Ce jeudi 11 janvier 2018, la prisonnière palestinienne Israa Jaabis a comparu devant la Haute Cour de l’occupation israélienne, en appel contre sa condamnation à 11 ans d’emprisonnement. Israa Jaabis a invoqué ses graves blessures et son mauvais état de santé général, alors que ses souffrances n’ont fait que s’intensifier en raison des conditions de détention à la prison de HaSharon, où elle a été incarcérée.
Ses avocats ont déclaré qu’elle avait fait l’objet d’une sentence très longue et arbitraire qui n’avait guère tenu compte de la réalité des charges retenues contre leur cliente, ni de ses douleurs et souffrances intenses.
Le cas de Jaabis a suscité un regain d’attention dans les médias sociaux et, la semaine dernière, de nombreux activistes ont mis en exergue les hashtags #FreeIsraa et #HelpIsraa afin de soutenir son appel et promouvoir la campagne en faveur de sa libération. La cour a entendu les arguments de la défense et du ministère public, mais n’a pas fixé de date à sa décision.
L’histoire d’Israa Jaabis est une tragédie humaine provoquée par l’occupation, le racisme, l’oppression et l’injustice. Jaabis, qui est mère d’un enfant de 9 ans, a été arrêtée en octobre 2015 à proximité du check-point d’al-Zaim, à l’entrée de Jérusalem. Jaabis est titulaire d’une carte d’identité de Jérusalem, mais vivait en Cisjordanie avec sa famille et son fils qui, lui, a une carte d’identité cisjordanienne.
Il a été dit qu’elle avait été informée qu’elle perdrait sa carte d’identité de Jérusalem, si elle n’y emménageait pas de nouveau – cela fait partie des tentatives systématiques et habituelles d’Israël d’effacer toute présence palestinienne à Jérusalem – et elle avait donc été obligée de vivre séparée de son enfant.
Elle avait loué un appartement à Jabal al-Mukabber et était occupée à déménager ses biens essentiels dans son appartement, biens parmi lesquels figurait une bonbonne de gaz destinée à alimenter un poêle. Alors qu’elle s’approchait du check-point, la bonbonne de gaz avait pris feu après qu’un airbag s’était brusquement ouvert à l’intérieur de son véhicule.
Jaabis avait été gravement brûlée sur 60 pour 100 du corps, mais les forces d’occupation sur place avaient traité la situation comme s’il s’était agi d’un « attentat terroriste » et non comme une urgence médicale.
Au lieu d’appeler une ambulance, ce sont les forces de sécurité et la police, qu’on avait amenées sur les lieux.
Malgré les rapports initiaux établissant qu’il s’agissait d’un accident de la circulation, les médias israéliens avaient rapporté qu’il s’agissait d’une opération visant des soldats israéliens.
Alors qu’elle était hospitalisée et qu’on l’avait amputée de huit doigts, Jaabis avait été envoyée en prison et accusée de « tentative de meurtre » contre les forces israéliennes d’occupation en poste au check-point.
Le ministère public israélien avait prétendu que les messages publiés dans les médias sociaux et exprimant leur soutien à la résistance palestinienne et autres opinions politiques méritaient bien cette sentence très lourde de 11 ans.
L’histoire de Jaabis combine la terreur de l’emprisonnement colonial et l’épuration ethnique de Jérusalem en même temps que la violence permanente infligée par le colonialisme israélien aux familles palestiniennes, et plus particulièrement aux femmes et aux enfants.
De sa prison et par l’intermédiaire de sa soeur Mona, Jaabis a fait passer un message disant qu’elle avait besoin de toute urgence de plus de huit opérations, qu’elle souffrait de douleurs insupportables aux mains et aux pieds, surtout depuis l’amputation de ses doigts, et qu’elle était incapable de s’occuper efficacement d’elle-même.
Voici le message d’Israa :
« Quant à ma santé, voici ce qu’il en est : J’ai des crampes très douloureuses aux mains et aux pieds et elles m’empêchent d’assumer mes tâches journalières. J’ai besoin de l’aide des autres filles pour faire les choses les plus simples. Cela me blesse et me donne l’impression d’être moins que les autres. Je me sens humiliée et honteuse. Et j’ai besoin d’urgence qu’on m’opère afin de soulager ces crampes et ces crises et de me permettre d’assumer mes simples tâches journalières. Depuis que j’ai été arrêtée, l’administration ici a toujours reporté les choses à plus tard. Ils disent chaque mois que l’opération va avoir lieu, mais rien ne vient et ma situation empire de jour en jour.
« Chaque jour, je regarde le miroir et je me sens muette et mon âme est désemparée chaque fois. J’ai besoin d’un traitement pour pouvoir faire face à cette réalité douloureuse. J’ai peur de mon visage quand je me regarde dans le miroir. Qu’en est-il des autres ? Que dit mon enfant quand il me voit ? Est-ce que je vous effraie ? Des milliers de questions me passent par la tête chaque jour et je ne puis trouver de réponse. Je me sens effrayée, humiliée et angoissée. J’essaie de m’aider moi-même, mais en vain.
« J’ai besoin d’un traitement, j’ai besoin d’être opérée de façon à pouvoir vivre avec cette situation difficile… Je dois vivre avec ces blessures presque fatales et je pourrais le faire si ces opérations pouvaient être pratiquées en même temps qu’un traitement humain. Pour l’instant, je ne puis même pas porter une attelle qui couvre les brûlures parce que c’est très douloureux de la porter, du fait qu’elle est déformée et que l’administration de la prison ne veut pas m’aider.
« Je saigne à un œil et je ressens une grande douleur chaque fois qu’il est exposé à l’air ou que je me lave les yeux à l’eau. J’ai besoin d’urgence d’un traitement aux yeux et, une fois de plus, il n’y a pas de réponse. Mon nez a été brûlé à l’intérieur et je dois respirer avec la bouche ou par un très fin trou dans le nez. J’ai le nez qui saigne et je ne reçois pas le moindre traitement, bien que mon état empire chaque jour.
« Mes dents sont très mauvaises, elles ont été brisées et j’ai demandé un traitement à l’extérieur. Après de longues tracasseries, la direction a été d’accord de permettre à un dentiste de l’extérieur de venir, mais il n’est venu qu’une seule fois et ne vient plus. Je ne puis lever les bras, les mouvements de mes bras sont limités du fait que la peau a été brûlée jusqu’aux aisselles, et la direction et les médecins n’essaient pas de m’aider. J’ai des démangeaisons douloureuses aux pieds, mon oreille droite n’existe pour ainsi dire plus et j’ai souvent de graves infections. J’ai besoin d’urgence d’une opération à l’oreille et tout le monde ignore la situation.
« Je suis très lasse de tout cet état intérieur et mon manque permanent de tout me fait très mal. Je me sens insultée, embarrassée et ma situation empire de jour en jour. Parfois, je crie et je hurle et j’explose en raison de ma situation et j’ai besoin également d’aide psychologique. Mon état psychologique m’a privé de mon désir de manger au point que je ne veux plus manger. J’ai tant de pression dans la tête et je ne comprends pas de quoi parlent les autres en face de moi, et je perds toute concentration.
« L’administration m’a dit qu’elle m’empêcherait de recevoir les visites de mon fils. On me dit que je dois subir des tests sanguins, mais ils n’ont jamais lieu. J’espère que tout le monde lira mon message. Je ne suis pas une détenue normale, qui ne souffre que de la prison. Je souffre de bien plus que de l’injustice du geôlier, ma situation est déjà très pénible pour des personnes qui vivent chez elles, à plus forte raison pour quelqu’un qui est en prison. »
Publié le 13/1/2018 sur Samidoun Palestinian Prisoner Solidarity Network
Traduction : Jean-Marie Flémal
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