L’événement culturel “Cuiller et Sumud” a bien eu lieu, malgré les menaces d’annulation

Le lobby sioniste “Les amis belges d’Israël” avait lancé cette semaine une campagne haineuse, en vue de tenter d’annuler l’événement culturel “Cuiller et Sumud”, en exerçant des pressions sur les autorités provinciales et communales et sur la direction de la bibliothèque de Charleroi. Il a échoué. L’événement a bien eu lieu. Les ex-prisonniers et artistes, qu’ils qualifiaient de “terroristes”, ont pu s’exprimer librement. L’échange avec Dareen Tatour a également été possible.  Les livres SUMUD ont bien été présentés.

L'événement culturel "Cuiller et Sumud" : L'artiste Ahmed Frassini, emprisonné à quatre reprises pendant son enfance, témoigne à l'aide de ses dessins. Photo : Nadine Rosa-Rosso.

L’artiste Ahmed Frassini, emprisonné à quatre reprises pendant son enfance, témoigne de son expérience personnelle et de celle des autres prisonniers à l’aide de ses dessins. Photo : Nadine Rosa-Rosso.

C’est dans le beau cadre du bâtiment de l’UT et de la bibliothèque Alfred Langlois de Charleroi qu’a eu lieu un échange des plus riches entre les participants. D’emblée le directeur Olivier Bruyère a accueilli chaleureusement les personnes présentes.

Bienvenue chez nous, en particulier lors de cette journée internationale du Livre. La bibliothèque de Charleroi a toujours été à la découverte d’autres cultures.

Olivier Bruyère, directeur de la bibliothèque et Bénédicte Rasseaux, chargée de projets animations. Photo : Naseem Sabbah

Olivier Bruyère, directeur de la bibliothèque et Bénédicte Rasseaux, chargée de projets animations. Photo : Naseem Sabbah

L’échange avec Dareen Tatour

La poétesse Dareen Tatour, n’avait malheureusement pas pu nous rejoindre. Au dernier moment, le service d’immigration lui a fait savoir qu’elle avait “un problème de papiers de séjour”. Mais Dareen était bien parmi nous, grâce à l’échange sur zoom et plusieurs participant.e.s ont pu lui poser des questions sur son emprisonnement, sa résistance et la littérature de prison.

Tension palpable au moment où nous avons tenté de nous connecter avec Dareen Tatour. En avant-plan, Milady Renoir. Photo : Nadine Rosa-Rosso.

Tension palpable au moment où nous avons tenté de nous connecter avec Dareen Tatour. En avant-plan, Milady Renoir. Photo : Nadine Rosa-Rosso.

 

L’échange s’est terminé par le moment fort où Dareen a lu son poème “Résiste, ô mon peuple, résiste-leur”, poème pour lequel elle a été emprisonnée.

Résiste mon peuple résiste-leur
Dans ma Jérusalem à moi
J’ai habillé mes blessures
Raconté à Dieu mes chagrins
Et posé mon âme sur ma paume
En faveur d’une Palestine arabe
Je n’accepterai pas une solution de paix
Tant que le poison se répandra
Et tuera les fleurs de mon pays

Je ne baisserai jamais mes pavillons
Tant que je ne les aurai pas emportés hors de ma patrie
Je les vaincrai quand ce sera le moment de le faire

Résiste-leur mon peuple résiste
Résiste à la cupidité du colon
Déchire cette infâme constitution
Qui a accompli cette humiliation déprimante
Et nous a empêchés de réclamer nos droits

Résiste-leur mon peuple résiste
Et suis le convoi des martyrs
Ils ont enterré les enfants innocents
Et leurs tireurs ont abattu Hadil en public
Ils l’ont assassinée en plein jour
Ils ont cueilli les yeux de Muhammad
L’ont crucifié et ont attiré la douleur sur son corps
Ils ont déversé leur haine sur Ali
Ont bouté le feu sur lui
Et ont brûlé ses espoirs dans son berceau même

Résiste au mal des Mista’arvim 
Et n’écoute pas les collaborateurs
Qui nous ont liés à l’illusion de la paix
Ne crains pas les langues de feu du char Merkava
Car la foi dans ton cœur restera plus forte

Tant que tu résisteras dans une patrie
Qui a connu des invasions et qui ne s’est pas lassée
Car Ali appelle depuis sa tombe
Résiste mon peuple rebelle
Écrivez-moi parcelles de la branche d’encens
Et vous deviendrez la réponse adressée à mes restes 

Dareen Tatour

C’est Milady Renoir, poétesse auprès des sans-papiers, qui s’est adressée ensuite à Dareen en récitant son poème en français et en lisant un poème qu’elle a composé pour elle :

Dareen, salam,
salam Dareen

nos yeux se croisent,
nos corps ne se voient pas.
Te voilà empêchée par la Suède, l’Europe et ces autres territoires sans regard,
de ces Etats niant constamment les droits,
lesquels ils ont pourtant déclaré, s’unissant entre eux,
petit cercle fermé des impérialismes nécrogènes,
tant de crimes recouverts de poussière d’humanisme.

Dareen, connais-tu la charte du Mandé, royaume fondateur d’Afrique de l’Ouest? Charte proclamée 712 ans avant celle de l’ONU, Charte à l’adresse des douze parties du Monde, au nom du Mandé tout entier, Charte de 7 articles de loi dont je te lis les titres:

Article 1 « Une vie est une vie; une vie n’est pas plus ancienne ni plus respectable qu’une autre vie, de même qu’une autre vie n’est pas supérieure à une autre vie » ;
Article 2 « Que nul ne s’en prenne gratuitement à son voisin, que nul ne cause du tort à son prochain, que nul ne martyrise son semblable » 
Article 3 « Le tort demande réparation » 
Article 4 « Pratique l’entraide et Veille sur la patrie » 
Article 5 « La faim n’est pas une bonne chose, l’esclavage n’est pas non plus une bonne chose » 
A
rticle 6 « La guerre ne détruira plus jamais de village pour y prélever des esclaves ; c’est dire que nul ne placera désormais le mors dans la bouche de son semblable pour aller le vendre ou le tuer »  
Article 7 « Chacun est libre de ses actes, dans le respect des interdits des lois de sa patrie ».

Même si la vérité n’a pas d’âge, l’histoire ne se fait pas justice, 
Les oppresseurs cimentent la narration, reproduisent les pires sévices,
Dareen, les mots des poétesses de la résistance, de l’auto-défense s’engouffrent dans les interstices, effritent le plâtras des murs mortifères mais aussi éphémères,
la mémoire de la langue rouge et verte gravée dans les pierres,
le souffle des échos diffusé entre les vents contraires,
même sans lit, même sans flux, les rivières capturent les oligo-éléments du passage du poème,
malgré les pollutions au phosphore blanc et aux mensonges lents,
le poème persiste, le poème galvanise, le poème parvient aux prochains.

Dareen, je t’ai lue en 2018, moi qui aie accès aux livres et à l’embarras du choix, moi qui aie le droit de gaspiller mon temps, le droit d’écrire de la poésie, de la plus crue à la plus creuse,
j’habite des scènes, des rues et des oreilles
sans aucun risque,
on m’invite, on me paye,
sans aucun risque,
sois encore plus crue, sois plus politique, on me dit ça parfois,
mais ce qu’il m’incombe pour ne pas perdre VOTRE espoir,
c’est de te lire, Dareen, toi et Fadwa, Saïda, Warsan, Etel, Andrée, Yvonne, Samia,
et celles qui écrivent dans leurs lits, leurs cellules, leurs peaux, leurs maquis

Merci à toi, Dareen de tenir debout, 
tenir debout, c’est se lever, aussi, se soulever contre
ton poème est un pieu, un mât dressé,
il écrit la stabilité, la constance,
il est ferme, il expose le sujet et l’essence 
poème jus de citron, poème nœud
poème cartouche, poème dieu

Dareen, je te lis et garde ton poème dans ma gorge
comme une griffe dans l’avenir capricieux.

Milady Renoir – avril 2022

La poétesse namuroise, Michèle Hicorne, auteure du recueil “Des mots pour la Palestine” a pris le relais et a lu des extraits des témoignages de Dareen Tatour publié dans le deuxième volume Sumud, “Paroles de résistance de prisonnières palestiniennes”.

L’expo de Nabila et Iyad Sabbah

Nous connaissions déjà des œuvres de l’artiste palestinien Iyad Sabbah; l’expo nous a permis de découvrir également le travail de son épouse Nabila. Nabila avait déjà exposé des tableaux sur les prisonniers palestiniens, lorsqu’elle vivait encore à Gaza. Le sort des prisonniers palestiniens la préoccupe depuis toujours.

La cuiller, symbolisant l'évasion de six prisonniers palestiniens de la prison de haute sécurité de Gilboa, une sculpture d'Iyad Sabbah. Photo : Sandro Baguet.

La cuiller, symbolisant l’évasion de six prisonniers palestiniens de la prison de haute sécurité de Gilboa le 6 septembre 2021 : une sculpture d’Iyad Sabbah. Photo : Sandro Baguet.

 

L'événement culturel "Cuiller et Sumud" : Peinture de Nabila Sabbah (Photo : Sandro Baguet)

Peinture de Nabila Sabbah (Photo : Sandro Baguet)

Les tableaux d’Iyad expriment son arrivée en Belgique en tant que demandeur d’asile, lorsqu’il n’était qu’un “chiffre”.

L'événement culturel "Cuiller et Sumud" : Peinture d'Iyad Sabbah (photo Sandro Baguet)

Peinture d’Iyad Sabbah (photo Sandro Baguet)

L’expo restera pendant un mois à la bibliothèque. Elle est visible les mardis et jeudis de 13 h à 18 h, les mardis et vendredis de 8 h 30 à 18 h et le samedi de 8 h 30 à 12 h 30.

Résistance culturelle et militante

Pendant une pause, des participant.e.s se sont fait photographier pour exiger la liberté des prisonnier.e.s palestinien.e.s, mais aussi pour exiger la liberté d’action pour la Palestine et ses prisonnier.e.s., contre toute mesure de répression.

Ni les intimidations, ni les interdictions ne nous feront taire. Soutien total aux associations Collectif Palestine Vaincra et Comité Action Palestine, frappés par des mesures de dissolution par le gouvernement Macron en France.

Non à la dissolution du Collectif Palestine Vaincra de Toulouse et du Comité Palestine Action de Bordeaux, liberté pour les prisonnières Khitam Saafin, Israa Jaabis et tous les prisonnier.e.s palestinien.e.s, liberté pour Georges Ibrahim Abdallah. Photo : Naseem Sabbah.

Non à la dissolution du Collectif Palestine Vaincra de Toulouse et du Comité Palestine Action de Bordeaux, liberté pour les prisonnières Khitam Saafin, Israa Jaabis et tous les prisonnier.e.s palestinien.e.s, liberté pour Georges Ibrahim Abdallah. Photo : Naseem Sabbah.

Merci

La Plate-forme Charleroi-Palestine remercie chaleureusement tous les participant.e.s et intervenante.e.s, et celles et ceux qui ont rendu l’événement possible. En particulier Dareen Tatour, intervenant depuis la Suède, Olivier Bruyère, directeur de la bibliothèque et Bénédicte Rasseaux, chargée de projets animations, Nabila et Iyad Sabbah, exposants, Hamdan Aldamiri, représentant la Communauté palestinienne en Belgique, intervenant et traducteur pendant tout l’événement, Ahmed Frassini, artiste palestinien, emprisonné à quatre reprises pendant son enfance, Mustafa Awad, Belge d’origine palestinienne qui a été emprisonné en Israël et pour lequel le gouvernement belge n’a pas bougé le petit doigt, Nadine Rosa-Rosso qui a présenté les éditions Antidote et les livres Sumud, les poétesses Milady Renoir  et Michèle Hicorne pour leurs lectures et Naseem Sabbah, qui a filmé l’événement culturel. Nous publierons certainement des extraits de vidéos dans de prochains articles.

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