Israël arme les néonazis en Ukraine

La propagande en ligne du bataillon Azov montre des fusils Tavor (sous licence israélienne) dans les mains des membres du groupe fasciste, alors que les activistes israéliens des droits de l’homme ont protesté contre les ventes d’armes à l’Ukraine en prétendant que ces armes pourraient équiper des milices antisémites.

Des armes israéliennes équipent une milice néonazie déjà lourdement armée en Ukraine
Le bataillon Azov a repris le symbole nazi Wolfsangel comme logo. Son fondateur, Andriy Biletsky (au centre) a entrepris des démarches pour faire interdire les « mélanges raciaux » par le Parlement ukrainien. (Photo : Azov/Twitter)

Dans une lettre obtenue par The Electronic Intifada et qui concerne « les licences pour l’Ukraine », l’agence d’exportation d’armes du ministère israélien de la Défense dit qu’elle est « prudente dans son octroi de licences » à des exportateurs d’armes et ce, « en coordination totale avec le ministère des Affaires étrangères et d’autres entités gouvernementales ».

Cette lettre, datée du 26 juin, a été adressée en réponse à l’avocat israélien Eitay Mack, qui avait rédigé une requête détaillée demandant à Israël de mettre un terme à toute forme d’aide militaire à ce pays.

Le statut officiel du bataillon Azov au sein des forces armées ukrainiennes signifie qu’on ne peut vérifier si « des armes et des formations d’entraînement israéliennes » ne sont pas utilisées « par des militaires antisémites ou néonazis », ont écrit Mack et 35 autres activistes des droits de l’homme.

Ils avaient écrit que les forces armées ukrainiennes utilisaient des fusils fabriqués en Israël « et qu’elles étaient entraînées par des Israéliens », selon certains rapports émanant du pays même.

La responsable de l’agence d’exportation d’armes israéliennes a refusé de démentir ces rapports ou même de discuter de l’annulation des licences d’armes, en invoquant des préoccupations « sécuritaires ».

Mais Racheli Chen, la responsable de l’agence, a confirmé à Mack qu’elle avait « lu attentivement sa lettre », qui exposait en détail la nature fasciste du bataillon Azov ainsi que les rapports sur les armes et les formations d’entraînement israéliennes.

Des fusils israéliens en Ukraine

Le fait que des armes israéliennes sont livrées à des néonazis ukrainiens est appuyé par la propagande en ligne du bataillon Azov même.

Sur sa chaîne YouTube, Azov a posté un « reportage » vidéo de copies produites localement de deux fusils israéliens Tavor – qu’on peut voir dans la vidéo que voici :

Une photo publiée sur le site internet d’Azov montre également un fusil Tavor dans les mains d’un des officiers de la milice.

Les fusils sont produits sous une licence accordée par Israel Weapon Industries (IWI) et, à ce titre, la chose aurait été autorisée par le gouvernement israélien.

IWI commercialise le Tavor en sa qualité de « principale arme » des forces spéciales israéliennes.

Ce fusil a été utilisé lors des massacres récents de Palestiniens non armés participant aux manifestations de la Grande Marche du Retour à Gaza.

Fort, la société d’armes de l’État ukrainien qui produit les fusils sous licence, consacre une page au Tavor sur son site internet.

Le logo d’IWI apparaît également sur ce site, y compris sur la page intitulée « Nos partenaires ».

Après avoir débuté en tant que bande de voyous fascistes, le bataillon Azov est devenu l’une des diverses milices d’extrême droite qui, désormais, sont intégrées sous forme d’unités à la Garde nationale ukrainienne.

Résolument anti-russe, Azov a combattu la police anti-émeute au cours des manifestations « Euromaidan » qui s’étaient déroulées dans la capitale Kiev en 2013 et qui étaient soutenues par les États-Unis et par l’Union européenne.

Ces manifestations et émeutes avaient jeté les bases du coup d’État de 2014 qui avait renversé le président prorusse Viktor Ianoukovytch.

Cette photo en provenance du site internet d’Azov montre un officier de la milice néonazie armé d’une version du fusil israélien Tavor. Le Tavor est fabriqué par l’usine d’armes de l’État ukrainien Fort, sous licence octroyée par Israël. (Photo : Site bataillon Azov)

Quand la guerre civile a débuté dans l’Est de l’Ukraine contre les séparatistes soutenus par les Russes, le nouveau gouvernement – soutenu, lui, par l’Occident – a décidé d’armer Azov. La milice est bien vite passée sous la juridiction du ministère ukrainien de l’Intérieur et a participé à certains des combats de front les plus intenses contre les séparatistes.

Le groupe est accusé dans des rapports des Nations unies et de Human Rights Watch d’avoir commis des crimes de guerre contre des séparatistes prorusses durant la guerre civile, toujours en cours, dans la région du Donbass, à l’est. Parmi ces crimes figurent torture, violence sexuelle, ciblage d’habitations civiles.

Aujourd’hui, Azov est dirigé par Arsen Avakov, le ministre ukrainien de l’Intérieur. Selon la BBC, c’est lui qui paie les combattants et il a désigné l’un de ses commandants militaires, Vadym Troyan, comme son adjoint – chargé de contrôler la police.

L’an dernier, Avakov a rencontré le ministre israélien de l’Intérieur, Aryeh Deri, afin de discuter d’une « coopératiuon fructueuse ».

Le jeune fondateur et premier commandant militaire d’Avoz, Andriy Biletsky, est aujourd’hui député au Parlement ukrainien.

Comme l’expliquait le journaliste Max Blumenthal sur The Real News, en février dernier, Biletsky a « juré de restaurer l’honneur de la race blanche » et il a proposé des lois interdisant le « mélange racial ».

En 2014, selon The Telegraph, Biletsky a écrit que « la mission historique de notre nation en cette période critique est de diriger les races blanches du monde dans une croisade finale pour leur survie. Une croisade contre les Untermenschen dirigés par les Sémites ».

L’an dernier, dans un camp militaire pour enfants, The Guardian a remarqué plusieurs instructeurs d’Azov portant des tatouages nazis et autres, y compris une croix gammée, le symbole SS de la tête de mort et les mots « Fierté blanche ».

Un soldat d’Azov a expliqué au Guardian qu’il combattait la Russie parce que « Poutine était juif ».

S’adressant au Telegraph, un autre a fait l’éloge d’Adolf Hitler, a déclaré que l’homosexualité était une « maladie mentale » et que les proportions de l’Holocauste étaient « une grosse question ».

Un sergent instructeur d’Azov déclara un jour « en riant » à USA Today que « pas plus de la moitié de ses camarades n’étaient des nazis ».

Un porte-parole d’Azov réduisit ce chiffre, prétendant que « seuls 10 ou 20 pour 100 » des membres du groupe étaient des nazis.

Néanmoins, le sergent « souhaita, lorsque la guerre serait terminée, que ses camarades marchent sur la capitale, Kiev, afin de chasser un gouvernement qu’ils estiment corrompu ».

Après l’entrée au Parlement du fondateur d’Azov, Andriy Biletsky, l’homme menaça de le dissoudre. « Croyez-moi sur parole », dit-il, « nous nous sommes rassemblés ici pour entamer le combat pour le pouvoir. »

Ces promesses avaient été faites en 2014, mais des signes précoces montrent qu’elles commencent à se réaliser aujourd’hui.

Cette année, le bataillon a créé une nouvelle « Milice nationale » afin d’amener la guerre dans la pays.

Cette bande bien organisée est aux premières lignes d’une vague croissante de violence raciste et antisémite en Ukraine.

Dirigée par ses vétérans militaires, elle se spécialise dans les pogroms et la mise en application par la violence de son agenda politique.

Au début de ce mois, coiffés de cagoules et brandissant des haches et des battes de baseball, des membres du groupe ont détruit un camp de Roms à Kiev. Dans une vidéo publiée sur YouTube et apparemment filmée par les hommes de main d’Azov eux-mêmes, on voit la police arriver sur les lieux à la fin de la destruction du camp.

Elle regarde sans rien faire, pendant que les voyous scandent : « Gloire à la nation ! Mort aux ennemis ! »

L’an dernier, le ministre israélien de la Défense Avigdor Lieberman (à gauche) a rencontré le Premier ministre ukrainien afin de discuter de liens militaires plus étroits. (Photo : Portail du gouvernement ukrainien)

L’aide militaire d’Israël à l’Ukraine et à ses néonazis suscite des programmes similaires de la part des États-Unis et d’autres pays de l‘Otan, dont le Royaume-Uni et le Canada.

Ils sont tellement obsédés de venir à bout de la menace qu’ils perçoivent du côté de la Russie qu’ils semblent heureux d’aider même des milices ouvertement nazies – pourvu qu’elles se battent à leurs côtés.

C’est également un retour au début de la guerre froide, lorsque la CIA soutenait les fascistes et les hitlériens s’infiltrant en Hongrie depuis l’Autriche en 1956, quand ils s’étaient mis à massacrer les Juifs communistes hongrois et les Juifs hongrois qu’ils présentaient comme des « communistes ».

Des publications récentes sur les sites d’Azov font état d’une réunion en juin avec l’attaché militaire canadien, le colonel Brian Irwin.

Selon Azov, les Canadiens ont clôturé la rencontre en exprimant « leurs espoirs de coopération fructueuse ».

Irwin a reconnu avoir reçu un courriel de la part de The Electronic Intifada, mais il n’a pas répondu aux questions concernant sa rencontre avec la milice fasciste.

Plus tard, un porte-parole du département canadien de la Défense a envoyé une déclaration prétendant que leurs « formations d’entraînement des Forces armées ukraniennes, par le biais de l’opération Unifier, comportaient de solides éléments sur les droits de l’homme ».

Ils ont également dit que le Canada était « fortement opposé à la glorification du nazisme et de toute forme de racisme », mais que « chaque pays devait ariver à maîtriser les périodes difficiles de son passé ».

Le porte-parole, qui n’a pas cité de nom, a écrit que les formations d’entraînement canadiennes « comprenaient un dialogue permanent sur le développement d’une Ukraine diversifiée et inclusive ».

La déclaration n’a rien dit de la façon dont une supposée formation canadienne sur la diversité allait se dérouler avec le bataillon Azov.

Parmi les gens rencontrés par le colonel Irwin figurait le responsable de l’académie de formation des officiers d’Azov, une institution portant le nom du nationaliste ukrainien de droite Yevhen Konovalets.

Konovalets est l’une des idoles du groupe et son portrait se retrouve souvent dans l’iconographie militaire d’Azov.

Konovalets fut le fondateur de l’Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN), laquelle, plus tard, s’allia à l’Allemagne nazie et participa au tristement célèbre massacre de Lviv, en 1941, au moment où les nazis envahirent le territoire soviétique.

Durant ce pogrom, des milliers de Juifs furent massacrés dans cette ville qui, aujourd’hui, fait partie de l’Ukraine.

L’aide américaine aux nazis

Naturellement, le Canada n’est pas le seul « allié » de l’Otan à envoyer des armes à l’Ukraine.

Comme l’a rapporté Max Blumenthal de façon détaillée, des armes américaines, dont des grenades propulsées par roquettes, ainsi que des formations d’entraînement, ont été fournies à Azov.

Sous les pressions du Pentagone, une clause du projet de loi de défense renouvelé chaque année et interdisant à l’aide américaine fournie à l’Ukraine d’aller au bataillon Azov a été supprimée à diverses reprises.

Ce fut le cas durant trois années d’affilée avant que le député démocrate Ro Khanna et d’autres ne la fassent à nouveau approuver au début de cette année.

Pour sa peine, Khanna s’est fait traiter à Washington de « vendu de K Street » 1) « lavant le linge sale de Poutine ».

En dépit de l’interdiction finalement adoptée, le statut d’Azov en tant qu’unité officielle des forces armées ukrainiennes laisse un flou dans la façon dont l’aide américaine peut être répartie.

En 2014, le groupe de lobbying israélien ADL et le Centre Simon Wiesenthal ont refusé de contribuer à une précédente tentative d’interdire l’aide américaine aux groupes néonazis en Ukraine.

Photo aujourd’hui effacée d’un site internet d’Azov montrant des grenades propulsées par roquettes, fabriquées sous licence américaine, et bel et bien livrées à la milice néonazie. (Photo : Azov)

Le groupe de pression israélien ADL prétendit qu’« on devrait concentrer son attention sur la Russie », tandis que le Centre Wiesenthal fit remarquer que d’autres dirigeants d’extrême droite s’étaient rencontrés à l’ambassade d’Israël en Ukraine – comme si cela, d’une façon ou d’une autre, les absolvait de leurs points de vue antisémites.

Les tentatives de certains membres du Congrès d’interdire l’aide militaire américaine aux nazis en Ukraine peuvent expliquer l’aide militaire en provenance d’Israël.

« La coopération militaro-technique de plus en plus étroite » d’Israël avec l’Ukraine et ses milices fascistes constitue vraisemblablement une manière d’aider son partenaire à la Maison-Blanche et c’est une autre facette de l’alliance croissante entre les sionistes et les suprémacistes blancs.

Israël a agi historiquement comme une voie utile par laquelle les présidents américains et la CIA peuvent contourner les restrictions décidées par le Congrès à propos de l’aide à divers groupes et gouvernements plus que louches un peu partout dans le monde.

Dans l’Amérique latine des années 1980, on retrouvait parmi ces groupes les Contras, qui menaient une guerre contre le gouvernement révolutionnaire de gauche du Nicaragua, de même que tout un ramassis d’autres escadrons de la mort fascistes et de dictatures militaires.

Faisait également partie de ce groupe le régime d’apartheid sud-africain, que les gouvernements israéliens, tant de la « gauche sioniste » que du Likoud, de droite, ont armé durant des décennies.

Cité dans le livre d’Andrew et Leslie Cockburn, Dangerous Liaison, un ancien membre du Parlement israélien, le général Mattityahu Peled, a résumé la chose succinctement : « En Amérique centrale, Israël sous-traite les  »sales boulots » pour le compte de l’administration américaine. Israël agit comme un complice et un bras des États-Unis. »

En pleine recrudescence de l’antisémitisme et du néonazisme, il s’avère qu’Israël, désormais, reprend ce rôle en Europe de l’Est.


Publié le 4/7/2018 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal

Asa Winstanley est rédacteur associé à The Electronic Intifada.

asa winstanleyIl est journaliste freelance installé à Londres et  a vécu en Palestine occupée, où il a réalisé des reportages. Son premier ouvrage : Corporate Complicity in Israel’s Occupation (La complicité des sociétés dans l’occupation israélienne) a été publié chez Pluto Press. Sa rubrique Palestine is Still the Issue (La Palestine constitue toujours la question) est publiée chaque mois. Son site Internet est le suivant : www.winstanleys.org

Vous trouverez plusieurs autres de ses articles sur ce site.

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