Rejetez la doctrine raciste d’Israël

Ce génocide perpétré par Israël est une condamnation du système international tout entier – un système qui a permis à cet État terroriste non seulement d’exister, mais aussi de poursuivre un nettoyage ethnique – en même temps que les plus odieux des crimes contre l’humanité – tout en bénéficiant de son aide inconditionnelle et de son soutien total.

 

Depuis 75 ans, les Palestiniens ont transmis le discours de la Nakba à chaque génération nouvelle. Mais, aujourd’hui, en plein génocide, l’actuelle génération de Palestiniens vit les horreurs mêmes de ce génocide.

Depuis 75 ans, les Palestiniens ont transmis le discours de la Nakba à chaque génération nouvelle. Mais, aujourd’hui, en plein génocide, l’actuelle génération de Palestiniens vit les horreurs mêmes de ce génocide. (Photo : Naaman Omar / APA Images)

 

Ahmed Abu Artema, 15 novembre 2023

Trois semaines ont passé depuis que ma famille a été massacrée par les avions de guerre israéliens.

Six de mes proches ont été tués, y compris mon fils de 13 ans, Abdullah. J’ai été blessé et ma maison a été démolie et je n’ai pas été en mesure de visiter la tombe de mon fils, pas même une seule fois.

L’intensité et la folie des bombardements israéliens sont telles que marcher en rue est devenu une tâche dangereuse et qu’il n’est pas garanti qu’on en sorte vivant.

Trois semaines, et je n’ai pas trouvé un moment approprié pour pleurer. J’étouffe, et j’ai l’impression que je vais éclater en larmes, mais l’intensité des tragédies et ce qui s’ensuit nous prive des moments de solitude nécessaires pour exprimer nos émotions.

Je pense beaucoup à tout le temps qu’il va falloir à ma fille Batool, qui a huit ans, pour oublier ce souvenir horrible du crime auquel elle a assisté en personne. Batool a été blessée elle aussi au cours du bombardement et, à l’hôpital, elle continue de me parler de ce qu’elle a vu.

« J’ai vu une fusée et elle a explosé »,

-elle.

« J’ai vu mon frère Abboud [Abdullah] au moment où il est tombé par terre et a appelé baba, baba [papa, papa]. J’ai vu le feu brûler ma main. J’ai vu la maison démolie au-dessus de nous et j’ai vu bonne-maman couchée par terre. »

Telle est la précoce expérience d’enfance qu’Israël a implantée au plus profond de la conscience de ma fille. C’est la même chose pour des milliers de jeunes Palestiniens, qui grandiront avec cette horreur implantée dans leurs cœurs.

Voilà la génération nouvelle des Palestiniens. À jamais, ils se souviendront d’Israël comme d’un État génocidaire et terroriste.


Ce que signifie exister pour Israël

Une fois de plus, qu’accomplit Israël quand il remodèle la conscience de millions de gens ? Même si Israël élimine la totalité des combattants du Hamas, il a déjà planté les nouvelles semences de la colère et d’une détermination à la vengeance qui produiront des millions de nouveaux combattants.

Israël ne produit rien de plus que destruction et massacres, et toutes ses actions absurdes se retourneront contre lui.

Depuis 75 ans et par souci de maintenir en vie le discours palestinien, les Palestiniens sont bien décidés à transmettre à chaque génération nouvelle l’histoire de la Nakba, de la déportation et des massacres de 1948.

Mais, aujourd’hui, au milieu de cet horrible chapitre du génocide qui a lieu en 2023, nous n’aurons pas besoin d’entretenir les générations nouvelles à propos du passé.

Elles-mêmes vivent actuellement ces expériences. Et peut-être même d’une façon plus cruelle encore.

Les Palestiniens et le monde entier sont témoins de ce que signifie exister, pour Israël.

Cela signifie qu’on assistera à un génocide, au déplacement de villes entières, à des bombardements d’hôpitaux débordant de patients. Cela signifie priver une population entière d’eau, de nourriture et de carburant. Cela signifie tuer délibérément des milliers d’enfants et détruire des quartiers entiers au-dessus des têtes mêmes de leurs habitants.

Il ne s’agit plus seulement ici des histoires que les grands-parents racontent à leurs petits-enfants : Ce sont des histoires que nous vivons bel et bien en temps réel.

Ce génocide perpétré par Israël est une condamnation du système international tout entier – un système qui a permis à cet État terroriste non seulement d’exister, mais aussi de poursuivre un nettoyage ethnique – en même temps que les plus odieux des crimes contre l’humanité – tout en bénéficiant de son aide inconditionnelle et de son soutien total.

 

Dirigé par un système corrompu et impuissant

Israël jouit d’une immunité complète ; on ne lui réclamera pas de comptes.

Et, en dépit de tous ces crimes horribles visant des civils, il n’y a toujours pas assez de pression internationale pour imposer un cessez-le-feu.

Le monde entier peut voir qui Israël cible.

Tout le monde sait qu’il s’agit d’une guerre contre le peuple palestinien et tous les aspects de notre existence. Tout le monde sait qu’il ne s’agit pas d’une guerre contre une faction particulière, comme le prétend Israël.

N’empêche que le monde se contente de regarder et, à l’occasion, de condamner.

Le système international a révélé son impuissance fin octobre, quand le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a tenu une conférence de presse au passage de Rafah afin de demander pathétiquement qu’il soit permis de faire entrer à Gaza de l’aide humanitaire et du carburant.

Le problème, c’est le système international lui-même, la résultante d’un ordre politique créé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. C’est un système qui engage la volonté des nations envers les grandes puissances mondiales.

Ces puissances musèlent ensuite la volonté des autres pays et utilisent la couverture des lois internationales pour s’opposer à des actes guidés par la conscience humaine.

Ce système international corrompu et impuissant permet à tout pays bénéficiant du soutien de ces grandes puissances mondiales de commettre des atrocités sous leur protection.

Ce qu’auraient dû être précisément les Nations unies, c’était une organisation nantie de pouvoirs contraignants pouvant imposer le respect des lois internationales et des droits humains.


Perpétuer l’héritage du colonialisme

La longue histoire du colonialisme et de l’asservissement ne cesse de me hanter l’esprit, ces derniers jours, au moment où je vis au milieu de ce génocide.

Israël n’a pas été créé à partir de rien, il perpétue plutôt l’affreux héritage des nations colonialistes, de l’Amérique à l’Australie, qui ont anéanti et asservi des peuples autochtones.

Aujourd’hui, Israël est un fils loyal de cet héritage. Quand des responsables de cet État génocidaire traitent les Palestiniens de « bêtes humaines », ils parlent depuis le même état d’esprit, qui a ses racines dans les idées de supériorité raciale, à l’instar de ces puissances coloniales qui les ont précédés.

Les envahisseurs européens percevaient également les peuples colonisés comme des bêtes humaines, et cette imagerie animalière est une condition préalable pour commettre un génocide.

Par conséquent, le fait que cette confrontation se déroule présentement, même si son terrain est Gaza, est en essence une confrontation au niveau mondial.

Tous les gouvernements qui favorisent cet État génocidaire constituent une extension des régimes de suprémacisme racial.

Par contre, les millions de personnes libres qui manifestent dans les villes des États-Unis, du Royaume-Uni, de l’Europe, de l’Afrique du Sud et de l’Asie de l’Est incarnent le rejet de cette doctrine.

Ces millions de personnes, dont les revendications sont ignorées en permanence par les gouvernements, représentent l’espoir qu’un monde nouveau va naître au beau milieu de ces ténèbres, pour autant que nous poursuivions notre combat actif.

Ce pourrait être un monde où les régimes génocidaires, la discrimination raciale et l’épuration ethnique n’auront plus droit de cité. Un système nouveau et équitable peut naître, où les gens libres pourront exprimer leurs desiderata et leurs vraies valeurs morales, et où le respect des droits humains ne sera plus inféodé aux intérêts des puissants.

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Ahmed Abu Artema est un écrivain et activiste palestinien, réfugié de Ramle.

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Publié le 15 novembre 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

 

 

 

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