Le Hamas lance une affaire juridique sans précédent en Grande-Bretagne (1)

Le Hamas lance une affaire juridique sans précédent en Grande-Bretagne en demandant au gouvernement d’annuler sa désignation de terrorisme.
Dans un dossier juridique, un fondateur du Hamas affirme que l’organisation a le droit de recourir à la résistance armée afin d’en arriver à la libération de la Palestine – et que la Grande-Bretagne réprime tout débat honnête à propos de ses buts.

 

Mousa Abu Marzouk

Mousa Abu Marzouk

Dans un dossier juridique extraordinaire soumis mercredi à Londres, le Hamas a affirmé que le gouvernement britannique devrait annuler sa désignation du mouvement en tant qu’organisation terroriste proscrite et reconnaître au contraire son rôle légitime en tant que mouvement palestinien de résistance engagé dans un combat pour l’autodétermination et la libération. Un haut dirigeant politique du Hamas a rejeté les allégations disant que le mouvement était une organisation terroriste antisémite ; il a affirmé que le Hamas ne posait aucune menace pour les nations occidentales et il prétend en outre que l’organisation politique ne s’est jamais engagée dans une opération armée en dehors des limites de la Palestine historique.

« Le Hamas n’a rien d’une organisation terroriste. C’est un mouvement islamique palestinien de libération et de résistance dont le but est de libérer la Palestine et de s’opposer au projet sioniste »,

écrivait Mousa Abu Marzouk – principal responsable des relations internationales pour le Hamas et demandeur de la réclamation auprès du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni – dans une déclaration de témoin signée et soumise à Drop Site.

« Nous regardons également vers l’extérieur afin de puiser l’inspiration dans la glorieuse tradition de tous ces peuples qui ont résisté au colonialisme, à l’occupation et à l’impérialisme au nom de la justice, de la dignité et de l’égalité entre les hommes »,

faisant ainsi allusion aux luttes historiques contre le colonialisme et l’impérialisme dans le monde entier. Le résumé juridique préparé par les avocats représentant le Hamas met en exergue le Congrès national africain (ANC) en Afrique du Sud ainsi que le Sinn Féin et l’Armée républicaine irlandaise (IRA) en Irlande comme analogues historiques du Hamas et du combat pour la libération de la Palestine.

Marzouk a accusé le fait que le Hamas avait été soumis à une campagne de calomnie concertée à propos de sa position officielle, y compris son soutien à un État palestinien défini par les frontières qui existaient avant l’invasion et l’occupation par Israël de la Cisjordanie, de Gaza et de Jérusalem-Est en juin 1967 – et la violente campagne d’annexion de la terre palestinienne qui a suivi et qui se poursuit encore à ce jour.

« La décision du gouvernement britannique de proscrire le Hamas est une décision injuste, symptomatique de son soutien indéfectible au sionisme, à l’apartheid, à l’occupation et au nettoyage ethnique de la Palestine depuis plus d’un siècle »,

a ajouté Marzouk.

« Le Hamas ne pose pas ni n’a jamais posé de menace pour la Grande-Bretagne, malgré la complicité en cours de cette dernière dans le génocide perpétré contre notre peuple. C’est peut-être par culpabilité coloniale que la Grande-Bretagne craint qu’un jour ceux qu’elle opprime ne ripostent contre les sponsors de l’entité sioniste. La Grande-Bretagne ne devrait pas éprouver une telle crainte. »

Le Hamas a engagé une liste d’avocats britanniques afin de représenter son appel au ministre britannique de l’Intérieur et de contester la désignation de terrorisme imposée au mouvement, laquelle est entrée en vigueur en 2021. Le gouvernement britannique avait désigné les Brigades Qassam, l’aile armée du Hamas, une organisation proscrite en 2001, mais pas le mouvement politique dans son ensemble. Quand il a officiellement ajouté en 2021 le Hamas à la liste des organisations désignées comme terroristes, le ministère britannique de l’Intérieur a affirmé :

« Le gouvernement estime aujourd’hui que l’approche de la distinction entre les diverses parties du Hamas est artificielle. Le Hamas est une organisation terroriste complexe, mais c’est une seule et même organisation. »

Dans un document fourni à Drop Site News et qui résume ses arguments juridiques, l’équipe des avocats du Hamas a fait remarquer qu’elle représentait le groupe pro bono (à titre bénévole), parce qu’accepter une rémunération serait illégal dans le cadre des lois britanniques.

« Le Hamas ne nie pas que ses actions s’inscrivent dans la définition élargie du ‘terrorisme’, conformément à la Loi de 2000 sur le terrorisme »,

ont affirmé les avocats.

« Au lieu de cela, il fait remarquer que la définition couvre également tous les groupes et organisations dans le monde qui recourent à la violence afin de réaliser des objectifs politiques, y compris les forces armées israéliennes, l’armée ukrainienne et, bien sûr, les forces armées britanniques. »

Le Hamas est représenté au Royaume-Uni par la firme Riverway Law, qui a engagé deux avocats britanniques expérimentés en vue de présenter les arguments juridiques qui permettront de radier le Hamas de la liste des organisations terroristes.

« La demande vient dans un contexte qui, de certaines façons, est on ne peut plus évident. Le contexte, c’est qu’Israël semble devenu un État voyou et que son idéologie, le sionisme, est devenue toxique »,

a déclaré Franck Magennis, l’avocat qui présente le dossier à la ministre de l’Intérieur Yvette Cooper.

« Le prix de votre association avec le gouvernement israélien devient bien trop élevé, même pour ses alliés les plus fidèles. Et même si, au sens strict, cela ne devrait pas affecter l’analyse juridique – la ministre devrait considérer la demande selon ses mérites –, il est clair qu’elle dispose d’une discrétion extrêmement large à propos de qui elle décide ou pas d’ajouter à la liste des organisations proscrites »,

a expliqué Magennis à Drop Site.

« Il y a tout lieu de croire qu’elle trouvera les arguments persuasifs et que, par conséquent, elle accueillera favorablement la demande. »

Dans leur résumé de l’affaire, les avocats du Hamas affirment que la Grande-Bretagne a le devoir légal d’empêcher le génocide et les crimes contre l’humanité et d’œuvrer à mettre un terme à l’occupation par Israël des territoires palestiniens occupés.

« La proscription est contraire aux obligations de la Grande-Bretagne en vertu des lois internationales »,

ont écrit les avocats.

« Le Hamas est la seule force militaire réelle qui résiste – tout en cherchant à les faire cesser et à les empêcher – aux actes en cours de génocide et de crimes contre l’humanité commis par l’État sioniste contre les Palestiniens de Gaza. Le maintien de son interdiction entrave à dessein – et, quoi qu’il en soit, il le fait de façon pratique – les efforts du peuple palestinien en vue de recourir à la force militaire pour faire cesser et empêcher ces actes de génocide en cours. »

Les avocats du Hamas ont également prétendu que la désignation en tant qu’organisation terroriste avait étouffé tout débat honnête à propos des objectifs et actions du Hamas, parce que, dans le cadre des politiques du gouvernement britannique, tout discours qui soutient de façon manifeste une organisation terroriste est effectivement criminalisé.

« Plutôt que de permettre la liberté d’expression, la police s’est embarquée dans une campagne d’intimidation politique et de poursuites à l’encontre des journalistes, universitaires, activistes de la paix et étudiants à propos de leur soutien perçu au Hamas »,

ont affirmé les avocats.

« Les gens en Grande-Bretagne doivent être libres de s’exprimer sur le Hamas et sur son combat en vue de rendre au peuple palestinien son droit à l’autodétermination. »

Magennis affirme :

« Même si le gouvernement britannique veut essayer de restreindre le discours du Hamas même, il est possible de soutenir la demande sans soutenir l’organisation, parce que vous pensez que l’actuel régime de proscription empêche les gens de parler plus ouvertement de ce à quoi pourrait ressembler une solution pacifique et nuancée. »

La ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni dispose de 90 jours pour répondre à la requête du Hamas. Si Cooper la rejette – et maintient la désignation de terrorisme à l’encontre de l’organisation politique – l’affaire devrait aller en appel devant un tribunal. Le procès juridique qui s’ensuivrait pourrait toujours inverser la désignation.

 

Un consensus national

Marzouk était l’un des fondateurs du Hamas en 1987 et il est une personnalité de pointe du mouvement. Il est né en 1951 comme réfugié à Rafah, dans la bande de Gaza, après que sa famille avait été déplacée de force de ses terres en 1948.

« Mes parents ont été forcés de s’enfuir de Yibna lors de la Nakba en 1948 »,

écrit-il dans sa déclaration de témoin.

« En raison des violences sévères perpétrées par les soldats sionistes de la colonisation, ma ville natale a été transformée en une ville palestinienne dépeuplée dont les ruines sont situées au sud-est de la ville moderne de ‘Yavne’. »

Ingénieur de métier détenteur d’un master de l’Université du Colorado, il a reçu son doctorat à Louisiana Tech en 1991, l’année même où il a été élu président du bureau politique du Hamas. En 2004, Marzouk et deux autres personnes ont été arrêtés puis condamnés aux États-Unis par un grand jury fédéral pour avoir financé illégalement une organisation terroriste. Dans sa déclaration adressée à la ministre britannique de l’Intérieur et qui accompagnait les mémoires juridiques, Marzouk disait qu’il déposait la plainte dans l’affaire de déproscription du terrorisme au nom du Hamas.
Dans sa déclaration, Marzouk invoquait le colonialisme britannique dans la Palestine historique et il identifiait le rôle de la Grande-Bretagne dans l’instauration par la violence de l’État israélien en territoire palestinien. Il décrivait l’actuel soutien du Royaume-Uni à la guerre génocidaire d’Israël contre Gaza comme une extension contemporaine moderne des politiques du passé.

« Nous considérons ce qui suit comme nul et non avenu : la Déclaration Balfour, le Mandat britannique sur la Palestine, la Résolution de partition de la Palestine par l’ONU et toutes les résolutions et mesures dérivant des précédentes ou qui leur sont similaires. L’établissement d »Israël’ est une grave erreur historique, contraire aux droits inaliénables du peuple palestinien »,

écrivait-il.

« Il n’est guère surprenant que l’État britannique continue de défendre le colonisateur génocidaire sioniste tout en interdisant les organisations comme la nôtre qui luttent pour affirmer la dignité palestinienne. Le Hamas est un mouvement de résistance qui – à l’instar de tout peuple qui a combattu pour affirmer sa dignité face au capitalisme colonial européen et nord-américain – libérera notre peuple palestinien colonisé en dépit du gouvernement britannique, et non grâce à lui. »

Marzouk prétendait que le Hamas avait été taxé d’antisémitisme dans le cadre d’une campagne de calomnie s’étendant sur plusieurs décennies et visant à délégitimer non seulement le Hamas, mais également la lutte historique pour l’autodétermination palestinienne.

« Notre lutte n’est pas contre le peuple juif à cause de sa religion, mais contre les sionistes qui occupent la Palestine. Pourtant, ce sont les sionistes qui identifient constamment le judaïsme et le peuple juif à leur propre projet colonial et à leur entité illégale »,

écrivait-il.

« Nous reconnaissons et apprécions la solidarité témoignée à notre peuple et à notre lutte par de nombreux juifs du monde entier, y compris en ‘Israël’, et dont la position contre le sionisme dénonce le dangereux mensonge qui confond le judaïsme et le sionisme. »

Historiquement, le Hamas a adopté la position selon laquelle Israël est une entité coloniale illégitime qui n’a pas le droit de coloniser la moindre parcelle de terre de la Palestine historique saisie par la fondation d’Israël durant la campagne de la Nakba de déplacement forcé par la violence en 1948. Marzouk a réitéré cette position dans son dossier judiciaire.

« Nous ne reconnaîtrons jamais la légitimité de l’entité sioniste ni son ‘droit à l’existence’, un concept qui n’a aucun fondement aux yeux du droit international. C’est vous et l’entité sioniste qui continuez de refuser à notre peuple le droit d’exister »,

a-t-il affirmé.

« Le Hamas croit que pas une seule partie de la terre de Palestine ne sera compromise ou cédée, qu’importe les causes, les circonstances et les pressions et qu’importe la longueur de l’occupation. Le Hamas rejette toute alternative à la libération entière et complète de la Palestine, du fleuve à la mer. »

Il a également rejeté toute possibilité de démilitarisation des forces palestiniennes en disant :

« La résistance et le djihad pour la libération de la Palestine resteront un droit légitime, un devoir et un honneur pour tous les fils et filles de notre peuple et de notre Ummah. »

Ces dernières années, le Hamas a indiqué qu’il ne ferait pas obstacle à l’acceptation d’un État palestinien indépendant dans les frontières d’avant la guerre de 1967, ce qui équivaudrait effectivement à reconnaître à Israël le contrôle d’importantes parties de la Palestine historique – ce à quoi on fait habituellement référence dans la solution à deux États – une position que Marzouk a réitérée dans son dossier.

« Sans compromettre son rejet de l’entité sioniste et sans renoncer à un seul des droits palestiniens »,

affirme Marzouk,

« le Hamas considère l’établissement d’un État palestinien entièrement souverain et indépendant, avec Jérusalem comme capitale le long de la ligne de cessez-le-feu du 4 juin 1967, avec le retour des réfugiés et des personnes déplacées de leurs foyers dont elles ont été expulsées, comme une formule de consensus national. »

Il poursuivait :

« La lutte palestinienne ne concerne pas que la terre ; elle veut la dignité et la liberté de notre peuple. La dignité et les droits de toutes les personnes vivant en Palestine doivent constituer le fondement de toute solution juste au conflit. »

Il a blâmé Israël parce qu’il recourait en même temps à des moyens diplomatiques et militaires pour bloquer une résolution durable.

« En de nombreuses occasions, en plus de deux décennies, le Hamas a proposé une hudnah ou une trêve à long terme, sur cette base »,

a affirmé Marzouk.

« Sa bonne volonté a été abusée par les sionistes, qui ont assassiné des membres de sa direction afin de saper ce genre d’efforts. »

Alors qu’Israël a un interminable palmarès dans l’assassinat de dirigeants palestiniens, dont bon nombre du Hamas, la déclaration de Marzouk constitue en partie une référence à l’assassinat par Israël du dirigeant du Hamas, Ahmed Jabari, lors d’une frappe ciblée en 2012. Personnalité importante dans la consolidation du pouvoir du Hamas dans la bande de Gaza, Jabari était un des principaux commandants des Brigades Qassam et l’un des architectes de la capture du soldat israélien Gilad Shalit en juin 2006. En 2011, dans un accord largement négocié par le militant pacifiste et médiateur israélien Gershon Baskin, Shalit était libéré de captivité et échangé contre plus d’un millier de prisonniers palestiniens, dont le futur chef du Hamas, Yahya Sinwar. Après l’assassinat de Jabari en 2012, Baskin avait révélé qu’il venait de présenter à Jabari une proposition complète de cessez-le-feu permanent quand Israël avait bombardé la voiture qui transportait Jabari.

« Je pense qu’ils ont commis une erreur stratégique »,

avait déclaré Baskin à Haaretz à l’époque. Il avait dit qu’il s’agissait d’une erreur

« qui allait coûter la vie à un grand nombre de personnes innocentes dans les deux camps ».

Et il avait ajouté :

« Avec chaque personne qui perd la vie, nous engendrons la prochaine génération de gens qui nous haïront et de terroristes. »

Depuis que le Hamas a gagné les élections palestiniennes en 2006, Israël a maintes fois assassiné ses dirigeants politiques – les responsables mêmes avec l’autorité et la crédibilité nécessaires pour négocier un accord de paix complet. Tout récemment, Israël a assassiné l’ancien Premier ministre palestinien Ismaïl Haniyeh à Téhéran, en juillet 2024. À l’époque, Haniyeh était le principal négociateur du Hamas à propos de la guerre à Gaza.

« Le Hamas insiste sur cette transgression à l’encontre du peuple palestinien : Usurper sa terre et le bannir de sa patrie ne peut être appelé la ‘paix’ »,

écrivait Marzouk.

« Aucun accord dégagé sur cette base n’aboutira à la paix. »

Alors que la déclaration de Marzouk – et le résumé juridique préparé par les avocats du Hamas – affirme carrément le droit du Hamas à la résistance armée, le dirigeant du Hamas affirmait de son côté que ses forces ne cherchaient pas la confrontation avec les nations occidentales. En guise de preuve, il pointe le fait que le Hamas n’a jamais commis d’attentats au Royaume-Uni ni ailleurs.

« En près de quarante années d’existence, le Hamas n’a jamais effectué d’opérations que dans le territoire de la Palestine historique. Il n’a jamais mené d’opération en dehors de la Palestine, même quand d’autres organisations de la résistance palestinienne l’ont fait. Telle est notre politique et vous n’avez aucune raison de douter de son importance cruciale dans notre stratégie »,

a affirmé Marzouk.

« Nous ne sommes pas comme les sionistes pour qui le monde entier est un champ de bataille, puisqu’ils se livrent à des tentatives d’assassinat de dirigeants du Hamas en Iran, au Liban et dans les EAU, après avoir même tenté de commettre un assassinat en Jordanie, une nation avec laquelle l’entité sioniste a signé un accord de paix et de sécurité. Le Hamas n’a jamais mené la moindre opération en dehors des frontières de la Palestine. »

 

Le Hamas lance une affaire juridique sans précédent en Grande-Bretagne. Photo : la signature de Mousa Abu Marzouk en bas du document : J'invite dès à présent l'Etat britannique à se départir de cette politique d'oppression et à se ranger du bon côté de l'Histoire en cessant de proscrire notre mouvement.Je crois que les faits énoncés dans ce témoignage sont conformes à la vérité. Signé : Mousa Abu Marzouk

La signature du fondateur du Hamas, Mousa Abu Marzouk, au bas d’un document juridique soumis à la ministre britannique de l’Intérieur : « J’invite dès à présent l’Etat britannique à se départir de cette politique d’oppression et à se ranger du bon côté de l’Histoire en cessant de proscrire notre mouvement. Je crois que les faits énoncés dans ce témoignage sont conformes à la vérité. Signé : Mousa Abu Marzouk. Date : 26 mars 2025. »

 

 

Justice et responsabilisation

Marzouk a affirmé que l’attaque du 7 octobre 2023 contre Israël, baptisée « Déluge d’Al-Aqsa », était conçue comme une « manœuvre militaire ciblant la Division Gaza du Commandement du Sud d’Israël ». Les seuls ordres transmis à la Nukhba – l’unité des forces spéciales des Brigades Qassam – « étaient de tuer et de capturer des soldats sionistes et non de cibler les femmes, les enfants et les personnes âgées », a-t-il ajouté. Il a déclaré que le Hamas allait coopérer aux enquêtes internationales sur les homicides de civils.

« Au contraire de l’entité sioniste, nous prenons la justice et la responsabilisation très au sérieux et, à cet égard, nous restons, comme toujours, prêts à coopérer avec toutes les investigations et enquêtes internationales autour de l’opération, même si ‘Israël’ refuse de le faire »,

a écrit Marzouk.

L’agence israélienne de la sécurité sociale a déterminé le nombre officiel de morts du 7 octobre : 1 139 personnes. Parmi les personnes tuées, 695 ont été cataloguées comme civils israéliens, en même temps que 71 civils étrangers et 373 membres des forces sécuritaires israéliennes.

Alors que le Hamas a admis que des civils avaient été tués par les combattants palestiniens le 7 octobre, il a également prétendu que ces morts avaient été le résultat de tirs croisés, d’erreurs ou du fait que des forces indisciplinées avaient rallié les combats.

« S’il y a eu le moindre cas de ciblage de civils »,

affirmait le Hamas dans son manifeste de janvier 2024 présentant la justification des attaques du 7 octobre,

« cela s’est produit accidentellement et au cours de la confrontation avec les forces d’occupation. »

Le Hamas a également fait état de preuves, parmi lesquelles des rapports émanant de médias israéliens et de témoignages de survivants du 7 octobre, qui établissent que les forces armées israéliennes ont tué nombre de leurs propres concitoyens. Dans certains cas, cela a consisté en bombardements de maisons où étaient retranchés des combattants palestiniens ou en tirs croisés ayant tué des civils. Dans d’autres cas, les forces israéliennes ont tiré intentionnellement sur des véhicules suspectés de transporter des captifs israéliens, afin d’empêcher qu’on ramène ces derniers dans la bande de Gaza. Cette pratique, connue sous le nom de « directive Hannibal », remonte à 1986 et autorise les forces armées à mettre fin à tout prix à l’enlèvement de soldats israéliens, même si cela signifie abattre ou blesser les captifs. Dans une enquête de 2003, le quotidien israélien Ha’aretz faisait état de cette compréhension largement répandue de la directive :

« Du point de vue de l’armée, il vaut mieux un soldat mort qu’un soldat captif qui, lui-même, souffre et force l’État à libérer des milliers de captifs afin d’obtenir sa libération. »

On ignore – et peut-être l’ignorera-t-on toujours – le nombre d’Israéliens tués dans ce genre de « tirs amis » ou au cours d’opérations de style Hannibal.

Puisqu’il existe sur vidéo des preuves indéniables de combattants palestiniens qui ont tué intentionnellement des gens sans armes, particulièrement au festival musical Nova, un tribunal international des crimes de guerre établirait non seulement la structure de commandement des forces qui ont exécuté de telles actions, mais il déterminerait également si les auteurs de ces homicides étaient des agents appartenant au Hamas ou à d’autres factions de la résistance, ou encore des acteurs indépendants.

La même dynamique existe à propos de la question de certaines des quelque 250 personnes faites prisonnières et ramenées à Gaza le 7 octobre. Le Hamas a dit que ses forces avaient reçu l’ordre de ne pas capturer d’enfants ni de personnes âgées. Dans de précédentes interviews réalisées par Drop Site, des responsables du Hamas ont déclaré que d’autres organisations avaient capturé des personnes de ces catégories et que, dès les premiers temps de la guerre, le Hamas avait cherché à les renvoyer, mais qu’Israël avait rejeté ces propositions.

Les responsables israéliens et américains décrivent en gros les attaques du 7 octobre comme des actions du Hamas, mais le fait est que plusieurs organisations actives séparées ont participé aux attaques. Il y a également eu par la suite un afflux de gens et de bandes en tous genres qui n’avaient aucune connexion officielle avec l’un ou l’autre faction politique ou faction de la résistance et qui sont entrés en Israël une fois que les clôtures et les murailles ont été percées. L’un des éléments centraux de la justice internationale consiste en la notion que les victimes ont le droit de réclamer des comptes aux auteurs directs des crimes perpétrés contre elles.

« Le Hamas dispose d’une aile militaire. Sa demande prouve que l’aile militaire est constituée sous forme d’une armée disciplinée qui déclare explicitement son intention de respecter à la fois la loi islamique et les lois internationales des conflits armés, les lois internationales humanitaires »,

a déclaré Magennis, l’avocat qui présente l’affaire du Hamas.

« Et en fait partie la nécessité de s’assurer qu’il y a des règles d’engagement et que, si ces règles d’engagement ont été violées par les membres mêmes du Hamas, ces derniers devront en subir les conséquences disciplinaires. »

Le Hamas, a déclaré Magennis,

« est engagé à tenir ses propres membres responsables. Ils savent clairement qu’ils doivent respecter les lois internationales. Ils savent clairement qu’ils ne peuvent pas cibler des civils. Et, si c’est le cas, il s’agit d’une violation des règles d’engagement. C’est criminel ou potentiellement criminel et les personnes responsables devraient en affronter les conséquences disciplinaires. Et, naturellement, cela fait partie de notre argumentation. Une partie de l’argumentation que nous avançons, c’est que cela nous dit quelque chose du genre d’organisation avec laquelle traite la ministre ».

Le Hamas a déclaré officiellement qu’il reconnaissait la juridiction de la Cour pénale internationale et il a fait remarquer dans son manifeste de janvier 2004 que l’État de Palestine était signataire du Statut de Rome qui a établi la CPI. Malgré l’inquiétude de voir les EU et leurs alliés saboter une enquête indépendante, le Hamas a demandé

« au procureur de la CPI et à son équipe de venir immédiatement et de toute urgence en Palestine occupée afin d’examiner les crimes et violations perpétrés ici, plutôt que de simplement observer la situation à distance ou d’être soumis aux restrictions israéliennes ».

En novembre 2024, les procureurs traitant des crimes de guerre ont officiellement accusé trois hauts responsables du Hamas, à propos des attaques du 7 octobre : Sinwar, Haniyeh et Mohammed Deif, le commandant des Brigades Qassam. Le Hamas a condamné ces accusations en disant qu’elles cherchaient

« à mettre sur un même pied la victime et l’exécuteur en émettant des mandats d’arrêt contre un certain nombre de dirigeants de la résistance palestinienne ».

Les responsables du Hamas ont dit qu’ils contesteraient juridiquement les accusations en prétendant que les Palestiniens avaient

« le droit et, en effet, le devoir de résister à l’occupation par tous les moyens disponibles, y compris la résistance armée ».

Après que le procureur principal de la CPI avait demandé des mandats d’arrêt contre les trois hommes en mai 2014, Israël les avait assassinés tous trois quelque temps après.

La CPI a également accusé le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et son ancien ministre de la Défense Yoav Gallant. Malgré ces mandats actifs en vue de leur arrestation, ces hommes continuent d’être chaleureusement accueillis par les nations occidentales. Les EU ont mené une campagne en vue de délégitimer le tribunal de la CPÏ et, peu après son élection, le président Donald Trump a imposé des sanctions aux procureurs de la CPI pour ce qu’il a appelé « des actions illégitimes et sans fondement ciblant l’Amérique et notre proche allié Israël ».

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Publié le 9 avril 2025 sur Drop Site
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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