Les Pays-Bas récompensent Israël pour avoir tué des enfants de Gaza

Les Pays-Bas récompensent Israël pour avoir tué des dizaines d’enfants palestiniens dans la bande de Gaza, en mai dernier.

Telle est la seule conclusion raisonnable que l’on peut tirer après que la monarchie nord-européenne a annoncé un nouvel accord de « coopération sécuritaire » avec l’État d’apartheid israélien.

 

Des sauveteurs palestiniens retirent un survivant des décombres d’un immeuble résidentiel de Gaza, le 16 mai. Les frappes aériennes israéliennes contre des habitations du quartier d’al-Rimal ce jour-là ont tué plus de 40 personnes, dont 18 enfants. (Photo : Ashraf Amra APA images)

 

Ali Abunimah, 18 octobre 2021

Hans Docter, l’ambassadeur des Pays-Bas à Tel-Aviv, a signé l’accord en compagnie du ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, la semaine dernière.

Il assure un « cadre de collaboration » entre les armées des deux pays, a déclaré le ministre hollandais de la Défense.

Il s’avère que ce resserrement des liens entre les Pays-Bas et Israël est une répétition de la façon dont naguère, durant des décennies, les Pays-Bas avaient déjà privilégié d’étroits liens avec le régime suprémaciste blanc de l’Afrique du Sud.

À deux reprises, Gantz a perpétré d’importants massacres de Palestiniens dans la bande de Gaza, en tant que chef d’état-major de l’armée, en 2014, et en tant que ministre de la Défense, plus tôt cette année, après avoir garanti que « pas une personne, pas une zone, pas un quartier de Gaza n’étaient à l’abri ». 

Cette promesse, il l’a tenue : Des familles entières ont été anéanties suite au ciblage délibéré par Israël d’immeubles résidentiels.  

Parmi les quelque 260 Palestiniens tués durant les 11 jours de l’offensive israélienne en mai figuraient plus de 60 enfants.

Au cours de l’attaque la plus meurtrière, contre des immeubles résidentiels de la rue al-Wihda à Gaza, le 16 mai, Israël a bombardé et tué au moins 44 personnes, dont 18 enfants.

Plusieurs générations dans de multiples familles ont été complètement décimées.

Un procès civil intenté contre Gantz pour avoir tué la famille du citoyen palestino-hollandais Ismail Ziada en 2014 est toujours en cours devant les tribunaux hollandais.

 

Des armes testées sur les Palestiniens

Le ministre de la Défense, à La Haye, prétend que la « coopération militaire entre les Pays-Bas et Israël vise surtout un échange de savoir ».

Ce serait déjà assez déplorable si c’était vrai, mais il existe également un énorme et profitable commerce d’armes.  

En janvier, les Pays-Bas ont signé un contrat de 24 millions de USD avec le fabricant d’armes israélien Elbit Systems, portant sur des « vehicular tactical computers » (ordinateurs tactiques destinés à des véhicules).

Le mois suivant, les Hollandais ont signé un contrat de 82 millions de USD concernant le « système de protection » Iron Fist (poing de fer) israélien pour véhicules blindés.

Ce système a été développé à l’origine par Israel Military Industries pour les véhicules blindés de combat Eitan et les bulldozers blindés D9 déployés par Israël.

Cela signifie qu’à l’instar de la plupart des autres armes israéliennes, il a presque certainement été testé d’abord sur les Palestiniens.   

 

« Un marché clé »

En effet, le véhicule blindé Eitan est soumis à une « modernisation » s’appuyant sur les « leçons » tirées par Israël de l’invasion de Gaza en 2014, laquelle tua 2 200 Palestiniens, dont plus de 550 enfants.

Le bulldozer blindé D9, fabriqué par Caterpillar, est depuis longtemps célèbre pour la façon dont Israël l’utilise pour démolir les maisons et les terres palestiniennes et pour perpétrer des exécutions extrajudiciaires dans le cadre de ce qu’on a appelé la « procédure de la casserole à pression » appliquée par l’armée israélienne.

L’armée hollandaise va désormais tirer profit des innovations issues de la perpétration de ces crimes.

En compagnie du Luxembourg et de la Belgique, les Pays-Bas ont signé en 2015 un contrat de 150 millions de USD afin qu’Elbit équipe leurs soldats de « smart vests » (gilets intelligents).  

Il n’est guère étonnant que le directeur exécutif d’Elbit, Elad Aharonson, qualifie les Pays-Bas de « marché clé ».   

Le gouvernement hollandais n’a pas autorisé son commerce d’armes avec un régime d’apartheid pour se mêler dans sa propagande de la façon dont le pays des tulipes, des sabots et des moulins à vent fait la promotion de la « paix » et de la « justice » au niveau international.

 

Prendre fait et cause pour l’apartheid sud-africain

Contrairement à l’image de démocratie moderne et tolérante dont ils se targuent, les Pays-Bas ont toujours eu un horrible palmarès sur le plan des droits humains, y compris des siècles d’atrocités coloniales en Indonésie, qui se sont prolongées très loin dans le 20e siècle.

Des décennies durant, les gouvernements hollandais successifs ont protégé le régime d’apartheid de l’Afrique du Sud des pressions internationales et des appels émis par le public hollandais afin que soient appliquées des sanctions.

Jusqu’au début des années 1980, l’État hollandais a payé ses citoyens blancs afin qu’ils émigrent vers l’Afrique du Sud, dans le cadre d’une politique initialement adoptée afin d’alléger la pression économique interne qui avait suivi la Seconde Guerre mondiale.

Mais les subsides alloués aux citoyens hollandais afin qu’ils bénéficient dans la ségrégation d’une existence privilégiée de colons au détriment des Sud-Africains noirs ont continué pendant des décennies et ce, même en dépit des objections soulevées depuis les années 1950 au moins contre l’immoralité de cette politique.   

Ceci ne représenta qu’une partie de l’accord conscient des Pays-Bas avec l’Afrique du Sud de l’apartheid, accord qui comprit des échanges académiques et scientifiques et la signature en 1953 d’un « accord culturel » qui, finalement, ne fut abrogé qu’en 1981.

Plus récemment, sont apparues de fortes preuves de la complicité hollandaise dans les « vols de torture » de la CIA durant la « guerre contre le terrorisme » dirigée par les États-Unis.

Mais certaines personnalités publiques du pays insistent auprès de leur gouvernement pour qu’il cesse d’acheter des armes à Israël – des armes dont la publicité, de façon typique, dit qu’elles ont été « pleinement testées au combat ».

Les achats hollandais soutiennent

« une industrie qui s’est développée au détriment d’une population palestinienne vivant sous occupation israélienne depuis des décennies »,

ont écrit deux anciens ministres du gouvernement et un ancien ambassadeur dans une tribune commune publiée dans le journal De Volkskrant après la signature des tout derniers contrats d’armement.

Ils font remarquer qu’Israël a été un important fournisseur d’armes à d’autres régimes qui ont commis des atrocités, dont le Rwanda lors du génocide de 1994, le Myanmar et le Sud-Soudan.

Les achats d’armes « par des pays ‘décents’ comme les Pays-Bas » ont fait d’Israël l’un des plus gros exportateurs d’armes au monde par habitant, ajoutent les anciens hommes politiques hollandais.

Mais il n’y a naturellement rien de décent en ce qui concerne les Pays-Bas et leurs pairs de l’Union européenne qui continuent à harceler le monde à propos des « droits de l’homme » tout en contribuant aux crimes d’Israël, en les encourageant et en en tirant profits.

 

Une impunité garantie ?

Le ministère hollandais de la Défense a également annoncé qu’en même temps que le pacte de coopération, les Pays-Bas avaient signé avec Israël « un accord sur le statut des forces ».

Celui-ci « contingente le statut juridique des soldats résidant sur le territoire de l’autre partie, comme lors de missions militaires », a déclaré le ministère.  

Des forces hollandaises participent aux missions de maintien de la paix de l’ONU, par exemple dans les hauteurs occupées du Golan syrien et à la frontière avec le Liban. Mais celles-ci seraient sans doute couvertes par des accords ou des conventions entre l’ONU et les parties locales. 

La police et le personnel militaire des Pays-Bas aident également les forces de l’Autorité palestinienne qui violent grossièrement les droits humains palestiniens et collaborent avec les forces d’occupation israéliennes en vue de réprimer les protestations et la résistance légitimes des Palestiniens.

Une motivation probable de l’accord sur le statut des forces réside dans le besoin d’Israël de favoriser l’impunité de son personnel militaire où qu’il se trouve.  

Il s’avère que le texte de l’accord israélo-hollandais n’a pas été publié, mais des précédents peuvent être instructifs : L’accord de 2012 entre les Pays-Bas et les États-Unis sur le statut des forces, par exemple, attribue l’exclusivité de la juridiction américaine dans pratiquement tous les cas de crimes supposés commis par du personnel américain stationné à Aruba, Saint-Martin et d’autres colonies hollandaises situées dans les Caraïbes.

Une autre indication ressort de l’accord de 2015 entre Israël et la Grèce sur le statut des forces qui, rapporte-t-on, « propose des défenses juridiques aux deux armées quand elles s’entraînent chacune dans le pays de l’autre ».

À cette époque, on avait fait remarquer que le seul autre pays avec lequel Israël avait déjà un accord de ce type était les États-Unis. Ceci indique que les Pays-Bas se donnent beaucoup de mal pour prendre chaleureusement fait et cause avec l’armée israélienne – et la récompenser – en signant aujourd’hui un pacte avec Israël sur le statut des forces.  

Les députés hollandais et le public concerné par la complicité croissante de son pays avec le régime israélien d’occupation, d’apartheid et de colonialisme de peuplement doivent assimiler les leçons du passé et faire entendre leurs voix.

L’histoire montre que l’État hollandais n’abandonnera jamais son profond attachement à une politique raciste et colonialiste tant qu’il ne sera pas obligé de s’y résoudre.

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Ali Abunimah

Ali Abunimah

Ali Abunimah, cofondateur de The Electronic Intifada, est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine, paru chez Haymarket Books.

Il a aussi écrit : One Country: A Bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impass

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Publié le 18 octobre 2021 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la P

 

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