Israël est incapable d’exhiber la moindre preuve de la présence d’un centre de commandement du Hamas à l’hôpital al-Shifa

Israël a envahi l’hôpital al-Shifa à Gaza mercredi à l’aube après l’avoir encerclé et assiégé pendant des journées entières et avoir lancé de lourdes attaques contre tout le secteur. Mercredi soir, paraît-il, les soldats se sont retirés des bâtiments de l’hôpital et ont été redéployés autour des accès à l’hôpital.

 

L'armeé israélienne envahit l'hôpital al-Shifa le 15 novembre 2023

L’armeé israélienne envahit l’hôpital al-Shifa le 15 novembre 2023 (Photo : Quds News Network)

 

 

Maureen Clare Murphy, 15 novembre 2023

Tard, mercredi soir, Adnan al-Bursh, le chef du département d’orthopédie d’al-Shifa, a expliqué à Al Jazeera (version en arabe) que les bulldozers israéliens avaient commencé à niveler les environs de l’entrée sud du complexe médical.

Mercredi, Benjamin Netanyahou, le Premier ministre israélien, a salué sa conquête du plus grand hôpital de Gaza en disant :

« Il n’y a pas un seul endroit à Gaza que nous ne pouvons atteindre. Il n’y a pas d’endroits où se cacher. Il n’y a ni abri ni refuge pour les assassins du Hamas. »

Mais la propre propagande d’Israël publiée dans le sillage du raid montre que la sempiternelle accusation formulée par Netanyahou et l’armée de ce que le Hamas se sert d’al-Shifa pour protéger son centre de commandement est un mensonge infernal.

L’armée israélienne a publié une vidéo « one shot » (non retouchée) de plus de sept minutes révélant prétendument la découverte d’« armes du Hamas » dans le centre IRM [imagerie par résonance magnétique, NdT] de l’hôpital. La prise de vue de l’armée montrait dans un petit placard des pièces de fusil emballées dans du tissu, et son porte-parole, un sac à dos en main, en train de gesticuler dans la direction d’un petit ordinateur portable et de ramasser une pile de CD.

La vidéo originale n’a pas tardé à être détruite et l’armée a finalement publié une version de la vidéo plus courte d’une vingtaine de seconde que sa première version, supprimant ainsi son affirmation selon laquelle le portable montrait l’image d’un soldat israélien « secouru » par l’armée.

https://twitter.com/harooncx7/status/1724935740034076799?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1724935740034076799%7Ctwgr%5E887ee415b96a4bbbdc56df1a7b68c088ac2b1941%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Felectronicintifada.net%2Fblogs%2Fmaureen-clare-murphy%2Fisrael-fails-show-evidence-hamas-command-center-al-shifa-hospital

La prise de vue de l’armée était également destinée à montrer le « fourre-tout » d’un militant contenant des armes derrière un appareil IRM et, de façon tout à fait invraisemblable, un gilet pare-balles portant les insignes des ailes militaires à la fois du Hamas et du Djihad islamique.

 

La prétendue découverte d’armes a été potentiellement fabriquée de toutes pièces. Et, au cas où tout cela serait vrai, quelques pièces détachées rouillées de fusil fourrées dans un placard constituent difficilement une preuve que l’hôpital servait de centre de commandement militaire.

 

La propagande israélienne

Rappelez-vous que, le mois dernier, Israël avait publié une animation « s’appuyant sur les renseignements » montrant un vaste complexe souterrain prétendument existant en dessous de l’hôpital.

 

Israël se livre à de telles allégations à propos d’al-Shifa depuis 2009 au moins.

Mondoweiss a publié un clip de cette prétendue vidéo « one shot » diffusée par l’armée israélienne et montrant qu’en fait, elle avait subi des modifications au montage :

 

L’armée israélienne a également diffusé des photos d’un soldat qui, à al-Shifa, se tient debout près d’un empilement de caisses en carton couvertes de grandes feuilles de papier mentionnant « fournitures médicales » et « nourriture pour bébé » en anglais – une grossière tentative en vue de faire croire que le raid était une opération humanitaire :

 

Il s’avère que l’une des caisses visibles sur les photos de la propagande israélienne apparaît également dans la vidéo « one shot » à côté du sac d’armes que le militaire prétend avoir trouvé à al-Shifa – suggérant fortement que la « preuve » de fraude découverte sur le site médical avait été fabriquée de toutes pièces :

 

Les propagandistes de l’armée israélienne ont également produit une vidéo montrant prétendument des incubateurs que l’armée avait proposé de transférer vers la section pédiatrique d’al-Shifa, ainsi qu’une photo montrant une soldate en train de charger ces incubateurs dans une camionnette :

 

Plusieurs nouveau-nés à al-Shifa sont décédés, ces derniers jours. Les bébés ne sont pas morts en raison d’un manque d’incubateurs, mais par manque d’oxygène après qu’Israël a coupé la fourniture d’électricité à Gaza, il y a plus d’un mois. Les hôpitaux sont tombés à court de carburant pour faire fonctionner les générateurs de secours, et ce, du fait de l’interdiction par Israël d’acheminer du carburant vers le territoire.

 

Les spécialistes des lois internationales et les organisations de défense des droits humains disent que le siège total imposé par Israël à Gaza, y compris l’interdiction portant sur l’électricité et le carburant, est un crime de guerre.

 

Le raid israélien sème la terreur parmi le personnel médical et les patients

Mercredi, Adnan al-Bursh, le responsable du département orthopédique d’al-Shifa, a expliqué à Al Jazeera que les forces israéliennes avaient encerclé l’hôpital et qu’elles visaient toute personne qui bougeait. Et d’ajouter que le personnel était dans l’impossibilité de communiquer d’un département à l’autre.

Le directeur de l’hôpital a dit à la chaîne qatarie que la conduite de distribution d’eau à l’hôpital avait explos et il a ajouté :

« Nous n’avons plus une goutte d’eau » pour les centaines de blessés et les milliers de personnes déplacées présentes sur le site.

Mardi, Ashraf al-Qedra, porte-parole du ministère palestinien de la santé à Gaza, a expliqué que des douzaines de personnes avaient été enterrées dans une fosse commune creusée dans les terrains entourant l’hôpital al-Shifa et qu’un nombre plus important encore de corps en décomposition devaient toujours être ensevelis, mais que la situation était dangereuse en raison de la présence de l’armée israélienne.

Il a dit que 40 patients, dont trois enfants, étaient décédés en raison du manque de fournitures médicales à al-Shifa.

Des témoins présents à al-Shifa ont déclaré que, lors du raid de l’armée israélienne, des soldats avaient fouillé les pièces et le sous-sol, rapporte Reuters.

Des sources à al-Shifa même ont fait savoir à Al Jazeera que les soldats israéliens avaient ordonné à de jeunes hommes de se rendre. Il paraît qu’« une trentaine d’eux ont été sortis dans la cour de l’hôpital et ont dû se déshabiller. On leur a ensuite bandé les yeux et ils ont été interrogés par les soldats israéliens », rapporte Al Jazeera.

« Les forces israéliennes ont également fait sauter un entrepôt de médicaments et d’équipements médicaux, ont affirmé des sources. »

Le Dr Ahmed El Mokhallalati, un chirurgien à al-Shifa, a décrit la situation terrifiante de centaines de patients, des membres de leurs familles, du personnel médical et des milliers de personnes déplacées réfugiées à l’hôpital alors qu’on pouvait entendre des tirs nourris et de lourdes explosions dans tout le complexe.

« Nous ne savons pas ce qu’ils vont nous faire »,

a déclaré El Mokhallalati.

« Nous ne savons pas s’ils vont tuer les gens ou les terroriser. Nous savons que toute la propagande n’est que mensonge, et ils savent aussi bien que nous qu’il n’y a rien au centre médical al-Shifa. »

Les responsables palestiniens de la santé de Gaza et le Hamas ont réfuté avec vigueur les allégations disant que les combattants palestiniens utilisaient les hôpitaux comme centres de commandement, et le Hamas a insisté pour que le secrétaire général de l’ONU constitue une délégation internationale en vue de blâmer les allégations d’Israël.

 

Les porte-parole américains répètent servilement les accusations israéliennes

Mardi, dans les heures qui ont précédé le raid des forces israéliennes à al-Shifa, le porte-parole de la Maison-Blanche, John Kirby, a prétendu que les EU détenaient des « informations » disant que le Hamas et le Djihad islamique

« utilisaient certains hôpitaux de la bande de Gaza, dont al-Shifa, et des tunnels creusés en dessous de ces hôpitaux pour cacher et soutenir leurs opérations militaires et garder des otages ».

Il a prétendu en outre que des militants

« faisaient fonctionner à Gaza même un nœud de commandement et de contrôle à partir d’al-Shifa. Ils y ont stocké des armes et ils sont prêts à répondre à une opération militaire israélienne contre ce site ».

Kirby a expliqué aux journalistes que les informations américaines

« provenaient de diverses sources de renseignement »,

mais il n’a pas proposé la moindre preuve spécifique de ce qu’il avançait.

Ces affirmations ont été répétées mardi par le porte-parole du Pentagone, qui a même déclaré que le Hamas et le Djihad islamique

« avaient des armes stockées sur place et qu’ils étaient prêts à répondre à une opération militaire israélienne contre ce site » :

Il n’y a toutefois pas eu de rapports confirmés de la résistance armée depuis l’intérieur d’al-Shifa et Israël n’a pas prétendu avoir rencontré, capturé ou tué le moindre combattant en effectuant son raid sur le site. Il s’est contenté de dire qu’au moins cinq combattants « avaient été tués par ses soldats au cours d’un combat qui avait eu lieu en dehors de l’hôpital ».

Kirby a également dit que l’administration Biden

« ne soutenait pas les bombardements aériens contre les hôpital »

et :

« Nous ne voulons pas assister à une fusillade dans un hôpital où des gens innocents, désemparés et malades essaient tout simplement d’obtenir les soins médicaux qu’ils méritent ».

Mercredi, Kirby a réfuté les accusations disant que l’administration Biden avait autorisé le raid contre al-Shifa.

Martin Griffiths, le responsable humanitaire de l’ONU, a déclaré qu’il avait été « épouvanté par les rapports concernant les raids militaires » à al-Shifa, ajoutant que

« la protection des nouveau-nés, des patients, du personnel médical et de tous les civils devait passer avant tous les autres problèmes ».

Tedros Adhanom Ghebreyesus, le directeur de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), a expliqué que les rapports concernant

« une incursion militaire à l’hôpital al-Shifa étaient hautement inquiétants ».

Et d’ajouter que l’agence avait été incapable de contacter le personnel des soins de santé à l’hôpital et que

« nous sommes extrêmement inquiets pour leur sécurité et celle de leurs patients ».

Mardi, Human Rights Watch a déclaré que les attaques répétées d’Israël contre les sites médicaux, les travailleurs médicaux et les ambulances

« continuent de détruire le système des soins de santé de la bande de Gaza et qu’il conviendra de faire une enquête sur ces attaques en tant que crimes de guerre ».

L’organisation a ajouté qu’

« aucune preuve ne pourrait justifier que l’on prive des hôpitaux et des ambulances de leur statut protégé dans le cadre des lois humanitaires internationales ».

*****

Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

                                        ******
Publié 15 novembre 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine


NDLR : Afin de pouvoir lire les “tweets” et vidéos repris dans l’article, ouvrez un compte Twitter (X)

 

Print Friendly, PDF & Email

Vous aimerez aussi...