Comment Israël utilise le judaïsme comme une arme coloniale de peuplement

Ce qui se trouve au cœur de l’attaque israélienne contre al-Aqsa, c’est la tendance coloniale de peuplement d’Israël à vouloir conquérir et contrôler la totalité de la Palestine.

Ali Abunimah, 3 avril 2022

Depuis le début du Ramadan, Israël se livre à des attaques quasi quotidiennes contre les fidèles du site de la mosquée al-Aqsa, à Jérusalem, le troisième lieu saint le plus vénéré par les musulmans du monde entier.

Les forces d’occupation, par exemple, ont terrorisé les fidèles par un assaut au cours de prières de l’aube, le deuxième vendredi du Ramadan, pulvérisant les vitraux de la mosquée et blessant plus de 150 personnes.

C’est un écho des plus inquiétants de ce qui s’est passé l’an dernier, quand les attaques d’Israël ont déclenché une confrontation à grande échelle entre Israël et les Palestiniens dans toute leur patrie historique.

Les organisations de résistance à Gaza sont intervenues en guise de défense des Palestiniens de Jérusalem et Israël a orchestré une campagne de bombardements de 11 jours contre Gaza, laquelle s’est soldée par la mort de plus de 250 Palestiniens, dont au moins 70 enfants.

Je me suis entretenu avec la journaliste Rania Khalek dans le cadre de son émission Dispatches (Dépêches), de BreakThrough News, sur la façon dont cette nouvelle attaque israélienne – et la riposte palestinienne – est régulièrement mal interprétée comme une « violence religieuse communautaire » ou comme des « affrontements » entre deux camps plus ou moins égaux.

Mais ce qui se trouve au cœur de l’attaque israélienne contre al-Aqsa, c’est la tendance coloniale de peuplement d’Israël à vouloir conquérir et contrôler la totalité de la Palestine.

Un fanatisme croissant

Les juifs croient que le site de la mosquée al-Aqsa, ou Haram al-Sharif, est l’endroit où se dressait un ancien temple – ce qui explique pourquoi les juifs l’appellent le mont du Temple.

En dépit de toutes les croyances religieuses juives sur le site, al-Aqsa se trouve à Jérusalem occupée où, selon les lois internationales, Israël n’a aucune souveraineté et aucune juridiction quelles qu’elles soient.

Le contrôle par Israël vient uniquement d’une occupation militaire imposée à la pointe du fusil.

Ces dernières années, des groupes de fanatiques juifs ont de plus en plus défié les édits religieux prononcés par les grands-rabbins juifs et interdisant aux juifs de prier à Haram al-Sharif.

Ces actions ont été encouragées par ce qu’on appelle le Mouvement du Temple, une poussée nationaliste juive en vue de s’emparer du site de la mosquée al-Aqsa et de la remplacer par un temple juif.

En 1990, une association extrémiste appelée les Fidèles du mont du Temple a annoncé des plans prévoyant de poser la pierre de touche de son nouveau temple à Haram al-Sharif. Quand les Palestiniens ont protesté, les forces d’occupation israélienne en ont massacré plus d’une douzaine et en ont blessé des dizaines d’autres.

Bien qu’Israël ait en permanence tenté d’affirmer son contrôle sur le site depuis qu’il occupe Jérusalem-Est (1967), ces toutes dernières années, le mouvement fanatique juif a de plus en plus fait partie du paysage et a bénéficié du soutien de nombreux hommes politiques israéliens.

Un précédent dangereux

Les Palestiniens craignent à tout le moins qu’Israël ne découpe de force le lieu saint comme il l’a fait avec la mosquée Ibrahimi, en 1994, suite au massacre par le colon américain Baruch Goldstein de 29 Palestiniens, hommes et garçons, lors des prières de Ramadan.

Non seulement Israël avait scindé la mosquée Ibrahimi, mais il avait forcé les Palestiniens à quitter une grande partie de la Vieille Ville de Hébron, jadis très animée, la plaçant ainsi sous contrôle des colons.

Tout le monde devrait également savoir que l’une des personnalités juives les plus en vue prônant le contrôle par Israël d’al-Aqsa, le député Itamar Ben-Gvir, perçoit Baruch Goldstein comme un héros.

Suite à une incursion récente sur le site d’al-Aqsa, sous haute protection de la police israélienne, Ben-Gvir a déclaré :

« Quiconque contrôle le mont du Temple contrôle la Terre d’Israël. L’ennemi l’a également compris. »

En début de semaine, Sheikh Ekrima Sabri, le principal prédicateur d’al-Aqsa, a publié sur Twitter une vidéo de colons juifs dansant à l’intérieur de la mosquée Ibrahimi à Hébron.

« Le monde entier doit savoir qu’à Jérusalem, nous ne permettrons pas que ce qui s’est passé à la mosquée Ibrahimi se répète à l’endroit où le Prophète est monté au Ciel [al-Aqsa], et ce, à aucun prix »,

a déclaré Sheikh Ekrima Sabri.

Ceci reflète bien le consensus qui règne parmi les Palestiniens : Seule leur résistance sur le terrain peut empêcher une reprise d’al-Aqsa par Israël.

Comme je l’ai dit à Rania Khalek, ce contexte critique est presque toujours laissé de côté par les médias traditionnels, pour autant qu’ils se soucient de parler un tant soit peu des attaques israéliennes contre al-Aqsa.

En son plus profond, la situation en Palestine n’est pas un conflit religieux, mais plutôt une lutte des Palestiniens autochtones pour leur survie et pour résister à la reprise coloniale de peuplement de leur terre par le sionisme, un mouvement colonial violent fondé en Europe.

Le sionisme et l’État colonial de peuplement qu’il a créé ont toujours été prêts à faire du judaïsme une arme sous le prétexte de conquérir la terre des Palestiniens.

Le blanchiment des nazis

Rania Khalek et moi avons également discuté du contraste frappant entre la façon dont les gouvernements occidentaux répondent à la violence israélienne contre les Palestiniens et celle dont ils réagissent à l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Nous avons discuté de maints aspects de ces deux poids et deux mesures, y compris l’un qui dérange particulièrement : Afin de justifier l’envoi d’armes en Ukraine et l’escalade de la guerre en ce pays, même un éminent groupe communautaire juif, qui est en même temps un groupe de lobbying israélien, blanchit les nazis, tout en niant et en révisant les faits relatifs à l’Holocauste.

Vous pouvez regarder notre entière discussion sur la vidéo ci-dessous (en anglais).

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Ali Abunimah, cofondateur et directeur exécutif de The Electronic Intifada, est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine, paru chez Haymarket Books.

Il a aussi écrit : One Country : A Bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impa

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Publié le 23 avril 2022 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

 

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