Associer BDS à l’antisémitisme est un hoax

Le rapport supposé entre BDS et l’anti-sémitisme n’est qu’un hoax commis par ceux qui désespèrent de réduire au silence le mouvement croissant en faveur de la liberté des Palestiniens.

Associer BDS à l'antisémitisme est un hoax

Des activistes appellent au boycott d’Israël. (Photo : via BDSMovement.net)

En novembre dernier, le Conseil de borough (municipalité) de Highland Park, dans le New Jersey, a rejeté une résolution litigieuse condamnant l’antisémitisme.

Pourquoi ? Parce que les partisans d’Israël dans cette municipalité insistaient pour que la résolution condamne spécifiquement l’appel palestinien au boycott, au désinvestissement et aux sanctions (BDS) contre Israël.

Le conseil a eu raison de rejeter une résolution comportant cette disposition.

En réalité, l’appel BDS de 2005, calqué sur l’ancien appel BDS contre l’Afrique du Sud de l’apartheid, est une campagne s’appuyant sur les droits, en faveur de la justice et de l’égalité, et qui condamne explicitement l’antisémitisme, en même temps que toutes formes de racisme.

BDS réclame

-la fin de l’occupation israélienne dans les territoires de 1967,
-la pleine égalité pour les Palestiniens de citoyenneté israélienne (aujourd’hui, plus de 65 lois israéliennes sont discriminatoires à l’égard des Palestiniens de toute la Palestine historique),
-le droit au retour pour les réfugiés palestiniens chassés de leurs foyers au cours de la Nakba (la « Catastrophe ») de 1948 orchestrée en vue de préparer la création de l’État d’Israël.

Ces revendications constituent les premières démarches cruciales du démantèlement du régime israélien d’apartheid dans lequel, pour reprendre les termes de l’historien israélien Ilan Pappé,

« la valeur de la supériorité et de la suprématie ethniques prévaut sur toute autre valeur humaine et civile ».

En bref, BDS rejette le sionisme – une idéologie coloniale d’implantation qui réclame un État suprémaciste juif en Palestine – et non le judaïsme ou les juifs.

Incapable de réfuter cette distinction, les partisans d’Israël sont bien décidés à l’effacer en créant en même temps un ensemble percutant de lois, de résolutions et de mesures apparentées, dont plusieurs au New Jersey même (voir les projets 4001 et 4169 sur l’ « antisémitisme » déposés au Sénat).

Cette campagne de guerre juridique est soutenue par la « définition de travail de l’antisémitisme » (2016) de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (International Holocaust Remembrance Alliance’s (IHRA)) – telle qu’elle a été adoptée par les départements d’État et de l’Éducation de Trump – selon laquelle l’antisionisme, ou même des critiques moindres à l’égard d’Israël, sont répertoriées comme intrinsèquement antisémites.

Le récent Ordre exécutif de Donald Trump démontre avec une froide clarté comment la définition fabriquée de toutes pièces de l’IHRA, implicitement incorporée par l’ordre, se muera en arme afin de menacer des expressions protégées par la constitution.

Derrière la ruse du « combat contre l’antisémitisme » sur les campus des universités, l’ordre resitue effectivement le soutien à l’antisionisme comme une violation de l’article VI des protections des droits civils.

« L’ordre », écrit Joshua Leifer dans Jewish Currents,

« tourne en dérision la loi contre la discrimination, posant ainsi la base du scénario absurde quoique parfaitement imaginable dans lequel une grand-mère de réfugié palestinien chassée de Galilée en 1948 peut passer pour avoir violé les droits civils d’un Juif américain de la quatrième génération du fait qu’elle aurait prétendu que « l’existence de l’État d’Israël est une initiative raciste » – l’un des exemples spécifiques d’antisémitisme de l’AIMH. »

La montée d’une rhétorique et d’une violence purement antisémites dans ce pays constitue une réalité effrayante, à l’instar de ce que nous rappellent le massacre de la synagogue Tree of Life à Pittsburgh, le rassemblement de Charlottesville proclamant « les juifs ne nous remplaceront pas » et d’autres événements récents.

Mais la responsabilité de la résurgence de l’antisémitisme incombe à un mouvement de la droite alternative nationaliste blanche étroitement liée au régime de Trump, qui n’a cessé de l’encourager.

Comme le fait remarquer l’intellectuelle et analyste politique de la diaspora palestinienne Nada Elia, quelques attaques récentes peuvent également résulter d’autres sources qui ont repris des éléments de ce « discours antisémite redynamisé ».

Le mouvement pour les droits palestiniens a dénoncé à de maintes reprises ces attaques antisémites.

En effet, la droite alternative tire son inspiration de l’ethnonationalisme d’Israël et du sionisme, et non pas de la lutte antiraciste des Palestiniens autochtones.

En dépit des dénonciations exprimées par le mouvement, les sionistes ont exploité le climat actuel pour diffamer plus encore BDS.

Le 9 janvier, des sponsors du congrès ont introduit la Résolution 782 favorable à Israël et qui accuse à tort BDS, sans explication ni preuve, d’« exposer » des étudiants à l’« antisémitisme rampant » sur les campus des universités de tout le pays.

Le message ne pouvait être plus clair : si vous vous opposez à l’apartheid sioniste, vous serez sali en tant que judéophobe.

Omar Barghouti, cofondateur de BDS, prône

« un seul État démocratique qui reconnaît et accepte les Israéliens juifs en tant que citoyens et partenaires à part entière de la construction et du développement d’une nouvelle société mixte, libre de toute soumission coloniale et discrimination raciale, et qui sépare l’Église et l’État ».

BDS contribue à déblayer la voie menant à cette vision de la justice dans toute la Palestine historique.

Ceux qui calomnient BDS ne comprennent ni l’antisémisitme ni la justice.


Publié le 13 février 2020 sur Mondoweiss
Traduction : Jean-Marie Flémal

Cet article a été publié initialement le mois dernier sous forme d’éditorial dans The Star-Ledger, un quotidien du New Jersey.

L’auteur, David Letwin travaille avec Jews for Palestinian Right of Return (Juifs pour le droit des Palestiniens au retour).
Il a été publié en ligne sur The Electronic Intifada, Mondoweiss, The Sabbah Report et Socialist Worker.

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