L’armée libanaise resserre son emprise alors que l’UNRWA abandonne les camps palestiniens

Au-delà des retombées immédiates de la frappe israélienne sur le camp de Ain al-Hilweh, une stratégie plus large de restrictions se déploie. Le refus de l’Office de secours et de travaux des Nations unies (UNRWA) de reconnaître officiellement la mort de ses propres étudiants au cours de l’attaque israélienne a déclenché une très grande colère, aggravant encore le doute déjà bien réel à propos de l’agence et de ses services.

 

Écriture sur un mur du camp de Beddawi

Écriture sur un mur du camp de Beddawi

 

Certains affirment que ce surcroît de pression sur l’UNRWA est lié à un objectif politique à plus long terme, qui est non seulement d’affaiblir ou de fermer l’agence, mais aussi de transférer ses services vers des organismes comme le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR). Cette démarche priverait complètement les Palestiniens de leur droit au retour.

Précédemment, à Ain al-Hilweh, des étudiants de l’École secondaire Bissan avaient organisé une commémoration funèbre en l’honneur de leurs condisciples martyrs. La chose s’était bien vite muée en action collective ; les étudiants de plusieurs écoles de l’UNRWA dans les camps palestiniens s’étaient mis en grève pour protester contre le refus de l’agence d’autoriser la commémoration le jour même de la Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien, le 29 novembre. Les étudiants avaient confirmé avoir contacté les administrations de leurs écoles pour fixer cette date, mais l’UNRWA avait rejeté leur requête, déclenchant ainsi la grève de protestation contre ce que les étudiants avaient qualifié d’« oblitération de l’identité palestinienne ».

Le 4 décembre, cette frustration avait gagné le seuil de l’UNRWA. Le Comité de défense des droits des réfugiés palestiniens, ainsi que le mouvement militant palestinien dans les camps et les Palestiniens déplacés de Syrie, avaient organisé un sit-in massif face au bureau principal de l’UNRWA à Beyrouth. Les manifestants avaient rejeté les mesures visant à isoler les Palestiniens de leur cause nationale et avaient dénoncé la négligence par l’administration des droits et besoins fondamentaux des réfugiés.

Les participants avaient condamné l’incapacité de l’UNRWA de faire face à la dégradation de la situation humanitaire, y compris la détérioration catastrophiques des services médicaux qui pousse les patients vers une mort lente pourtant facile à empêcher. Le sit-in s’opposait également aux mesures d’intégration et de surpeuplement dans les écoles de l’UNRWA et il réclamait la réactivation du Programme des affaires sociales, la restauration de l’aide pour les réfugiés palestiniens de Syrie, l’achèvement des travaux de reconstruction du camp de Nahr al-Bared et la réparation urgente des maisons qui risquaient de s’effondrer.

Les protestations se sont poursuivies dans d’autres camps. Hier, l’Organisation démocratique des femmes à organisé une manifestation au camp de réfugiés de Burj al-Shamali, refusant la réduction des services de l’UNRWA au Liban et l’impact direct de ces mesures sur l’existence des réfugiés palestiniens. Le même jour, l’Union démocratique des femmes palestiniennes (NIDA) au Liban organisait une action coordonnée en face du bureau du directeur des services de l’UNRWA au camp de réfugiés d’al-Jalil, afin de mettre en exergue le Programme de filet de sécurité sociale et de mettre l’accent sur la nécessité de sa continuation.

En parallèle, l’armée libanaise a nettement accru sa pression sur les camps palestiniens, concernant l’accès et la liberté de circulation.

Camp de Burj al-Shamali :

Le 10 décembre, l’armée libanaise a fermé deux entrées secondaires du camp de Bourj el-Shamali, empêchant ainsi le passage des voitures. Un passage est resté ouvert pour les piétons afin de permettre aux riverains de faire le chemin à pied. Le lendemain, l’armée a fermé une troisième entrée secondaire du camp, connu sous le nom de carrefour Bustan.

Camp de Ain al-Hilweh :

Depuis le début décembre, l’entrée du camp de Ain al-Hilweh, dans le sud du Liban, fait l’objet de mesures de sécurité renforcées de la part de l’armée libanaise au check-point de Hisbeh. Des inspections récurrentes se sont traduites par une importante congestion et une perturbation très sensible des déplacements des riverains, tant pour entrer dans le camp que pour en sortir.

Camp de Rashidiyeh :

Voici quatre semaines, l’armée a fermé le seul passage du camp vers le quartier du « Petit Train », un important espace de loisirs pour les habitants, en y installant une barrière en acier dotée d’un portail verrouillé. Les habitants du camp ont confirmé que cette mesure avait été prise sans la moindre explication officielle. Le quartier servait d’endroit essentiel pour permettre aux familles de se promener et aux enfants de jouer loin des espaces confinés du camp, et sa perte a impacté négativement la vie quotidienne.

Camp de Beddawi :

Le 27 novembre, l’armée libanaise a pris les mesures exactes de la dernière entrée secondaire reliant la camp de Beddawi au quartier Sumoud, ce qui annonce manifestement des intentions de fermeture permanente de ce passage. Cela signifierait la perte pour le camp de son ultime liaison secondaire avec Jebel al-Beddawi, et la chose soulève des inquiétudes chez les riverains quant à son impact sur la mobilité et les activités quotidiennes. Le 16 décembre, l’armée libanaise a entamé la construction d’un mur qui fermera complètement le passage reliant le camp à la route al-Mankoubin. Un portail est actuellement en place en attendant, il ne peut être ouvert qu’en fonction de réglementations et procédures spécifiques.

Les conséquences sont particulièrement sévères pour les services de soins de santé. Les ambulances en provenance du Centre médical Inaya de l’Association al-Shifa, une clinique vitale pour les habitants du camp et les gens de l’extérieur, sont tributaires de cette route. Et ce, surtout parce que les ruelles de l’intérieur du camp sont trop étroites pour les véhicules d’une certaine largeur. La fermeture de ce passage constitue une menace directe à l’encontre des réponses médicales urgentes et elle risque de paralyser des services médicaux absolument vitaux pour le camp et les quartiers qui l’entourent.

Tant à Beddawi qu’à Rashidiyah, la fermeture des passages vitaux combinée aux infrastructures déjà fragiles, a abouti à des catastrophes, lors des récentes fortes tempêtes. Les camps palestiniens ont été inondés à la suite des précipitations et les riverains ont été forcés d’évacuer immédiatement.

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Publié le 23 décembre sur Al-Akhbar English
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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