Liban : Le Hezbollah refuse de se laisser entraîner dans une nouvelle guerre civile

Le discours prononcé lundi soir par le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, peut avoir été le plus important qu’il ait jamais fait. Il a mis en garde contre la guerre civile qui guettait au Liban et a accusé le parti des Forces libanaises (FL) et son dirigeant Samir Geagea d’essayer d’allumer un conflit afin de provoquer un bouleversement démographique et d’établir un « canton » (district) chrétien sous leur direction.

Photo via Rai al-Youm

Abdel Bari Atwan, 20 octobre 2021

Le ton et le contenu de ce discours de près de deux heures, ainsi que le langage direct de Nasrallah, ont donné l’impression qu’il était sérieusement inquiet de l’intention des États-Unis et d’Israël d’impliquer le Hezbollah dans une guerre civile afin qu’il se préoccupe de conflits domestiques, et de l’entraîner dans des affrontements sanglants avec les FL et leurs alliés et/ou l’armée libanaise.

Nasrallah a semblé se restreindre, tout au long de son discours. Il a tenté de museler sa colère et il a choisi ses mots avec soin. Son fameux sourire était absent. Cela montre que la menace est très sérieuse et qu’il pourrait être impossible de la détourner – surtout après l’incident du district de Tayyouneh, à Beyrouth, où des protestataires pacifiques des mouvements Hezbollah et Amal ont été pris sous le feu de snipers embusqués sur les toits et dont on présume qu’il s’agissait d’agents des FL. Sept manifestants ont été tués et des dizaines d’autres blessés dans les affrontements armés qui ont suivi.

Outre sa référence à la « guerre civile » à plus de vingt reprises, Nasrallah a utilisé son discours pour révéler que le Hezbollah disposait de 100 000 combattants armés sous ses ordres. Ce n’était pas uniquement destiné à dissuader les États-Unis, Israël et les FL d’initier une guerre civile. Il s’agissait également, bien que Nasrallah l’ait nié, d’un avertissement et d’une menace à leur endroit. « Ne faites pas de mauvais calculs. Asseyez-vous intelligemment et tenez-vous sages », a-t-il dit.

Les ennemis du Hezbollah – dirigés par les États-Unis, eux-mêmes dirigés par leur ambassadrice et « cheffe d’état-major » au Liban, Dorothy Shea, et aiguillonnés par Israël – ont recouru à tous les moyens de pression imaginables dans l’espoir de pousser les Libanais à se révolter contre le Hezbollah : en les affamant, en détruisant leur économie, en faisant craquer leur monnaie et en provoquant des crises du carburant et du pain. Le seul stratagème restant était d’organiser un incident « déclencheur », comme l’attaque de bus d’Ain al-Rummaneh, en 1975, qui avait déclenché une guerre civile préprogrammée. L’incident de Tayyouneh était censé faire pareil. Mais le plan fut déjoué par l’intervention de l’armée libanaise et par la restreinte dont firent preuve les dirigeants du Hezbollah et d’Amal. Cela ne signifie pas qu’il n’y aura pas d’autres tentatives, ni qu’on ne trouvera pas d’autres prétextes provocateurs dans les jours à venir.

Le massacre du bus, à Ain al-Rummaneh, ciblait l’OLP et ses alliés du Mouvement national libanais dans le but de faire sortir leurs forces du Liban. Le massacre de Tayyouneh visait le Hezbollah et ses alliés ainsi que son arsenal de missiles qui chiffonne tant Israël. Mais il y a une différence radicale entre les deux circonstances. Le Hezbollah est soutenu par la grande majorité des chiites libanais, une proportion substantielle de ses alliés chrétiens, d’importants secteurs des communautés druzes et sunnites et de nombreux patriotes de tous les secteurs de la société. Une nouvelle guerre civile ne serait pas qu’un conflit des musulmans contre les chrétiens ni même une guerre entre milices libanaises et « étrangers » palestiniens violant la « souveraineté » du pays.   

La première guerre civile du Liban avait duré quinze ans, mais s’était confinée aux frontières du pays. Une nouvelle guerre déclencherait un conflit général majeur. Elle s’étendrait à l’État occupant israélien, qui ne serait pas neutre mais combattrait aux côtés des ennemis du Hezbollah. Il s’ensuivrait que l’arsenal de missiles de l’organisation entrerait en jeu. Cela pourrait avoir pour conséquence une modification de toute la face et de toute la carte du Moyen-Orient.  

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Abdel Bari Atwan

Abdel Bari Atwan

 

Abdel Bari Atwan est le rédacteur en chef du site Rai al-Youm (“L’opinion d’aujourd’hui”, un site qui se veut nationaliste arabe, antisaoudien et antisioniste). Il est l’ancien directeur du quotidien Al-Quds Al-Arabi et l’auteur de L’histoire secrète d’al-Qaïda, de ses mémoires, A Country of Words, et d’Al-Qaida : la nouvelle génération. Vous pouvez le suivre sur Twitter : @abdelbariatwan

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Publié le 20 octobre 2021 sur le site Rai al-Youm
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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