Abby Martin interviewe des Israéliens pour une vidéo pour The Empire Files (Les dossiers de l’Empire), un programme de TeleSUR
« Les Juifs ne devraient pas épouser des Arabes ».
« Je ne pense pas qu’il y ait la moindre réponse à cela, il n’y a qu’une seule manière, je les bombarderais jusqu’au dernier », propose un jeune homme en guise de solution au conflit entre Israël et les Palestiniens.
« Les Juifs devraient avoir le droit de haïr [les Arabes] », ajoute l’homme. « Je pense que nous avons le droit de les haïr. »
Il est l’un des Israéliens que l’on croise tous les jours dans les rues de Jérusalem et il est interviewé sur la vidéo ci-dessus, réalisée par Abby Martin, pour The Empire Files (Les dossiers de l’Empire), un programme de TeleSUR.
Un grand nombre d’entre eux sont des immigrés, ou des enfants d’immigrés, en provenance des États-Unis.
« Je pense qu’il nous faut (…) expulser les Arabes de force », dit une jeune femme qui, luttant pour exprimer ses opinions génocidaires en anglais, se tourne vers un ami pour lui demander son aide.
« Nous devons tuer les Arabes », parvient-elle à dire en anglais, et elle et son ami se mettent à rire bêtement.
« L’islam est une très mauvaise maladie, pas seulement pour Israël, mais pour le monde entier », dit un homme qui, un peu plus tard, se vante de la « gentillesse » avec laquelle Israël traite les Palestiniens et du respect des droits de l’homme par Israël.
Pas de mariages mixtes
Martin interviewe un jeune de Lehava, une organisation religieuse extrémiste dont les membres opèrent comme vigiles contre la miscégénération et se déchaînent dans toute la ville de Jérusalem pour harceler à tout moment les Palestiniens.
Le chef de Lehava a d’ailleurs lancé un appel afin qu’on incendie les églises et les mosquées.
Le jeune explique pourquoi le groupe est hostile aux mariages mixtes : « Les Juifs sont une nation spéciale et nous ne voulons pas que les Juifs se mélangent avec une autre nation. »
« Les Israéliens doivent prendre l’affaire en charge et ils doivent les expulser de force », suggère un autre homme. « Il serait préférable de ne pas les tuer, simplement de les renvoyer vers les pays arabes », ajoute-t-il en proposant ce qu’il pourrait considérer comme une touche de compassion.
« On ne peut pas traiter avec ces gens, ce n’est pas la peine d’essayer, il n’y a pas besoin de leur parler », dit un autre jeune. « Ce que nous pouvons faire, c’est riposter quand ils font du mal. C’est la guerre et c’est la situation que doit affronter chaque Juif en Israël. »
« Les Arabes, puissent leur nom et leur souvenir être effacés à jamais », dit un jeune religieux, répétant une phrase que l’on entend généralement dans la bouche des bandes d’extrémistes israéliens qui terrorisent les quartiers palestiniens.
Une personne plus âgée explique que Dieu punit les Juifs de leurs péchés : « Il a envoyé les nazis et, cette fois, il envoie les Palestiniens. »
La haine est tangible
Le film d’Abby Martin rappelle Feeling the Hate in Jerusalem (La haine est tangible à Jérusalem), une vidéo réalisée en 2009 par le journaliste Max Blumenthal. La vidéo présentait des jeunes Juifs de Jérusalem, dont de nombreux Américains, exprimant des points de vue violemment racistes à propos de Barack Obama, qui venait d’accéder à la présidence des États-Unis.
Après que la vidéo avait été visionnée des centaines de milliers de fois sur YouTube, le service de diffusion l’avait censurée. Les groupes de pression israéliens avaient prétendu qu’elle présentait une image déformée de la réalité.
Mais il y a de nombreuses preuves que les points de vue exprimés dans ce film et dans celui de Martin reflètent une réalité dans laquelle une bonne moitié des Juifs israéliens, en gros, se disent bel et bien en faveur de l’expulsion directe de la population palestinienne.
Et c’est peut-être précisément parce que de telles opinions sont si populaires que l’Union européenne à récemment recouru aux services d’Avishai Ivri, un « comédien » qui prône ouvertement le massacre massif des Palestiniens, comme façade d’une de ses vidéos de promotion destinée au public israélien.
Les dirigeants et députés israéliens corroborent ouvertement ces opinions en se livrant à l’incitation et en proposant leurs propres plans en vue du génocide.
L’endoctrinement sioniste
Bien des personnes interviewées par Martin répètent des thèmes familiers de la propagande sioniste : à savoir que les « Arabes » étaient des envahisseurs, que les Palestiniens n’ont aucun droit à la terre, que les Juifs sont « retournés » après des milliers d’années d’exil et qu’ils ont retrouvé une terre désolée, totalement à l’abandon.
Toutes ces allégations sont utilisées afin de rationaliser la politique violente de l’État, laquelle bénéficie du consentement très avide du peuple, comme le monde cette vidéo extraordinaire.
Martin s’est également entretenue avec l’activiste antisioniste israélien Ronnie Barkan, qui explique l’endoctrinement que subissent les Israéliens dès leur plus jeune âge, endoctrinement qui se solde par ce genre de haine violente.
« Le besoin de pratiquer la ségrégation et de ne pas interagir avec les Palestiniens fait partie de l’identité israélienne », déclare Barkan. « L’identité israélienne dépend du déni de l’identité palestinienne. »
Selon Barkan, une partie importante de la prétendue gauche israélienne est constituée de sionistes libéraux qui « parlent le langage de la paix et des droits de l’homme », mais dont les points de vue diffèrent peu en substance de ceux de ce qu’on considère comme la droite.
Pour illustrer la chose, Martin donne la parole à un homme de la rue dont les opinions sont modérées, comparées à d’autres. « Je pense que l’occupation ne joue pas un rôle, un rôle important, du moins », dit-il. « Je ne crois pas qu’il ne devrait pas y avoir d’occupation du tout mais, sous cette occupation, les choses devraient être plus humaines. »
Quand on lui demande comment il s’identifie politiquement, l’homme répond : « Oui, je suis de gauche. »
Action, et non désespoir
Regarder cette vidéo pourrait mener au désespoir de ne jamais voir la situation changer, étant donné l’extrémisme qui caractérise tant de personnes dans le camp de loin le plus puissant.
Mais Barkan met l’accent tout particulièrement sur l’action.
« Les points de vue des Israéliens sur la situation n’ont absolument rien à voir avec la question de savoir comment nous allons changer la situation », explique Barkan. « Quelle importance cela avait-il à l’époque de savoir ce que les blancs pensaient de l’apartheid ? La question, c’est de savoir comment nous allons mettre un terme à cet apartheid. »
Cette position est étayée par des preuves. Les Sud-Africains blancs avaient rejeté à une grande majorité les appels à renoncer à leur pouvoir et ce, jusqu’au jour à peu près où s’est produite une transition démocratique vers un État non racial.
Ce qui a importé, à la fin, c’est que l’Afrique du Sud de l’apartheid se soit retrouvée isolée et qu’elle n’ait plus pu maintenir son système raciste face à la résistance internationale et mondiale croissante.
L’appel émanant des Palestiniens aujourd’hui est inspiré par cette histoire : boycott, désinvestissement et sanctions, voilà la façon d’accroître la pression et de changer la réalité choquante révélée dans cette vidéo.
Ali Abunimah, cofondateur de The Electronic Intifada, est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine, paru chez Haymarket Books.
Il a aussi écrit : One Country: A Bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impass
Publié le 2/10/2017 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal
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