapacité des EU de remplir leurs engagements, y compris armer les forces de l’AP et approuver le financement des prisons de l’AP à Naplouse et à Bethléem.

Dans les zones de territoire occupé dont l’AP a le contrôle nominal, les forces palestiniennes n’ont le droit d’arrêter que des Palestiniens. Elles ne peuvent toucher ni aux soldats ni aux colons israéliens qui agressent des Palestiniens.

Où que ce soit en Cisjordanie, les prisons de l’AP sont avant tout utilisées pour emprisonner des Palestiniens qui osent résister à l’occupation militaire israélienne.

Cela signifie en pratique que l’Autorité palestinienne existe dans le but de protéger Israël et ses colons et d’administrer la police à l’encontre des Palestiniens au nom d’Israël. Le rôle clé de l’AP dans la répression des protestations et de la résistance palestiniennes contre l’occupation militaire israélienne est l’une des raisons pour lesquelles les EU et les États européens la financent.

« La demande de fonds et d’armes supplémentaires de l’AP était sensée du fait que les EU pressaient l’AP depuis des mois afin qu’elle intensifie ses opérations sécuritaires en Cisjordanie occupée »,

a encore dit la publication, citant un ancien responsable des renseignements américains.

 

Les forces de l’Autorité palestinienne s’inspirent des tactiques israéliennes

Imitant les tactiques israéliennes durant les raids, les forces de l’AP ont fermé hermétiquement les entrées du camp et se sont positionnées à l’intérieur des maisons et d’un hôpital dans le camp de réfugiés de Jénine.

Près de 2 000 résidents du camp ont été déplacés de force dans des zones toutes proches.

Les Palestiniens restés dans le camp « ont lutté pour couvrir leurs besoins élémentaires », a rapporté l’organisation de contrôle de l’ONU, l’OCHA. Les épiceries tombent à court de marchandises et les résidents ne disposent que d’un accès limité à l’eau.

Plus de 60 pour 100 de la population du camp de réfugiés de Jénine est affectée par les coupures dans la distribution d’eau, qui a été fortement endommagée par les attaques israéliennes successives et l’assaut de l’AP a en outre retardé les réparations.

L’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) a été forcée de suspendre ses services dans le camp pendant près de trois semaines.

Quatre écoles de l’UNRWA ont été fermées dans le camp depuis le 9 décembre, ce qui laisse quelque 1 600 écoliers sans enseignement pour des semaines entières.

Pendant près de deux semaines, un centre de soins de santé de l’UNRWA dans le camp a été temporairement occupé par des Palestiniens armés.

Le raid de l’AP a entraîné d’importants dégâts aux infrastructures ; près de 30 maisons ont été incendiées et des réservoirs d’eau ainsi que des générateurs ont été endommagés.

L’UNRWA a également été forcée de suspendre la gestion des déchets solides, ce qui s’est traduit par une accumulation des immondices.

Une jeune journaliste palestinienne, Shatha Sabagh, 21 ans, a été tuée d’une balle dans la tête à l’extérieur de sa maison le 28 décembre. L’OCHA a déclaré qu’« on ne sait pas très bien si elle a été abattue par les forces palestiniennes ou par des Palestiniens armés », mais la famille de la journaliste a été péremptoire pour accuser l’Autorité palestinienne de l’assassinat de la jeune femme.

La martyre Shatha al-Sabagh, 2024. Cette affiche a été publié par Samidoun dans l’article : Jénine – les fusils des camps »

Lawyers for Justice rapporte que le journaliste Jarrah Khalaf est torturé dans les prisons de l’Autorité palestinienne en raison de sa couverture de la répression en cours de l’AP dans le camp de réfugiés de Jénine.

Lawyers for Justice rapporte que le journaliste Jarrah Khalaf est torturé dans les prisons de l'Autorité palestinienne en raison de sa couverture de la répression en cours de l'AP dans le camp de réfugiés de Jénine.

Jarraj Khalaf

 

Durant leur raid, les forces de l’Autorité palestinienne ont saisi une arme antichar et l’ont remise à l’armée israélienne, a déclaré la chaîne israélienne Channel 14.

« Nous pouvons féliciter les autorités sécuritaires »,

a déclaré la journaliste israélienne Hillel Biton Rosen.

Au cours du raid, les forces de l’AP ont dit qu’elles avaient arrêté près de 250 individus et désamorcé environ 250 engins explosifs, lesquels sont souvent plantés en bord de route par les organisations de résistance.

Ces engins ont été plus largement utilisés par la résistance armée dans les zones nord afin de résister aux invasions israéliennes dans ses camps de réfugiés et ses quartiers. Au cours des raids israéliens successifs dans les camps, des bulldozers font des ravages dans les rues, détruisent les infrastructures civiles, les commerces et les zones résidentielles.

Ceci endommage les réseaux d’eau et d’électricité et empêche tout mouvement, y compris les déplacements des ambulances qui tentent d’atteindre les blessés.

Bien que ces destructions des infrastructures importantes soient commises sous le prétexte de mettre à jour les engins explosifs plantés sous les routes, les Palestiniens ont interprété ces pratiques comme une politique vindicative de punition collective.

En début de mois, l’Autorité palestinienne a ordonné que soit mis un terme à toutes les opérations de l’émetteur qatari Al Jazeera en Palestine occupée.

Après une décision prise par le ministère de la culture, de l’intérieur et des communications de l’AP, plusieurs sites d’Al Jazeera ont également été fermés pour quatre mois.

Le personnel sécuritaire de l’AP a remis un ordre officiel au personnel d’Al Jazeera avant de fermer ses bureaux de Ramallah.

Les images de l’interaction étaient une répétition de la situation en septembre, au moment où les soldats israéliens, filmés en direct, sont arrivés aux bureaux de la chaîne à Ramallah et ont remis au chef de l’agence, Walid al-Omari, une ordonnance de fermeture des lieux.

*****

Publié le 12 janvier 2025 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

*****

Lisez également : Jénine – les fusils des camps

 

Vous aimerez aussi...