Le dégoût face à Israël croît dans le monde entier
Au bout de vingt mois de son génocide perpétré en direct à Gaza et à l’intensité sans cesse accrue, il ne serait guère controversé de conclure qu’Israël est l’un des pays les plus détestés de la planète.

Plus de 10 000 personnes de l’ensemble de l’Afrique du Nord se sont inscrites pour rallier la Caravane du Sumud, qui a démarré de l’Algérie, avec des participants du Maroc à la Mauritanie, et qui passera par Tunis, où des milliers de personnes la rallieront à l’initiative d’une large alliance d’organisations tunisiennes, y compris la Coalition Action commune pour la Palestine en Tunisie, par la Libye, puis par l’Égypte, pour se diriger vers le passage de Rafah avec des cars, des camionnettes et des camions.
Ali Abunimah, 4 juin 2025
Mais une nouvelle enquête au niveau mondial menée par le Pew Research Center (installé aux EU) révèle précisément à quel point Israël est devenu impopulaire, particulièrement dans les États nord-américains et européens où Tel-Aviv a toujours trouvé ses principales sources de soutien financier, militaire et politique.
« Dans 20 des 24 pays examinés, environ une moitié ou plus des adultes portent un regard défavorable sur Israël »,
rapportait Pew le 3 juin.
« Environ trois quarts ou plus partagent ce point de vue en Australie, en Grèce, en Indonésie, au Japon, aux Pays-Bas, en Espagne, en Suède et en Turquie. »
Pew dit qu’il a posé dernièrement la question dans 10 des pays repris dans son nouveau rapport en 2013.
« Dans sept de ces pays, la part des adultes portant un regard négatif sur Israël a augmenté significativement. »
Israël était particulièrement impopulaire en Turquie, où 93 pour 100 des personnes interrogées le perçoivent défavorablement. La Turquie était le seul pays des abords immédiats de la Palestine a être examiné par Pew.

Israël est perçu négativement par une large majorité dans la plupart des pays examinés par le Pew Research Center.
Parmi les pays européens étudiés, Israël était perçu le plus négativement aux Pays-Bas (78 pour 100), un fait remarquable dans un pays dont les gouvernements sont traditionnellement des amis fidèles d’Israël.
Même en Hongrie – dont le dirigeant Viktor Orban a accueilli Benjamin Netanyahou à Budapest un peu plus tôt cette année, en dépit du mandat d’arrêt international émis contre le Premier israélien – 53 pour 100 du public perçoit Israël négativement.
Un glissement historique aux EU
Aux États-Unis – le principal financier et fournisseur d’armes de l’état génocidaire –, 53 pour 100 des personnes interrogées portent désormais un regard négatif sur Israël – une augmentation de 11 pour 100 par rapport à 2011, indique Pew.
Ces dernières années, les enquêtes ont constamment établi qu’Israël était extrêmement impopulaire au sein des majorités démocrates, chez les jeunes Américains et les gens de couleur.
Mais c’est un phénomène absolument inédit qu’une majorité de la population en général perçoive Israël de façon négative.
L’érosion du soutien à Israël aux États-Unis – particulièrement chez les plus jaunes – embarrasse depuis longtemps Israël et ses groupes de pression qui y voient une menace potentielle contre le soutien à long terme des EU à Israël.
Cela explique sans doute pourquoi l’administration Trump a concentré sa répression anticonstitutionnelle sur la libre expression critique à l’égard d’Israël dans les campus universitaires et ce, dans un effort en vue d’effrayer la jeune génération en ligne.
Le passage à une censure à la main lourde, pas seulement aux EU mais également dans maints pays d’Europe, constitue également un aveu de ce que les efforts en vue d’assimiler la désapprobation des crimes d’Israël à de l’antisémitisme ou de redorer le blason d’Israël via d’onéreuses campagnes de relations publiques, ne peuvent rien face à l’horrible réalité déversée quotidiennement depuis Gaza sur les écrans de téléphone des gens.
Une fissure dans la droite américaine ?
Dans bien des pays où il a effectué des enquêtes, Pew a remarqué que
« les gens qui se situent eux-mêmes à gauche ont une perception plus négative d’Israël que les gens de droite ».
Mais ce fossé idéologique est le plus prononcé aux EU, selon Pew, où
« 74 pour 100 des libéraux (c’est-à-dire des progressistes, en gros – NdT) ont une image négative d’Israël, comparés aux 30 pour 100 de conservateurs ».
Toutefois, dans une enquête réalisée en avril, Pew a découvert une forte hausse du nombre d’électeurs républicains qui perçoivent défavorablement Israël – de 27 à 37 pour 100 –, ce qui indique qu’Israël perd réellement du soutien dans l’ensemble du spectre politique.
Ces dernières années, un nouveau phénomène remarquable est apparu : d’éminents commentateurs de droite, tels Tucker Carlson, Candace Owens et le juge Andrew Napolitano, ont exprimé leur scepticisme, et parfois même des critiques virulentes, à l’égard d’Israël et du soutien américain dont il bénéficie, alors que cela eût semblé impensable quelque temps plus tôt.
Le progression des sceptiques à l’égard d’Israël au sein de l’administration Trump et, plus généralement, de la droite américaine a, paraît-il, poussé Netanyahou à confier à des proches qu’
« il avait mal évalué la direction que prenaient les EU à propos d’Israël et du Moyen-Orient au sens plus large »,
a rapporté le site israélien Ynet.
Avec des personnalités remarquables comme Napolitano, un fervent partisan des droits palestiniens s’appuyant sur des bases morales, la rupture dans le consensus pro-israélien de la droite américaine est davantage motivée par des désaccords quant à la façon dont Israël s’intègre dans une vision de « l’Amérique d’abord » et par la perception de ce qu’Israël pousse à son profit les EU à s’engager dans des guerres désastreuses.
Certes, quels que puissent être à la Maison-Blanche les sentiments négatifs à l’égard d’Israël et de son dirigeant, ils n’ont pas été suivis de la moindre pression américaine pour qu’Israël mette un terme au génocide.
La réputation d’Israël s’effondre en Europe
La pression publique semble néanmoins avoir de l’effet dans d’autres pays occidentaux, où les gouvernements fidèlement pro-israéliens intensifient leurs critiques à l’égard d’Israël.
En mai, la France, le Royaume-Uni et le Canada ont menacé Israël d’« actions concrètes » non précisées s’il ne met pas un terme à son siège de Gaza par la famine.
Et, la semaine dernière, précisément, l’Irlande est devenue le premier pays européen et membre de l’UE à déclarer au plus haut niveau qu’Israël commettait un génocide à Gaza.
L’Union européenne « révise » elle aussi son accord associatif avec Israël et ce, parmi des appels de plus en plus nombreux lui demandant de suspendre cet accord commercial des plus lucratifs.
Étant donné que, récemment, l’UE s’est vantée d’avoir adopté son 17e « paquet » de sanctions contre la Russie depuis 2022, ces déclarations concernant Israël s’avèrent malheureusement tardives et inadéquates.
Du fait qu’Israël extermine ouvertement les Palestiniens via d’incessants bombardements et par la famine, Bruxelles se doit d’imposer à Tel-Aviv tout autre chose que des sanctions symboliques.
Pourtant, il y a des signes de mouvement. Cette semaine, l’Espagne a annulé un achat d’armes de 310 millions de USD auprès de la firme d’armement israélienne Rafael. Cela faisait partie d’une série de mesures décidées par Madrid « afin de réduire la dépendance de l’Espagne vis-à-vis de la technologie de défense israélienne et ce, à la lumière des actuelles opérations militaires israéliennes à Gaza ».
En Espagne, selon Pew, 75 pour 100 du public a une perception négative d’Israël.
Ces démarches ont beau sembler modestes et tardives, elles n’auraient sans doute pas eu lieu du tout sans l’indignation constante et ouverte du public soulevée par les crimes d’Israël et la complicité des gouvernements européens et autres.
Ce sont des signes qui révèlent que la pression et les protestations du public importent malgré tout et qu’elles sont plus importantes que jamais pour mettre un terme à ce génocide.
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Publié le 4 juin 2025 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine