Un bébé meurt de froid à Gaza alors qu’Israël bloque la reconstruction

L’armée israélienne continue de tuer et de blesser dans toute la bande de Gaza, en dépit du prétendu cessez-le-feu entré en vigueur le 10 octobre.

Près de 300 000 familles ne disposent pas d'abris adéquats alors qu'une tempête hivernale s'abat sur Gaza.

Près de 300 000 familles ne disposent pas d’abris adéquats alors qu’une tempête hivernale s’abat sur Gaza. (Photo : Ahmed Ibrahim / APA Images)

 

Nora Barrows-Friedman, 12 décembre 2025

 

Le texte qui suit est un condensé des informations communiquées lors du livestream du 11 décembre. Vous pouvez voir l’émission au complet ici.

L’armée israélienne continue de tuer et de blesser dans toute la bande de Gaza, en dépit du prétendu cessez-le-feu entré en vigueur le 10 octobre.

Entre-temps, une violente tempête hivernale détruit les tentes-abris et sévit sur les immeubles déjà partiellement détruits pendant que les Israéliens continuent d’empêcher l’entrée de maisons mobiles préfabriquées et de fournitures pour réparer les infrastructures de base. Un enfant en bas âge est déjà mort de froid à ce jour.

Mercredi, dans la partie centrale de Gaza, Israël a tué un autre enfant, Zaher Nasser Shamiy, 16 ans. Après qu’il a été abattu, un char a écrasé son corps, rapporte l’agence d’information Wafa.

Mercredi également, un homme et une femme ont été abattus et tués par des tirs israéliens et une fillette a été blessée d’une balle dans la tête au camp pour personnes déplacées de Halawa, à Jabaliya, dans le nord de Gaza.

Les forces israéliennes ont abattu Bayan, 10 ans, d’une balle dans la tête. La balle, paraît-il, a été tirée par un fusil installé sur une grue. La fillette et ses parents s’étaient réfugiés dans le camp.

Le journaliste Basheer Abu Asher a réalisé ce clip sur Bayan en état de choc et la tête enveloppée de bandages, alors que son grand-père la berce à l’intérieur d’une ambulance. Les soldats, explique le grand-père,

« ont tiré par-dessus nos têtes alors que nous n’avions pas d’endroit où nous abriter ».

Le samedi 6 décembre, au moins sept Palestiniens ont été tués au cours d’attaques séparées dans le nord de Gaza. Parmi les morts, une femme de 70 ans et son fils qui ont été pourchassés, dit-on, par un quadricoptère israélien. L’armée israélienne a prétendu que les personnes ciblées avaient franchi la fameuse ligne jaune.

Hani Mahmoud, d’Al Jazeera, a fait savoir que la femme et son fils avaient été pourchassés par un drone quadricoptère à un demi-mille environ (800 mètres) de la ligne jaune et qu’on les avait

« laissés perdre tout leur sang jusqu’à ce que mort s’ensuive »,

puisque l’appareil avait continué de survoler les lieux, empêchant quiconque d’aller leur porter secours.

Mahmoud a dit de l’incident que c’était

« tout simplement l’une des nombreuses violations de cette journée et des cinquante autres qui l’avaient précédée », depuis que la trêve est entrée en vigueur.

Il a ajouté que dans les zones proches de la ligne jaune, bien des Palestiniens peuvent la franchir sans le vouloir du fait qu’elle n’est pas visible.

« Il n’y a pas de marquage clair ou de signalisation pour montrer qu’il s’agit de la démarcation du cessez-le-feu et que c’est une zone interdite et dangereuse »,

a-t-il dit.

Le 7 décembre, une fillette de trois ans, Ahed Tariq Al-Bayouk, a été abattue et tuée par les forces israéliennes alors qu’elle jouait près de sa tente au campement d’al-Mawasi, au sud de Khan Younis.

Le reporter Ibrahim Qannan a filmé la famille d’Ahed effondrée de chagrin et portant vers une clinique proche le petit corps enveloppé dans un linceul.

Le 8 décembre, Israël a attaqué une maison à Deir al-Balah, dans le centre de l’enclave, et l’a bombardée de deux missiles, disent des rapports locaux.

Le bureau humanitaire des Nations unies a rapporté le 8 décembre que des frappes aériennes, des tirs d’obus et des fusillades s’étaient poursuivis dans tous les gouvernorats, y compris à Jabaliya al-Balad et à l’est de Jabaliya dans le nord de Gaza, à Shujaiya et à al-Tuffah, dans l’est et le nord-est de la ville de Gaza, au large de la côte de Khan Younis et dans l’est et le sud du gouvernorat, ainsi que dans l’est et le nord de Rafah.

Plusieurs endroits à l’est de la « ligne jaune » ont été affectés, a déclaré l’ONU.

Le 10 décembre, le journaliste Mahmoud Abusalama a filmé les forces israéliennes en train de lancer des obus d’artillerie depuis le cœur du camp de réfugiés de Jabaliya, où des blocs entiers ont été rasés durant les opérations militaires en cours, rapporte le collectif des médias locaux, Translating Falasteen.

Des résidents parlent de tirs intensifiés accompagnant le mouvement des troupes et des véhicules blindés, ce qui est le signe d’une nouvelle vague de destruction dans une zone située à l’intérieur de la ligne jaune qui a déjà été dévastée par des mois de bombardements de l’occupation israélienne et de déplacements forcés.

Le bureau gouvernemental des médias de Gaza a déclaré le 9 décembre que dans les 60 jours qui ont suivi l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, Israël avait commis au moins 738 violations, dont plus de 200 incidents avec tirs directs, 37 incursions par des véhicules militaires dans des zones résidentielles, 358 bombardements et attaques ciblant des civils et leurs habitations, et près de 140 démolitions de maisons, d’institutions et de bâtiments civils.

Le 11 décembre, le ministère de la Santé de Gaza rapportait que plus de 380 Palestiniens avaient été tués et 1 000 autres blessés depuis l’entrée en vigueur du prétendu cessez-le-feu.

 

Un bébé meurt de froid

Une brutale tempête hivernale a frappé Gaza, plongeant des centaines de milliers de familles dans une crise encore plus profonde après 26 mois de génocide israélien. Et le blocus de l’aide humanitaire essentielle, des vivres, du carburant, des médicaments, des fournitures médicales, des matériaux d’infrastructure et de construction restent fermement en place au beau milieu de l’absence totale de la moindre pression politique internationale.

Une fillette de 8 mois, Rahaf Abu Jazar, est morte de froid après que de l’eau a envahi la tente de sa famille à Khan Younis, en pleine pluie diluvienne, a rapporté Al Jazeera le 11 décembre.

Un bébé mort de froid dans une tente à Gaza

Un bébé mort de froid dans une tente à Gaza

 

Ismail al-Thawabta, de l’office gouvernemental des médias de Gaza, a déclaré que près de 300 000 familles étaient sans abri au moment où la tempête s’est abattue.

En gros, il était prévu que 250 000 tentes et maisons mobiles entrent à Gaza, a déclaré al-Thawabta. Mais il y a actuellement 6 000 camions

« chargés d’aide qui sont bloqués aux passages »,

a-t-il dit à Al Jazeera mercredi.

« Nous adressons un appel urgent au monde, au président Trump et au Conseil de sécurité pour qu’ils exercent des pressions sur l’occupation israélienne »,

a-t-il ajouté.

Les sauveteurs de la défense civile de Gaza disent que leurs équipes reçoivent des appels de détresse de Palestiniens à l’intérieur des camps pour personnes déplacées, lesquels rapportent que des tentes ont été inondées et que des familles ont été piégées à l’intérieur par les lourdes pluies.

« Malgré les ressources limitées et un manque d’équipements nécessaires, nos équipes travaillent inlassablement pour tenter d’atteindre les gens dans le besoin et de leur fournir de l’aide dans le cadre des moyens disponibles »,

a déclaré la défense civile.

Le 11 décembre, la défense civile rapportait que trois immeubles s’étaient déjà effondrés à Gaza en raison des inondations et de la violence des vents.

Le bureau gouvernemental des médias de Gaza a déclaré le 9 décembre qu’avec la tempête apportant des inondations et des vents violents, les Palestiniens à Gaza subissaient

« un scénario tragique récurrent, dans lequel des milliers de familles seront confrontées à des risques d’inondation, d’effondrement et de noyade ».

« Les prochaines heures enregistreront des scènes déchirantes de familles luttant pour survivre à l’intérieur de tentes qui ne peuvent supporter ni la pluie ni le vent, le tout au milieu d’un silence international scandaleux et de l’absence de toute intervention sérieuse en vue de fournir ne serait-ce que la protection et l’aide les plus élémentaires aux personnes déplacées »,

a ajouté le bureau.

L’utilisateur des médias sociaux, Ehab Nuor, a filmé mardi des personnes qui tentaient de réduire l’inondation dans leurs tentes.

 

Le plan de Trump en vue d’assurer le contrôle israélien à Gaza

Les gros pontes de l’armée israélienne ont prétendu mardi qu’ils s’employaient à utiliser la fameuse ligne jaune qui limite les mouvements à l’ouest, afin de dessiner une nouvelle frontière permanente pour Gaza.

 

 

Alors qu’il rendait visite aux soldats de l’occupation israélienne dans le nord de Gaza, dans les ruines de Beit Hanoun et de Jabaliya, Eyal Zamir, un haut responsable de l’armée israélienne, a déclaré que la ligne jaune qui avait été établie par l’administration Trump était

« une nouvelle ligne frontière servant de ligne défensive avancée pour nos communautés et de ligne d’activité opérationnelle ».

Zamir a ajouté qu’Israël s’en tiendrait à ses positions militaires actuelles.

« Nous avons le contrôle opérationnel sur d’importantes parties de la bande de Gaza et nous resterons sur ces lignes de défense », a-t-il dit.

En début de mois, Euro-Med Human Rights Monitor a vertement critiqué le plan de Donald Trump en vue d’installer solidement l’actuel contrôle et l’empiètement galopant d’Israël sur Gaza occupée.

« Les conséquences du plan américain en vue de soutenir la division de la bande de Gaza en zones vertes et rouges séparées par une ligne militaire jaune entraînent des risques graves, y compris le déplacement effectif des Palestiniens de chez eux et la transformation de parties importantes de Gaza en zones militaires fermées sous le contrôle direct de l’armée israélienne »,

a déclaré Euro-Med.

« La ligne jaune, marquée par des blocs de béton, n’est pas restée figée, mais a été repoussée au-delà des cartes publiées, avançant dans certaines zones de plus d’un kilomètre dans la bande de Gaza. Elle est utilisée pour redessiner unilatéralement les lignes du contrôle militaire, agrandissant progressivement les zones sous contrôle direct d’Israël, plaçant plus de territoire encore sous contrôle militaire fermé et restreignant sévèrement la liberté de mouvement. Cette pratique renforce l’annexion de fait et fragmente l’unité territoriale de Gaza en violation manifeste des lois internationales »,

a ajouté l’organisation.

Selon des informations obtenues par Euro-Med, ce plan s’appuie sur le transfert de la population palestinienne depuis la zone rouge vers la zone verte via diverses tactiques de pression qui sont bel et bien des crimes de guerre.

Le plan inclut l’installation de « villes » de maisons-conteneurs préfabriquées (caravanes) dans la zone verte, chacune hébergeant quelque 25 000 personnes dans une superficie ne dépassant pas un kilomètre carré et entourée de murs et de check-points, a fait remarquer Euro-Med.

« La conception de ces villes proposées reflète le modèle historique des ghettos dans lesquels les régimes coloniaux et racistes confinaient des groupes spécifiques dans des zones hermétiquement closes entourées de murs et de postes de garde, avec leurs mouvements et leurs ressources contrôlés de l’extérieur, comme on l’a vu en Europe au cours de la Seconde Guerre mondiale et dans d’autres contextes coloniaux »,

a ajouté l’organisation.

Euro-Med a mis en garde contre le fait que les unités d’ingénierie responsables du plan avaient déjà commencé des croquis de la première ville expérimentale à Rafah, attendant la certitude d’obtenir du financement pour commencer la réalisation sur le terrain.

Le porte-parole de l’ONU, Stéphane Dujarric a répondu à la vision de Zamir d’une nouvelle ligne frontière à l’intérieur de Gaza en disant :

« Nous sommes fermement opposés à toute modification des frontières de Gaza et d’Israël ».

Il a également dit que la déclaration de Zamir lui semblait « aller à l’encontre de l’esprit et de la lettre du plan de paix de Trump ».

 

Israël tue un adolescent et fait irruption au quartier-général de l’UNRWA

En Cisjordanie occupée, le 6 décembre, à Hébron, dans le sud, un adolescent de 17 ans a été tué par les forces israéliennes.

Defense for Children International – Palestine (DCI-P) a fait savoir qu’Ahmad Khalil Rajabi

« avait emprunté la voiture de sa famille pour rendre visite à un ami à l’hôpital gouvernemental Alia, dans le centre-ville, et qu’à ce moment, prétendent les forces israéliennes, il avait tenté d’écraser un soldat et que les forces israéliennes avaient donc ouvert le feu sur le véhicule, tuant Ahmad par la même occasion ».

Les soldats ont ensuite confisqué le corps.

Ayed Abu Eqtaish, directeur du programme de responsabilisation de DCI-P, a déclaré :

« Le pouvoir de la loi n’existe pas, pour les enfants palestiniens. On laisse les familles palestiniennes se débrouiller seules pour reconstituer les circonstances de la mort de leur enfant et, dans bien des cas, on leur refuse même la dignité élémentaire de les enterrer, puisque Israël continue de retenir les corps des enfants et ce, en violation du droit international. »

En 2025, les forces et les colons israéliens ont tué 53 enfants palestiniens en Cisjordanie occupée, selon les informations collectées par l’organisation des droits humains.

Les forces israéliennes ont retenu les corps d’au moins 61 enfants palestiniens, depuis juin 2016, affirme DCI-P. Six de ces corps ont été restitués à leurs familles, alors que les 55 autres sont restés aux mains des autorités israéliennes.

Cette semaine, au village de Qaryut, près de Naplouse, dans le nord de la Cisjordanie, les soldats israéliens se sont servis d’engins lourds pour déraciner des oliviers, alors qu’on est dans la saison des récoltes.

Le 8 décembre, le journaliste a filmé ces images des bulldozers en train de détruire les oliveraies appartenant au village de Qaryut.

Haaretz, le quotidien de Tel-Aviv, a fait savoir que l’armée avait détruit des centaines d’arbres dans une zone dont l’armée prétend qu’elle dépasse les limites définies par une ordonnance militaire qui cite des mesures sécuritaires et qui a été signée par le commandant militaire en Cisjordanie.

Les membres du conseil villageois ont déclaré que les soldats n’avaient pas seulement détruit des arbres, mais qu’ils avaient également rendu des puits inutilisables.

Les racines des arbres ont été coupées, ont déclaré les membres du conseil villageois, et les propriétaires n’ont pu y accéder et tenter de les sauver. Le conseil a dit que l’armée avait menacé les habitants « de détruire également leurs maisons » si quelqu’un tentait de s’approcher des arbres.

Entre-temps, le 8 décembre, à Jérusalem occupée, la police israélienne et les responsables municipaux ont fait irruption au QG de l’UNRWA, l’agence des Nations unies pour les réfugiés de Palestine, coupant les communications, saisissant du matériel et remplaçant le drapeau de l’ONU par celui d’Israël.

C’est la dernière des attaques de plus en plus nombreuses contre l’agence, qui a été créée dans le sillage de la prise et du vol de la Palestine par les milices sionistes et l’expulsion d’environ 800 000 Palestiniens en 1948.

L’UNRWA n’avait plus utilisé le bâtiment depuis le début de l’année après que les autorités israéliennes avaient ordonné à l’agence de vider complètement les lieux et de mettre un terme à ses opérations, a rapporté Al Jazeera.

Le directeur de l’agence, Philippe Lazzarini, a dit que cette dernière attaque faisait suite

« à des mois de harcèlement comprenant des attaques incendiaires en 2024, des manifestations de haine et d’intimidation soutenues par une campagne de désinformation à grande échelle, ainsi que toute une législation anti-UNRWA adoptée par le parlement israélien en rupture manifeste avec ses obligations internationales ».

 

Mise en exergue de la résilience

Finalement, selon notre habitude, nous avons voulu mettre en évidence des personnes exprimant leur joie, leur détermination et leur résilience un peu partout à Gaza et dans le monde.

Le 7 décembre, au camp de Beach (al-Shati), à l’ouest de la ville de Gaza, les Palestiniens ont célébré la qualification de l’équipe de football de Palestine pour les quarts de finale de la Coupe arabe de 2025.

Le journaliste Abood Abusalama a pris des photos et une vidéo des gens qui regardaient le match dans une pièce surpeuplée, tous groupés autour d’un poste de TV. Il écrit :

« Entassés autour d’un petit écran, des habitants de Gaza regardent le match de la Coupe arabe entre l’équipe nationale palestinienne et son homologue syrienne. Malgré les conditions de vie très dures régnant au camp de réfugiés d’ al-Shati, ce moment de sport partagé apporte un bref sentiment d’unité et d’évasion au beau milieu de toute la misère ambiante. »

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Publié le 12 décembre 2025 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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