En route vers la Grèce, pour rejoindre le Tahrir

Les quatre Belges que « Belgium to Gaza » a choisis pour embarquer à bord de la « Freedom Flotilla – Stay Human » sont partis en direction de la Grèce, où ils doivent monter à bord du ” Tahrir “ .

Josy Dubié, Asma Sebaa, Guido Gorissen et notre amie Yannick Vanonckelen de la Plate-forme Charleroi-Palestine se préparent pour le grand départ de la flottile : ils ont fait la connaissance des autres passagers du « Tahrir » et participent à des sessions d’information et de formation. Il y a aussi quelques soucis d’ordre financier à régler…

Le départ de la flottille a été reporté de 3 ou 4 jours en raison du mauvais temps qui règne en mer Méditerranée.

Dans cet entretien, Josy Dubié fait référence à la présence à bord du « Tahrir » de la journaliste israélienne Amira Hass, du quotidien Haaretz. Amira Hass, qui a résidé durant une dizaine d’années à Gaza (une des seules journalistes d’Israël dans ce cas, sinon la seule),et qui a d’ailleurs consacré un excellent article à la préparation du voyage de la flottille.

S A B O T A G E
L’arbre d’hélice d’un des bateaux de la flottille, le « Dignity – Al Karama », à bord duquel doivent prendre place des participants venus de Grèce, de Norvège et de Suède, a été saboté dans le port du Pirée, indique Haaretz.
Le bateau est inspecté chaque jour par un plongeur, et il a découvert lundi que l’arbre d’hélice a été scié.
Des mesures seront prises pour réparer les dégâts causés par le sabotage, mais cela risque d’être quelque peu compliqué car une grève générale a été décidée en Grèce pour mardi et mercredi.
Il se peut donc que cet incident entraîne un retard supplémentaire, qui s’ajoute à ceux provoqués par l’insistance des autorités grecques qui, soumises à une pression israélienne intense, entendent – selon Amira Hass – soumettre certains bateaux à des inspections approfondies inhabituelles.

Elle y relate que les participants suivent un entraînement aux méthodes de résistance non violente et se sont engagés par écrit à respecter un « code de conduite », qui inclut jusqu’à l’interdiction d’insulter les soldats israéliens, quelle que soit l’attitude de ceux-ci.

Un code de conduite pour les participants sur le Tahrir

Ne pas prendre l’initiative d’un contact physique avec les soldats, ne pas sauter dans l’eau, ne pas jeter d’objets sur les soldats, ne pas provoquer un incendie, ne pas utiliser les extincteurs contre les soldats, ne pas utiliser ou exhiber des objets qui pourraient être confondus avec des armes (étant entendu que des armes il n’y en a aucune à bord)… Le comité de direction de l’opération semble avoir pensé à tout.

Les participants, écrit Amira Hass, sont invités à ne pas oublier que les soldats israéliens que le gouvernement Netanyahou va probablement envoyer pour arraisonner les navires de la flottille ont subi « un lavage de cerveau« , et eux aussi auront peur puisque leur hiérarchie leur aura décrit les passagers comme les pires des terroristes. Le bourrage de crânes a d’ailleurs commencé, puisque lundi en fin de journée le gouvernement israélien laissait filtrer des « informations » selon lesquelles « de hauts responsables israéliens » (anonymes) recevraient des renseignements selon lesquels des activistes présente à bord de certains bateaux de la flottille « ont fait la promesse de faire couler le sang de soldats israéliens« .

Ce qui serait bien entendu une grave violation du monopole de « l’armée la plus morale du monde » en la matière. Mais les mêmes « informations » ils auraient  aussi l’intention d’utiliser « des produits chimiques destinés à empêcher les soldats israéliens de monter à bord » de la flottille. Ce qui serait également indéfendable, toute velléité de défense contre des pirates israéliens armés jusqu’aux dents (et précédés de leur réputation) étant évidemment de nature terroriste. Enfin, comme il se doit, Israël prétend que la flottille sera infestée de membres du Hamas.

S O Y O N S    S E R I E U X

Yannick Vanonckelen, nous a relaté quant à elle lors du dernier contact téléphonique en date (dimanche soir), qu’elle a été intégrée en tant qu’infirmière dans une équipe médicale dont fait aussi partie Guido Gorissen, en tant que médecin, et qui comprend aussi un médecin syrien vivant au Canada.

Comme nous l’avons déjà évoqué, Israël ne reste de son côté pas inactif, notamment sur le terrain diplomatique : Haaretz fait état des intenses pressions qui sont exercées sur la Grèce (qui a d’autres soucis en ce moment et pour un certains temps encore).

Le quotidien indique par ailleurs que Netanyahou a donné des ordres de fermeté à l’armée : la flottille ne peut pas passer. Mais dans le même temps il aurait donné des instructions pour « éviter autant que possible » la reproduction du bain de sang qui s’était produit à bord du Mavi Marmara l’an dernier.

Aux Etats-Unis, le Département d’État (département gouvernemental des Affaires étrangères), dont la titulaire actuelle, Hillary Clinton, est sénatrice de New York (poste qu’il est impossible de conquérir et de conserver sans l’appui de la communauté juive locale, particulièrement puissante) vient de s’aviser que les citoyens étatsuniens qui se préparent à embarquer pourraient bien violer la législation de leur pays, parce qu’ils apporteraient – selon leur gouvernement – un soutien au Hamas. Or, cette organisation étant considérée comme « terroriste », ce prétendu soutien serait un délit fédéral passible d’amendes et de prison. Le moins que l’on puisse dire c’est que sous Obama les Etats-Unis sont moins que jamais l’arbitre impartial qui pourrait favoriser une solution politique du conflit israélo-palestinien…

Il est savoureux de voir, dans la vidéo suivante [CETTE VIDÉO N’EST HÉLAS PLUS DISPONIBLE], l’embarras la porte-parole du Département d’État face aux questions de journalistes américains, que ses explications ne convainquent manifestement pas. Ils insistent notamment pour savoir si le Département d’État américain considère que le blocus maritime imposé par Israël est légal, et comment cela se concilie avec une autre prise de position américaine récente qui mettait l’accent sur « la liberté de navigation » en Méditerranée (qui s’applique sans doute principalement aux bâtiments de guerre de l’OTAN qui attaquent la Libye…).

La porte-parole de Clinton cherche systématiquement à détourner les questions, et à aucun moment ne se hasarde à prétendre que ce blocus est légal (pour la bonne raison qu’elle sait qu’il ne l’est pas), refuse d’aborder la question du respect du droit international, mais en revient encore et encore à la possibilité d’acheminer l’aide humanitaire à Gaza « par un mécanisme agréé« , qui « garantisse que l’aide arrive à ceux à qui elle est destinée« . Agréé par qui ? Par Israël évidemment, dont on sait que les affirmations en la matière sont de purs mensonges.

Quoi qu’il advienne, on peut penser que sur le terrain de l’opinion publique, la bataille est déjà perdue pour les sionistes, sur quelque rive de l’Atlantique ou de la Méditerranée qu’ils se trouvent. Le discrédit d’Israël grandit de jour en jour, dans le monde entier. Sa « déligitimisation » est la conséquence inexorable de la politique de son gouvernement. Ou plus exactement de ses gouvernements successifs, dans la lignée directe desquels celui-ci s’inscrit à 95%.

Cette nouvelle flottille bénéficie d’une couverture médiatique sans commune mesure avec celle des précédentes initiatives contre le blocus de Gaza (rien qu’à bord du Tahrir il y aura 9 journalistes en plus des participants à l’opération), et l’appareil de propagande israélien pédale manifestement dans la semoule, alors qu’ils ont pourtant atteint un niveau d’expertise plus qu’enviable.

Mais cette « expertise » ne suffit plus, tant la « marchandise » qu’ils ont à vendre est avariée. Comme l’écrit Carlo Strenger dans Haaretz (voir ici), beaucoup de défenseurs acharnés d’Israël, juifs ou non, sont à court d’arguments et même de mots, pour défendre l’indéfendable.

En Belgique, le comble du cynisme et du ridicule a été atteint quand l’ambassade d’Israël Tamar Samash a accusé, dans une lettre adressée au »Soir », Josy Dubié d’avoir – quelle horreur ! – « la volonté de manipuler l’opinion publique à travers les média« , et de travestir la vérité à propos de Gaza, où à l’en croire personne ne manque de rien et nage dans le bonheur (merci le Hamas ?).

Josy Dubié, qui n’est pas connu pour avoir sa langue dans sa poche, réplique avec une courtoise ironie :

« Madame l’Ambassadrice,

Dans un courrier envoyé au journal Le Soir de ce mardi vous m’accusez de mensonges et de « manipulation de l’opinion publique » à propos de la situation des populations civiles de la bande de Gaza qui, selon vous, contrairement à ce que j’affirme, ne manquerait de rien. Un véritable « Club Med » baigné par la Méditerranée en quelque sorte.

Vous conviendrez que pour départager le fait de savoir qui de vous ou de moi ment, il y a lieu de recourir à un acteur impartial et neutre. Il existe, vous le citez d’ailleurs.

C’est le CICR, le Comité International de la Croix-Rouge de Genève, qui, depuis les premières Conventions humanitaires de 1864, puis celles de 1949 est chargé de surveiller leur application.

Or, il y moins d’un mois, exactement le 28 mai 2011, Mme De Rietmaten, membre du CICR, en poste à Gaza décrivait ainsi la situation dans la bande Gaza « … un million et demi de Gazaouis ne peuvent pas mener une existence normale et digne (…) Gaza est plus tributaire que jamais de l’aide extérieure.(…) Les limites strictes sur les importations et l’interdiction quasi absolue sur les exportations imposées par Israël rendent impossible la reprise économique. Le taux de chômage est actuellement de près de 40 % et restera très élevé tant que l’économie ne pourra pas reprendre (…)

Comme Israël conserve un contrôle effectif sur la bande de Gaza, en particulier en maintenant l’autorité sur le mouvement des personnes et biens, il doit s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu des règles du droit applicable en cas d’occupation et permettre à la population civile de mener une vie aussi normale que possible.(…) »

Madame l’Ambassadrice, mes trois compagnons et moi, qui embarqueront sur cette flottille chargée d’aide humanitaire à destination de Gaza, n’avons d’autre but que démontrer pacifiquement la violation par votre pays de la 4e Convention de Genève, base du Droit Humanitaire, relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre (12 août 1949). Elle interdit en effet explicitement dans son article 33 « les peines collectives » ce qui est bien le résultat du blocus imposé par votre pays à la population civile de Gaza depuis des années.

De plus, nous entendons nous conformer à la recommandation du Conseil de Sécurité des Nations Unies, responsable, en vertu de la Charte des Nations Unies, signée par Israël, du maintien et du rétablissement de la paix.

En effet dans sa résolution 1860 du 8 janvier 2009, qui a mis fin à la sanglante attaque israélienne « plomb durci », le Conseil de Sécurité « se félicite des initiatives visant à créer et ouvrir des couloirs humanitaires et autres mécanismes permettant un acheminement ininterrompu de l’aide humanitaire » (sic). C’est bien le but de notre flottille.

Madame l’Ambassadeur, votre gouvernement a annoncé qu’il empêcherait par la force notre flottille de rejoindre Gaza.

Nous n’avons à vous opposer que « la force du Droit ». Vous avez effectivement, vous, gouvernement israélien, le « droit de la force ». Sachez cependant que, pastichant Boris Vian, dans sa célèbre chanson « Le déserteur » : « Prévenez vos gendarmes, que nous n’aurons pas d’armes et qu’ils pourront tirer ! »

Josy Dubié           


* selon le rapport hebdomadaire de l’Office de coordination des Affaires humanitaires de l’ONU pour la Palestine occupée publié le 1er juin, l’ouverture du point de passage de Rafah avait permis le transit de 450 personnes qui sont sorties de la Bande de Gaza et de 409 qui y sont entrées depuis le 28 mai. Autrement dit, c’est assez négligeable. Dans le même rapport les services de l’ONU constatent que le volume de marchandises entées dans le  territoire de Gaza au cours des 5 premiers mois de l’année en provenance d’Israël n’a représenté que 40% de ce qu’il était au cours de la même période de 2007. L’importation de matériaux de construction reste sévèrement limitée par Israël, alors que l’agression de son armée en décembre 2008-janvier 2009 a détruit des milliers de logements et d’édifices publics (y compris des hôpitaux et des écoles). A propos d’hôpitaux, l’ONU relève, toujours dans ce même rapport, que la pénurié artificiellement créée à Gaza par Israël concerne au premier chef les produits médicaux, ce qui pose de sérieux problèmes pour les soins à apporter aux malades atteints de cancer ou d’affections cardiaques. Les chirurgiens doivent se contenter de ne traiter que les urgences, faut du matériel et des produits indispensables pour les opérations.

L’ONU note encore qu’Israël n’a pas autorisé la moindre exportation de marchandises pour la troisième semaine consécutive. La stratégie criminelle de l’étouffement vise directement la population et ne se relâche pas un instant, quels que soient les efforts israéliens pour créer l’illusion du contraire.

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